Learn french online, French courses, French classes, French school
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Base de données à usage des professeurs

Cette base de données appartient à Learn French at Home et est à usage exclusif
des professeurs de cette école de langues.

Articles

Chansons

Images

Fiches techniques

Exercices

Petites histoires et poèmes

Sites web

Vidéos

Audio

Movies and Movie Talks

Langage professionnel

Jeux de rôle

Le coin des branchés

Enfants 1 (sites généraux, jeux, vidéos, vocabulaire,
grammaire et phonétique)

Enfants 2 (chansons, contes, comptines et histoires courtes)

******

Sommaire des articles

Articles et extraits de textes

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Articles
- Tests de personnalité
- Qui est qui ?
- Les traditions de Noël
- "Espèces d'idiomes" : six articles sur des comparaisons entre des idiomes français et dans d'autres langues
- "L'intelligence artificielle : une machine peut-elle ressentir de l'émotion ?" Avec questions
- Le nouveau Musée du Louvre à Abu Dhabi (Diaporama)
- Japon : des animaux au bureau pour apaiser les employés Avec questions
- La "French girl" Avec questions
- Gluten, lactose, vegan : Quand les chefs font avec le "sans" Avec questions
- Océanix, projet de ville flottante
- Interview Boris Cyrulnik sur les jeunes et les études Avec questions
- Interview Alain Rey, rédacteur en chef des dictionnaires Petit Robert Avec questions
- Les origines de la Saint-Valentin Avec questions
- La fin de l'argent liquide
- En Italie, les lettres d'amour ont leur musée
- L'art de râler expliqué aux Anglo-Saxons
- Le boulanger, sa muse et la boule au levain
- L'effet de Flynn Avec questions et réponses
- Le champagne rosé s'invite à la table
- Des couples hors du commun
Apprendre le français par les chansons :
--- Des chansons militantes
--- Des mélodies pour sauver la planète
--- Des chants d'amour pour la famille
- Quatre idées reçues sur le vin rosé
Deux témoignages pour une nourriture plus saine :
--- "Je suis devenue végétarienne"
--- "Les pois chiches, une alternative aux nourritures animales"
Les inventions, un reflet de la créativité française :
--- Quelques découvertes techniques
--- Des petites choses bien utiles
--- Des créations originales
--- Des inventions bien françaises
--- La santé, un point fort
--- Ce qui est français, et ce qui ne l'est pas
- La charge mentale, une double peine pour les femmes Avec questions et réponses
"Drôle de langue", une série de 17 articles sur les curiosités de la langue française :
--1) Des héros ou des z'héros ? Histoires de liaisons
--2) Logique la langue française ?
--3) Pourquoi dit-on "vingt-deux", mais pas "dix-deux" ?
--4) Le périple linguistique de la dinde et du cochon (d'Inde)
--5) En français, des gens de tous les genres
--6) Des négations aux délicieuses origines
--7) Les adjectifs sèment le désordre
--8) Le "ù" du clavier d'ordinateur, touche à usage unique
--9) Do, ré, mi... d'où viennent les notes de musique ?
--10) Quand le français nous laisse l'embarras du choix
--11) La longue trajectoire du postillon
--12) Être en grève et chercher du travail, c'est possible
--13) "Boire du champagne en bermuda", et autres métonymies...
--14) Pourquoi le Y est-il grec ?
--15) Pourquoi le nom des nombres est-il un casse-tête ?
--16) Les liaisons curieuses de la langue française
--17) Le "ne", marque de négation en voie de disparition
Cuisine méditerranéenne et joie de vivre :
---La bonne recette pour une longue vie
---Les "zones bleues" des gens heureux
---Le mode de vie des gens du sud : un atout essentiel pour la longévité
- Joséphine Baker au Panthéon
- Marseille : une ville unique au monde
- Les premiers candidats en piste pour les présidentielles
- Le chic français n'est pas qu'une question de vêtements
- Les Jeux Olympiques 2024 à Paris - La Seine au coeur du spectacle
- Les effets imprévus, et positifs, de la crise sanitaire
- La tradition française du juron politique
- Un nouveau master en gastronomie
- Un grand "parc à thème" sur le chocolat verra le jour en Suisse
Dossier sur Molière :
---Molière, 400 ans et toujours si proche de nous
---Ce que Molière nous enseigne
---Trois pièces encore très actuelles
---Le théâtre : une passion pour les Français
- La Finlande, le pays qui investit dans le bonheur
- La fabuleuse histoire de la boîte de conserves
Deux articles sur les éventails :
---L'accessoire de l'été : l'éventail
---Des objets de séduction et de communication
-Musée du vin en Chine
-Hommage à Sempé
Dossier sur Victor Hugo :
---L'amour paternel, en poèmes
---L'art d'être grand-père
---Mais qui était donc Victor Hugo ?
- Annie Ernaux Prix Nobel de littérature
- Pénurie de moutarde en France
- La baguette au patrimoine de l'UNESCO (article du "Monde")
- French Accent Magazine : 100ème numéro ! (et rappel de l'histoire de LFAH)
- La baguette mise à l'honneur par l'UNESCO (article dans "French Accent")
- La coiffeuse "inretraitable" NEW
Dossier sur Paris :
- Le paris qu'on aime NEW
- Les restaurants et bistrots où nous avons plaisir à aller NEW
- Nos autres "bonnes adresses" NEW

 

Articles

Tests de personnalité
A quel type de Français appartenez-vous ?

Test de personnalité

Entourez une seule réponse par question et, à la fin, regardez quelle est la lettre dominante, puis lisez votre catégorie ! Pensez-vous que cette catégorie vous va bien ?

  1. Que faites vous pour rester en forme ?
    a) de la gymnastique ou de l'aérobic
    b) du jogging en famille
    c) de la marche en forêt
    d) du yoga
    e) de la musculation
  2. Où vous sentez vous bien ?
    a) en ville, dans la foule
    b) dans un jardin public
    c) dans une église déserte
    d) sur une île déserte
    e) sur votre moto
  3. Quelles sont vos vacances idéales ?
    a) quelques jours de ski ou de mer tous les trois jours
    b) en famille, en camping-car
    c) retour dans la région familiale
    d) le tour du monde
    e) dans un club de vacances
  4. Quelle est votre dépense prioritaire ?
    a) la voiture
    b) l'assurance pour la maison et pour la famille
    c) du matériel de bricolage
    d) un voyage à l'étranger
    e) votre maison
  5. Quel est votre logement préféré ?
    a) une belle résidence
    b) une vieille maison à la campagne
    c) un appartement bourgeois
    d) le dernier étage d'une tour moderne
    e) une maison avec jardin au banlieue
  6. Comment payez-vous vos achats ?
    a) avec une carte de crédit
    b) par chèque
    c) en espèces
    d) vous préférez échanger quelque chose
    e) vous achetez à crédit
  7. Quel est votre repas préféré ?
    a) un plat surgelé
    b) un bon repas en famille autour d'un bœuf bourguignon
    c) un petit repas simple en famille
    d) un plat exotique
    e) un hamburger et un coca
  8. Quel sport aimeriez-vous faire ?
    a) du tennis
    b) du vélo
    c) du patinage
    d) de la voile
    e) de la compétition automobile


Les mots qui vous caractérisent

Dominante A vous êtes ACTIVISTE
Vous êtes travailleur, entreprenant, réaliste, volontaire, professionnel, autoritaire, bien informé. Vous aimez bavarder. Vous êtes tourné vers l'avenir. Vous savez vous adapter.

Qualités: travailleur, entreprenant, réaliste, volontaire, professionnel, bien informé, voit en perspective et facilité à s'adapter.

Défauts: trop bavard, autoritaire.

Dominante B vous êtes MATERIALISTE
Vous êtes respectueux des traditions. Vous avez peur du progrès technique. Vous aimez rester chez vous. Vous aimez bricoler. Vous avez le sens de la famille. Vous êtes calme, plutôt passif et modeste.

Qualités: il est manuel, calme, modeste.

Défauts: respectueux des traditions(trop conservateur), effrayé par le progrès, il n'est pas très sociable parfois passif. (inactivité).

Dominante C vous êtes RIGORISTE
Vous êtes travailleur, économe, moralisateur. Vous aimez défendre les valeurs traditionnelles : la famille, le patrimoine, la religion. Vous avez peur du progrès. Vous avez le sens des responsabilités et vous respectez vos chefs.

Qualités: travailleur, économe, aime défendre les valeurs : la famille, la religion et le patrimoine, responsable et respectueux.

Défauts: moralisateur, effrayé du progrès.

Dominante D vous êtes ORIGINALE(E)
Vous êtes cultivé, curieux, créatif. Vous êtes très indépendant et orgueilleux et vous n'aimez pas l'autorité. Vous n'aimez pas beaucoup le travail. Vous aimez voyager. Vous êtes anticonformiste et souvent désordonné.

Qualités: cultivé, créatif, curieux(intéressé), aime voyager et découvrir d'autres pays.

Défauts : trop indépendant, orgueilleux, il n'aime pas l'autorité et le travail, anticonformiste et désordonné.

Dominante E vous êtes INDIVIDUALISTE
Vous aimez l'argent et vous êtes dépensier. Vous êtes un bon vivant en famille et avec votre petite bande de copains. Vous êtes débrouillard, parfois agressif. Vous faites toujours très attention à votre apparence.

Qualités: un bon esprit en famille, vivant et actif avec les amis, débrouillard et soigné.

Défauts: il aime l'argent et il est trop dépensier, agressif.


Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 


Qui est qui ?

Article à lire, suivi de questions :

L'élite
Ce terme assez vague regroupe tous les Français se trouvant au sommet des hiérarchies. Si autrefois l'élite était surtout composée des personnes de la haute bourgeoisie et de la noblesse, aujourd'hui, le mot élite se réfère surtout aux personnes qui sont des maîtres à penser dans leurs domaines. L'élite se trouve donc surtout dans les milieux intellectuels ou scientifiques : chercheurs de renom, directeurs universitaires de très haut niveau, médecins réputés, etc.

Les nobles
Rois, princes, ducs, contes et comtesses d'autrefois étaient tous des nobles, cette catégorie, ou “ordre”, de citoyens hors du commun, titulaires de titres de noblesse. On disait d'eux qu'ils avaient le sang bleu. Le nom de famille des nobles est précédé de la particule “de”. Ils sont plus rares de nos jours, et surtout bien plus discrets – depuis la Révolution, qui a aboli, en principe, la noblesse.

Les aristocrates
Les aristocrates sont pour la plupart des nobles, mais ce terme se réfère davantage à la classe sociale à laquelle ils appartiennent qu'à leur état de noblesse. D'ailleurs on peut être aristocrate sans être noble. Il suffit d'être riche, d'avoir beaucoup de classe dans ses attitudes, et une excellente éducation. Une espèce de Français en voie de disparition, elle aussi…

Les bourgeois
Membres de la grande ou petite bourgeoisie d'autrefois, c'est-à-dire des personnes occupant, depuis des générations, une position sociale importante, très aisés, mais privés de titres de noblesse. Les commerçants qui gagnaient très bien leur vie par exemple en faisaient partie, ou les magistrats, notaires, etc. Les bourgeois ont toujours été la cible idéale d'auteurs ou artistes satyriques. Par exemple Molière (Le Bourgeois gentilhomme n'est qu'une des nombreuses pièces de théâtre qui les ridiculise). Ou le chanteur Jacques Brel, auteur d'une chanson très critique (Les Bourgeois*). Les bourgeois existent toujours bien aujourd'hui mais se font beaucoup plus discrets.
____
 *Les bourgeois,
c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux, plus ça devient bête
Les bourgeois,
c'est comme les cochons
Plus ça devient vieux, plus ça devient…

Les notables
Ce terme un peu démodé désigne toutes les personnes occupant une place importante dans la société. Au niveau de la commune, les notables sont le maire et ses conseillers, les notaires, les avocats, les médecins, les professeurs, et même le curé… Les bourgeois sont souvent des notables, mais il peut exister des notables qui ne sont pas des bourgeois, comme, justement, les professeurs ou les curés, etc. Ils jouent encore un rôle important dans le sens que pour les élections des sénateurs au parlement, ce sont les notables qui votent et pas le peuple en général. Mais on en parle beaucoup moins aujourd'hui.

La jet set
Terme plus moderne désignant ceux qui ont une bonne position économique sociale, sont riches, et le font savoir, en affichant leur richesse dans des voitures ou villas de luxe, faisant la fête de manière peu discrète dans les endroits les plus huppés, etc.

La classe dirigeante (The ruling class)
Celle des Français qui ont entre les mains les rênes du pays : les membres du gouvernement, les ministres, les responsables de grandes administrations, mais aussi, surtout peut-être, les grands hommes d'affaires de sociétés importantes.

Les nouveaux riches
Les nouveaux riches sont des personnes d'origine modeste qui ont réussi et se sont enrichies grâce à leur commerce ou leur entreprise, et mènent une vie proche de celle des bourgeois. Mais les bourgeois les tiennent à l'écart, car tout dans leur attitude et leur langage démontre leur condition pauvre d'autrefois, et leur manque relatif d'éducation.

Les BCBG
Les BCBG, ou “bon chic bon genre” sont des bourgeois, ou des aristocrates, de très bonne éducation et de bonnes manières, mais un peu “lisses”, c'est-à-dire ayant une rigidité d'attitude qui leur enlève toute personnalité. Cette expression est née à Lyon (Rhône), ville très bourgeoise. Parfois, par ironie, BCBG se traduit par “beau cul belle gueule”…

La bonne société
C'est celle des “bien pensants”, à la morale et aux mœurs réputés irréprochables, que l'on trouve surtout parmi les milieux catholiques traditionnels. Mais tout dépend des valeurs auxquelles on s'attache. On n'est pas la “bonne société” de tout le monde. Cette expression est quelque peu démodée aujourd'hui.

Les intellos
Les intellos, diminutif d'intellectuels, désigne en principe les “lettrés”, ceux qui ont un niveau universitaire (en lettres principalement) élevé, ou appartiennent au monde de l'édition, de l'écriture, du journalisme. Aujourd'hui, lorsqu'on parle d'intello (et ce terme est de plus en plus utilisé de manière ironique), on désigne ceux qui savent, ou croient savoir, et ont une remarque intelligente, ou qu'ils estiment intelligente, à faire sur tout.

La gauche caviar
Ce terme est déjà presque un peu passé de mode. Il désignait il y a quelque temps les intellectuels de gauche dont la façon de vivre était très éloignée de celle des pauvres qu'ils prétendaient vouloir défendre. On disait d'eux qu'ils avaient “le cœur à gauche mais le portefeuille à droite”.

Les bobos
Les bobos, ou “bourgeois bohême” ne sont pas très éloignés de la gauche caviar. Ils sont aussi de gauche, mais plus écolos (voir ci-dessous), et mènent une vie assez aisée, à Paris principalement. Le chanteur Renaud leur a consacré une chanson qui a fait l'objet de nombreuses réactions, Les bobos *.
____
*Extrait de la chanson de Renaud, Les bobos :
Ils vivent dans les beaux quartiers
Ou en banlieue mais dans un loft
Ateliers d'artistes branchés,
Bien plus tendance que l'avenue Foch
Ont des enfants bien élevés,
Qui ont lu le Petit Prince à 6 ans
Qui vont dans des écoles privées
Privées de racaille, je me comprends
Ils fument un joint de temps en temps,
Font leurs courses dans les marchés bios
Roulent en 4x4, mais l'plus souvent,
Préfèrent s'déplacer à vélo
Les bobos, les bobos…

Les rebos
Une toute nouvelle catégorie de Français : les rebos (rebelle-bourgeois) sont assez proches des bobos, mais avec un esprit plus rebelle, plus “destroy” selon un spécialiste de l'évolution des tendances. Ils font par exemple partie de ceux, toujours plus nombreux, qui refusent d'acheter CDs et DVDs et les piratent systématiquement sur internet.

Les babas cool
Même s'ils sont très rares aujourd'hui, on appelle encore ainsi ceux qui vivent comme des hippies. On en trouve dans certaines campagnes reculées du Massif central.

Les écolos
Les écolos sont les écologistes, ce qui inclut toutes les personnes attachant de l'importance à la protection de l'environnement, et respectueux de tous les gestes à effectuer dans ce sens.

La classe moyenne
Elle englobe la majorité des Français, tous ceux qui vivent de leur travail, qu'ils soient salariés ou petits entrepreneurs, et qui ne sont ni riches ni pauvres. On parle aussi de Français moyens.

Les beaufs
Un beauf, en général un Français moyen, est une personne peu éduquée, parfois assez vulgaire et pas très raffinée, mais toujours satisfaite d'elle-même et aimant faire des blagues pas très drôles. Ce terme s'applique principalement aux hommes. Il est un diminutif de “beau-frère”, et aurait été inventé par le dessinateur humoriste Cabu. On trouve beaucoup de beaufs parmi les groupes de touristes parcourant la France en autocar pendant les vacances…

Les cols blancs
Ce terme est moins employé aujourd'hui. Il désigne ceux qui travaillent dans les bureaux, par opposition aux cols bleus : les ouvriers.

Les couches populaires (The working class masses)
L'ensemble des Français occupant de petits boulots, y compris les ouvriers et petits artisans.

Les paysans, les agriculteurs
De plus en plus, le terme d'agriculteur est préféré à celui de paysan, parfois utilisé de manière péjorative pour désigner une personne vraiment peu éduquée. Il est vrai que pour s'installer comme agriculteur dans le monde d'aujourd'hui il faut avoir de plus en plus de connaissances techniques. Il existe une branche ou mouvance de cette distinction sociale dont les adhérents sont très fiers de leurs racines paysannes et qui cherchent à mettre en évidence les valeurs et les bienfaits des traditions paysannes.

Les ploucs, ou plouks
Un plouc est un personnage vulgaire, grossier, rustre. Quand on parle de ploucs, on se réfère surtout aux paysans les moins éduqués.

Employés, techniciens, cadres
Trois niveaux de hiérarchie professionnelle, très marqués. Les employés sont ceux qui travaillent dans les bureaux mais n'ont pas de responsabilités. Les techniciens ont des connaissances techniques mais n'ont pas eu le diplôme (d'ingénieur par exemple) qui leur permettrait de devenir cadres. Les cadres sont les superviseurs, des employés ou des techniciens. Ils doivent en général leur statut à leurs diplômes, plus rarement à leurs compétences ou leur expérience.

La classe ouvrière
Elle englobe toutes les catégories d'ouvriers travaillant en usine.

Les travailleurs
Terme employé par les partis d'extrême gauche et communiste pour désigner les ouvriers et tous ceux qui occupent de petits emplois (dans le commerce, l'industrie, l'agriculture…).

Les prolos
Les prolos appartiennent au prolétariat (terme créé par Karl Marx par opposition au capitalisme). Ils englobent les ouvriers et employés.

La classe défavorisée (The underprivileged class )
Ce terme désigne les pauvres, et tous ceux qui n'ont pas de revenus suffisants pour vivre décemment.

Les crevards
Il y a peu de temps un crevard (mot populaire et assez vulgaire) était une personne affamée, ou en mauvaise santé, presque prête à crever (mourir, en argot). Aujourd'hui le crevard est tout simplement quelqu'un de fauché, qui cherche des bonnes affaires, des logements pas chers, et vit du système de la “démerde”.

Les sdf, ou sans abri
Les “sans domicile fixe”, et les sans abri, sont ceux qui n'ont pas les moyens de se payer un logement et dorment dans la rue, ou dans des centres d'hébergements sociaux temporaires. Il y a quelques années, on les appelait les clochards, ou les vagabonds. La plupart du temps, il s'agissait de gens qui avaient choisi de vivre en marge de la société. Aujourd'hui, sur les 800.000 sdf recensés, on trouve de plus en plus de femmes, dont 1 sur 3 ont des enfants.

Les sans papiers
Les étrangers entrés illégalement en France qui n'ont pas encore obtenu de statut légal et tentent de se cacher.

Les Français issus de l'immigration
Les Français d'origine étrangère, soit parce qu'ils ont eux-mêmes immigré en France, soit parce qu'ils sont les descendants d'immigrants. Dans la plupart des cas, en utilisant cette expression, on pense surtout aux personnes originaires d'Afrique du Nord. On parle d'immigrés de la 2e ou 3e génération lorsque ce sont les parents ou grands-parents qui ont immigré en France. Cela inclut les Espagnols entrés en France pendant le régime de Franco, les Portugais qui ont fui la misère au début du siècle dernier, les Italiens, les “Russes blancs”, etc.

Les beurs
Un beur est un descendant, né et vivant en France, d'immigrés d'Afrique du nord. Le mot veut en réalité dire “arabe”, prononcé en verlan (inversion des syllabes d'un mot - une forme de langage inventée par les jeunes dans les années 1980).

Questions sur l'article :

1) Si vous deviez être dans une de ces catégories, vous vous placeriez dans laquelle ?

2) Dans le texte sur les bourgeois, il y a une chanson française très célèbre de Jacques Brel. Est-ce que vous connaissez ce chanteur ?

3) Est-ce qu'il y a une ou plusieurs catégories qui n'existent pas en Angleterre (indiquer le nom du pays dans lequel est votre étudiant) p ? Lesquelles ?

4) Connaissez-vous personnellement une élite ?

5) Pouvez-vous donner des exemples de personnes qui font partie de la jet set ?

6) Quelle est la différence entre un nouveau riche et un bourgeois ?

7) Est-ce qu'il y a un terme similaire en Angleterre (ou pays de l'étudiant) pour BCBG ?

8) Quelle est la différence entre les bobos et la gauche caviar ?

9) Pouvez-vous traduire la chanson sur les bobos de Renaud ?

10) Y a-t-il des ploucs dans votre quartier ?

11) Dans le texte des crevards – que veut dire le terme "la démerde" ?

12) Qu'est-ce que fait l'Angleterre (ou pays de l'étudiant) pour les sdf  ?

13) Avez-vous déjà entendu parler un beur ? Est-ce que vous l'avez compris ?

14) Dans cette liste de catégories, lesquelles ne sont pas attractives selon vous  ? Et quelles catégories trouvez-vous intéressantes et stimulantes ?

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 


Les traditions de Noël

Les grandes fêtes de l'hiver

Noël, le Jour de l'An, l'Epiphanie, ou “fête des rois”, telles sont les trois grandes fêtes qui animent les jours d'hiver en France. Noël, événement essentiellement familial, est la plus importante des trois pour les Français. Elle se déroule généralement en deux temps : le Réveillon (repas partagé par la famille proche qui se prolonge au moins jusqu'à minuit), le soir du 24 décembre, et le grand repas le 25 à midi, auxquels participe souvent la famille élargie. Un temps fort de la fête est toujours la distribution de cadeaux, que l'on s'offre souvent entre adultes, et dont on couvre les enfants. Ceux qui croient encore au père Noël découvriront le 25 au matin, dans leurs chaussures déposées au pied du sapin ou devant la cheminée, les cadeaux qu'il a apportés. Tandis que dès que les enfants ont passé l'âge d'y croire, la distribution des cadeaux, également déposés au pied du sapin, s'effectue le 24 au soir, souvent au moment du dessert.

Originellement, Noël est une fête catholique mais cela fait déjà très longtemps qu'elle est tout à fait assimilée à une fête laïque pour la plupart des Français. De sorte que l'aspect religieux est devenu secondaire - sauf pour les familles catholiques pratiquantes, qui ne manquent pas la messe de minuit le soir du 24 décembre par exemple.

Un autre événement marquant de l'hiver est évidemment, comme partout ailleurs dans le monde, l'accueil de la nouvelle année. L'occasion pour les Français de faire un autre Réveillon le 31 au soir, entourés de leurs meilleurs amis. En effet, le Jour de l'An se fête surtout entre copains, soit au domicile de l'un d'entre eux, soit, parfois, au restaurant. Dès les douze coups de minuit, tout le monde s'embrasse sous le gui, et on commence à danser, jusque tard dans la nuit…

La troisième fête très célébrée en France est l'Epiphanie, le 6 janvier. Il s'agit, comme pour Noël, d'une fête religieuse à l'origine : l'arrivée à Bethléem des trois rois mages venus apporter leurs présents au petit Jésus… Mais elle s'est peut-être encore davantage laïcisée au point d'être célébrée par tous les Français comme un petit événement festif de début d'année.

Dans les pages qui suivent, nous vous présentons quelques spécificités de la manière dont les Français célèbrent ces trois fêtes. Des fêtes que nous ne pouvons qu'encourager nos lecteurs étrangers vivant à France à partager au moins partiellement avec des amis ou voisins français car ce peut être un bon moyen de s'intégrer un peu plus à la culture, et de s'initier à la langue !

Quelques traditions:

1. Les santons de Provence

Comme leur nom l'indique, ils viennent de Provence, au sud de la France. Il s'agit de petites figurines peintes, de couleurs très vives, qui représentent la scène de la Nativité. A l'intérieur de la crèche, autour de l'enfant Jésus dans son berceau de paille, se trouvent la vierge Marie, Saint-Joseph, l'âne et le bœuf . A l'extérieur : quelques bergers, et presque tous les habitants d'un petit village. Tous apportent un présent à l'enfant qui vient de naître : le boulanger, la bergère, le ramoneur, l'épicière, etc.

Bien que cette tradition vienne de la religion catholique, beaucoup de non catholiques ni pratiquants aiment décorer leur maison d'une crèche, ou au moins de quelques santons.

2. Les cartes de vœux

En France, il n'est pas très fréquent de s'envoyer des cartes de Noël. Seules les personnes qui veulent souhaiter Joyeux Noël à un membre de leur famille qui sera loin ce jour-là, et plus particulièrement les catholiques pour lesquels célébrer l'événement religieux est le plus important, envoient une carte. D'autres personnes préfèrent envoyer, avant Noël, des cartes souhaitant Bonnes fêtes. Mais la plupart des Français envoient des cartes de Bonne année ou Meilleurs vœux, pour le Nouvel An. La tradition est de les envoyer dès le 2-3 janvier, mais il est tout à fait normal de les envoyer jusqu'à la fin du mois de janvier. Et de plus en plus de gens envoient des cybercartes ou des e-mails personnalisés.

3. Les marchés de Noël

P artout en France, dans la plupart des villes, durant les deux ou trois semaines précédant le 25 décembre, et parfois jusqu'à la fin de l'année, se tiennent des marchés de Noël. Sur une place ou une rue du centre, s'étalent plusieurs stands, qui ressemblent souvent à de petits chalets, dans lesquels on vend des décorations de Noël, des objets d'artisanat qui peuvent faire de petits cadeaux, des bougies, des sucreries, etc. Le plus grand, et le plus célèbre, est celui de Strasbourg (en Alsace), ville qui se fait même appeler la “capitale de Noël” . Créé en 1570, il occupe une grande partie du centre ville, et attire des touristes de toute l'Europe.

4. Les papillotes

C 'est une histoire d'amour qui est à l'origine de la plus typique des traditions gourmandes de Noël : celle des papillotes, ces petits chocolats ou pâtes d'amande envelop pé s de papier brillant de manière très spéciale (voir photo), dans lesquels se trouve un petit papier comportant une citation. Au XVIII e siècle, dans une confiserie de Lyon (Rhône), un jeune artisan est tombé amoureux d'une jeune fille travaillant à l'étage au-dessus. Comme ils ne pouvaient pas communiquer entre eux, il a eu l'idée de lui glisser de petits mots doux dans certains chocolats, et de les emballer de manière très spéciale pour qu'on les reconnaisse. Aujourd'hui, on trouve des papillotes dans toute la France, et elles décorent joliment le sapin et la table de Noël.  

Questions :

1) En France, que signifie "le Réveillon" ?

2) Quelles sont les traditions que vous trouvez les plus étonnantes ? Les plus intéressantes ? Que vous aimeriez découvrir ?

3) Dans votre pays, quelles sont les traditions qui sont similaires à celles de la France ?

4) Pouvez-vous décrire quelques traditions typiques de votre pays ?

5) Avez-vous déjà goûté des papillotes ? Que pensez-vous de la légende qui accompagne cette tradition ?

6) Y a-t-il aussi des légendes liées aux traditions de votre pays ? Pouvez-vous en raconter une ?

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

"Espèces d'idiomes "

Six articles très intéressants, faisant des comparaisons amusantes entre des expressions idiomatiques utilisées en France et dans d'autres pays (par thèmes), écrits par Muriel Gilbert, ont été publiés dans "Le Monde" en 2014. Un excellent moyen d'aider les étudiants à apprendre et mémoriser certaines expressions :

1) Capotes anglaises et grippe espagnole, ces expressions venues d'ailleurs

Il est toujours fort commode de disposer de bonnes têtes de Turc à qui faire porter le chapeau de ses propres maux, ce qui fait de l'« étranger » une fertile inspiration des expressions idiomatiques. C'est ainsi que la grippe meurtrière du début du XXe siècle a été qualifiée d'arabe en Grèce, d'allemande en Belgique, de grecque en Turquie, d'espagnole en France et au Royaume-Uni – où, pour faire bonne mesure, on a décidé que la rubéole était d'origine germanique (German measles).

Lorsque chez nous les malotrus filent à l'anglaise, outre-Manche ils le font « à la française » (to take French leave) – et il semble que, malheureusement, nous devions accepter la paternité de cette indélicate habitude, l'allemand, le portugais et le grec optant eux aussi pour le « filer à la française ».

Même penchant à attribuer au voisin les objets tabous : si nos capotes sont anglaises, de l'autre côté du Channel on recourt à des « French letters » qui n'ont pas grand-chose de littéraire…

Les égoïstes français boivent en Suisses, tandis que les Américains « vont Néerlandais » (go Dutch) et que les Turcs « paient à l'allemande » quand ils partagent l'addition. L'étranger qui baragouine notre langue sera qualifié de vache espagnole, tandis que, pour le même motif, en Argentine on dira que vous parlez « l'espagnol de la Chine ». Du chinois, ou alors de l'hébreu, chez nous, c'est un discours inintelligible, tandis que, au Royaume-Uni, « c'est du grec » – chinois, hébreu, grec, trois langues à l'alphabet obscur pour les habitués de l'ABC.

La soûlographie est un vice que les Européens rejettent vers l'est avec un bel ensemble : si le Français s'avoue parfois soûl comme un Polonais, l'Espagnol le sera « comme un Cosaque » et le Serbe « comme un Russe ». En revanche, les Français semblent être les seuls à souffrir de portugaises ensablées. On peut tout de même devenir sourd « comme un bâton » en Allemagne, « un poteau » en Angleterre, « une cloche » en Italie ou « un mur » en Espagne – quand, étrangement, nos murs à nous ont des oreilles. Ah, minute prévention : attention, si la masturbation rend sourd en France, elle rend aveugle en Italie.

Côté positif, c'est en Espagne que nous construisons nos châteaux – les indigènes bâtissant les leurs « dans les airs » (hacer castillos en el aire). Et les Anglo-Saxons, nos rosbifs, nous rendent un hommage particulier, à nous, leurs « petites grenouilles » (froggies), en nous attribuant l'invention des frites (French fries) qu'ils aiment tant. Un coup de grisou diplomatique au moment de la guerre en Irak avait d'ailleurs conduit certains restaurateurs américains à rebaptiser rageusement leurs frites « freedom fries ».

Enfin, c'est à se demander si le célèbre « French kiss » n'est pas réellement une invention hexagonale, puisque, de l'Espagne au Danemark en passant par l'Italie, cette chaude façon de s'embrasser est dite « à la française ».

2) Chat dans la gorge et poule mouillée

Du joyeux troupeau des expressions animalières, il semble bien que le chat soit le chef. Il est vrai que les francophones semblent être les seuls à souffrir de chats dans la gorge, quand d'autres (Anglo-Saxons, Allemands, Brésiliens…) y hébergent un batracien. Il arrive pourtant que les Allemands et les Slovènes « aient un chat » à leur tour, mais alors ils ont la gueule de bois. Lorsque dans notre nuit tous les chats sont gris, en Slovénie, ce sont les vaches qui sont noires, mais quand sur Paris il pleut des cordes, ou comme vache qui pisse, à Londres, c'est bien connu, « il pleut des chiens et des chats », tandis que les marins d'Amsterdam regardent « tomber des tuyaux de pipe », « des briques » ou « des vieilles commères », et que sur l'Acropole d'Athènes « il tombe des prêtres ».

Les Espagnols voient « un chat enfermé » (gato encerrado) et les Italiens « une chatte qui couve » (gatta ci cova) quand nous imaginons une anguille sous roche et que les Anglo-Saxons « sentent un rat » (smell a rat). Les Allemands, dans le même cas, jugent qu'il y a quelque chose dans le buisson (da ist etwas im Busch), ce même buisson autour duquel « tapent » les Britanniques, tandis que les Italiens mènent le chien dans la cour de la ferme (menare il can per l'aia), que les Français tournent autour du pot et les Allemands « autour de la bouillie chaude ».

Lorsqu'un mufle néerlandais « envoie son chat » (zijn kat sturen), l'indélicat de nos contrées pose un lapin et le goujat chinois « envoie un pigeon », le malotru allemand se contentant de « donner un panier » (jemandem einen Korb geben). Si en plus il a des oursins dans les poches, on y diagnostiquera « un hérisson » (ein Igel in der Tasche), en Argentine « un crocodile » (un cocodrillo en el bolsillo), en Turquie « un scorpion », tandis qu'en Angleterre, tous les animaux à piquants étant occupés, on en conclura qu'il a « les poches profondes et les bras courts » (deep pockets and short arms).

A noter qu'une poule mouillée française est un « poulet » britannique (chicken) ou une « patte de lapin » allemande (ein Hasenfuss), que notre rat de bibliothèque correspond aux « vers de livres » allemand et anglo-saxon (Bücherwurm et bookworm), alors que qui s'ennuie chez nous comme un rat mort, sur l'autre versant des Pyrénées s'ennuiera comme une huître.

C'est aussi en Espagne que l'on « paie le canard » (pagar el pato) quand on porte le chapeau, et que l'on a « la mouche à l'oreille », juste là où nous avons la puce. Lorsque la France a d'autres chats à fouetter, l'Italie, plus cruelle encore, a « d'autres chattes à écorcher » (altre gatte da pelare), tandis que le Royaume-Uni a « d'autres poissons à frire » (other fish to fry). Enfin si en France ou aux Pays-Bas on s'entend comme chien et chat, en Tunisie, c'est « comme la souris et le chat ». Et, tandis qu'outre-Manche on « jette la serviette » (throw in the towel) et qu'au Maroc on « vend son âne », quand nous ne savons plus quoi dire, nous donnons notre langue au soyeux petit félin.

3) Grosse légume et cerise sur le gâteau

Les expressions idiomatiques ne manquent pas d'appétit. Quand les Français et les Italiens ont une faim de loup, les Allemands en ont une « d'ours » et les Britanniques « de cheval », certains pourraient même « manger un cheval ». Lorsque, pour agrémenter nos tartines, nous voulons le beurre et l'argent du beurre, les sujets de Sa Gracieuse Majesté veulent « avoir leur gâteau et le manger aussi » (to have one's cake and eat it too) et les Grecs « la tarte intacte et le chien rassasié ». Quand poétiquement nous lui faisons une fleur, notre cousin Germain, grand amateur de charcuterie, nous fait « griller une saucisse de plus ».

Si notre repas ne vaut pas tripette, en Allemagne il ne vaudra « pas une girolle », en Italie « pas une figue sèche », en Espagne « pas une pincée de cumin », en Angleterre « pas un haricot ». Du coup, nos invités risquent de nous casser du sucre sur le dos, ou, s'ils sont allemands, de nous « traîner dans le chocolat » – tandis que les Italiens se contenteront de nous « couper les chaussettes ». Nous n'hésiterons pas à les envoyer se faire cuire un oeuf, ou « frire des asperges » à l'espagnole, ou même faire voler leur cerf-volant (go fly a kite) ou sauter dans le lac (go jump in the lake) à la mode british.

Quand pour nous les carottes sont cuites, aux Pays-Bas « les navets sont trop cuits », au Royaume-Uni « notre oie est cuite », au Liban « la casserole est brûlée », et en Espagne « tout le poisson est vendu ». Au Québec, c'est plus dramatique : « Notre chien est mort. » Et alors, on est « comme la viande sur la planche à hacher », comme on dit en Chine. L'important, dans ces cas-là, c'est de garder son sang-froid, bref de rester, à la britannique, « frais comme un concombre » (cool as a cucumber), même quand on est « dans un cornichon » (in a pickle), c'est-à-dire dans de beaux draps. Pourtant, ce n'est pas de la tarte, bref « ce n'est pas comme sucer du sucre », comme disent les Allemands, ni « de la morve de dindon » comme renchérissent les Espagnols, qui veulent dire que ce n'est pas de la roupie de sansonnet.

Justement, « parlons dinde » (let's talk turkey), suggérera notre hôte britannique pour nous faire comprendre qu'il est temps de discuter sérieusement : l'important, c'est de n'inviter ni « gros jambon » (l'arrogant du Québec) ni « gros fromage » (la grosse légume britannique), surtout s'il a « un cornichon dans le derrière » (a pickle up one's backside), juste là où les Français y ont un balai. En revanche, les « beaux trognons » du Québec, ces belles plantes, sont les bienvenus. Nos invités grecs, compréhensifs, ajouteront que « deux pastèques ne peuvent pas tenir sous la même aisselle », bref, qu'on ne peut pas être au four et au moulin, ou « assister à la messe et sonner les cloches », comme on dit en Espagne.

Quant au dessert, si nous partageons la cerise sur le gâteau avec les citoyens de la Botte, les Espagnols l'aiment plus précisément « griotte sur la tarte » et les Anglo-Saxons, rois du cupcake, « glaçage sur le gâteau ».

4) Estomac dans les talons et yeux plus gros que le ventre

Les idiotismes à caractère anatomique feraient passer la vieille chanson d'Ouvrard, rate qui s'dilate et foie qu'est pas droit compris, pour de la petite bière. On a la gueule de bois, ou on en parle la langue, et il nous arrive d'avoir les yeux plus gros que le ventre, tout comme les Britanniques, les Brésiliens ou les Argentins. En Italie, on se contente de les avoir « plus gros que la bouche », ce qui est plus raisonnable. Les Français ont même parfois l'estomac dans les talons, tandis que les Espagnols l'ont « dans les pieds », les Allemands, moins affamés sans doute, « dans les jarrets », et les pauvres Portugais « dans le dos ».

Les étrangers qui apprennent le français n'en finissent pas de s'étonner que nous soyons capables de courir plus vite en prenant nos jambes à notre cou. On leur fera remarquer que les Allemands les prennent « sous les bras » (die Beine unter die Arme nehmen) et les Italiens « aux épaules » (mettersi le gambe in spalla). En revanche, si un Britannique suggère qu'on cesse de lui « tirer la jambe » (stop pulling my leg !), il ne demande pas qu'on la lui lâche mais qu'on cesse de le faire marcher, ou encore, comme diraient nos cousins ibériques, de lui « prendre les cheveux » (tomarle el pelo). Eux, les Ibères, « dorment à jambe relâchée » quand nous le faisons à poings fermés, mais quand ils « tirent la patte » (estirar la pata), c'est qu'ils partent les pieds devant.

S'il est inconfortable d'avoir deux mains gauches, que dire des malheureux sujets de Sa Gracieuse Majesté qui « ne sont que des pouces » ? Il nous arrive aussi d'avoir les chevilles qui enflent ou la grosse tête – nos cousins québécois gonflant plutôt de l'estomac et « se pétant les bretelles » –, et de nous vanter d'accomplir des exploits les doigts dans le nez, exploits que les Allemands accomplissent « avec la main gauche » et les Britanniques « les mains attachées dans le dos », les Italiens « les mains dans les poches », les Portugais « un pied dans le dos » et les Espagnols « sans se décoiffer ».

« Mon pied ! » (my foot !), ricaneront les Anglais, qui entendront par là « Mon oeil ! ». Et en effet bien souvent nous nous mettons le doigt dedans (l'oeil), comme les anglophones « prennent la mauvaise truie par l'oreille », ou comme les Russes « s'asseyent dans une flaque » et les Brésiliens, grands fans de foot devant l'Eternel, « mangent du ballon ».

Quand une folie nous coûte les yeux de la tête, nos pauvres voisins d'outre-Manche doivent « payer un bras et une jambe » ou alors « payer par le nez ». En Espagne, on est quelque peu épargné, puisqu'il n'en coûte qu'« un oeil du visage », de même qu'en Grèce, où le prix ne dépasse pas « les cheveux de la tête ».

Reconnaissons que, devant ces histoires sans queue ni tête, ou « sans pieds ni tête » comme en Espagne, ou encore « sans main ni pied » comme en Allemagne, les bras nous en tombent – nos cousins Germains en resteront « tout aplatis », tandis que les Néerlandais, en costume folklorique, « en casseront leur sabot ».

5) Sucrer les fraises ou donner sa pipe à Martin

S'il nous arrive d'avoir la frite, la pêche ou la patate, bref, d'être frais comme un gardon, « plus sain qu'une pomme », comme on dit en Espagne, ou « plein de haricots », en Angleterre, ce sont surtout les tracas de santé, et de santé mentale en particulier, qui inspirent l'idiotisme.

On peut simplement n'avoir pas inventé l'eau chaude, ou tiède, ou le fil à couper le beurre, bref, « l'assiette creuse » pour les Néerlandais, « la roue » pour les Américains, « la cire espagnole » pour les Hongrois, « ne pas avoir mis le spring (le ressort) aux sauterelles » pour les Québécois, bref, n'être pas « l'outil le plus affûté de la boîte » (the sharpest tool in the box) pour les Britanniques. On peut aussi, de manière encore bénigne, « prendre des navets pour des citrons » aux Pays-Bas ou « la lune pour du fromage vert » en Angleterre, bref, des vessies pour des lanternes. Et perdre occasionnellement les pédales, ou « les étriers », comme en Espagne.

Les choses se gâtent un brin quand nous perdons la boule et les Britanniques « leurs billes ». Les mêmes Anglais deviennent parfois « fous comme des chapeliers », « vont bananes » (go bananas) ou souffrent de « chauves-souris dans le clocher », quand nous nous contentons d'une araignée au plafond, les Allemands, bucoliques, de « grillons dans la tête » et les Danois de « rats au grenier ». Quand nous sommes fous de joie, les Québécois sont « fous comme des balais ». Les Hollandais, lucides, en concluront que nous avons tous « reçu un coup de moulin ».

Quand il nous manque une case, il « manque une vis » aux Espagnols (faltar un tornillo), « un jeudi » ou « un vendredi » aux Italiens et les Britanniques « manquent un peu de cuisson » (to be a little undercooked) ou « de sandwichs pour faire un pique-nique », tandis que les Allemands n'ont  « pas toutes les tasses dans le placard ». Enfin, les sujets de Sa Majesté, décidément créatifs dans le domaine de l'agitation du bocal, ont parfois « autant de noix qu'un cake aux fruits ». En vieillissant, les esprits les plus vifs finissent parfois par sucrer les fraises, tandis que, outre-Quiévrain, fidélité à la légende gastronomique oblige, ils préfèrent « saler les frites » avec option tremblote.

Au bout du compte et du rouleau, nous finirons tous par « donner un coup de pied dans le seau » à l'anglo-saxonne (kick the bucket), ou « dans la cloche » à la bulgare, par « ôter nos sabots » à la danoise, « secouer les fers à cheval » à la grecque, « boutonner la veste » à la portugaise, bref, passer l'arme à gauche. D'aucuns préféreront peut-être « donner leur pipe à Martin », comme le font les Néerlandais, la casser, comme les Français, ou « avaler leurs chaussures » comme les Tunisiens. Libre aux tempéraments verts de choisir de manger les pissenlits par la racine, ou « la pelouse » comme au Portugal, de « faire pousser des mauves » comme en Espagne, ou de « pousser les pâquerettes vers le haut » (push up daisies) à l'américaine…

6) Vertes années et colère noire

Si toutes les couleurs de l'arc-en-ciel ont les honneurs des expressions idiomatiques, elles ne sont pas interchangeables : en français, on peut être vert de rage, sûrement pas de colère. De colère, on ne saurait être que rouge. On peut aussi voir rouge, bien qu'il n'existe pas de colère rouge – la colère hexagonale est noire, exclusivement.

Evidemment, il est plus agréable de voir la vie « en bleu », comme disent les Portugais quand ils la voient en rose. Il arrive aussi que les Belges soient « bleus » de quelque chose, mais alors ils en sont fous. Quand les Français ont une peur bleue, les Anglo-Saxons ont « peur à mort » (scared to death), mais quand ils se « sentent bleus » (feel blue), c'est qu'ils broient du noir. S'ils rient alors, c'est plutôt jaune – ou « vert », à l'italienne ou à la flamande, ou encore « comme un lapin » (con risa de conejo), à l'espagnole.

« Mettre quelqu'un vert », outre-Pyrénées, loin de le mettre au vert, c'est dire du mal de lui, ce qui n'est pas blanc-bleu – mais moins grave que de le « battre noir et bleu » (to beat someone black and blue) en anglais, c'est-à-dire comme plâtre, un coup à le rendre « vert autour des branchies » (green around the gills), soit blanc comme un linge. Un bleu, chez nous, quand ce n'est pas le résultat d'un marron, c'est un blanc-bec, une « corne verte », comme disent les Anglo-Saxons, donc un quidam qui a la chance d'être encore dans ses « jours salades » (salad days), ses vertes années.

Après ces années-là, les Français sont les seuls à garder parfois la main verte ; ailleurs (Québec, Royaume-Uni, Allemagne, Italie), on se contente du « pouce ». Enfin, tout ça, c'est « chou vert et vert chou », comme on dit en Belgique, « le même chien avec un autre collier », expliqueront les Espagnols, bonnet blanc et blanc bonnet. « C'est six de l'un, une demi-douzaine de l'autre » (six of one, half a dozen of the other), renchériront les Britanniques, « Moussa le pèlerin, le pèlerin Moussa », préciseront Tunisiens et Algériens, « quatre trente-sous pour une piastre », concluront les Québécois.

L'important, c'est de ne pas « être aux dures et aux mûres » en Espagne (estar a las duras y a las maduras), en « voir des cuites et des crues » en Italie (di cotte e di crude), c'est-à-dire des vertes et des pas mûres.

Quel bel accord idiomatique, voilà un « jour à lettre rouge » (red-letter day), la manière anglo-saxonne de le marquer d'une pierre blanche, « rare comme une mouche blanche », se réjouiront les Italiens, bref « un merle blanc ! », approuveront les Espagnols, prouvant par là qu'ils sont capables de ne pas « rester blancs » (quedarse blanco), ce qu'ils font quand ils restent cois.

En France, ce sont parfois les nuits qui sont blanches, ou « sur la corde à linge » au Québec, notamment quand on les passe à « peindre la ville en rouge », soit faire les quatre cents coups à la mode british, ou, moins divertissant, à travailler au noir, comme on dit à peu près partout dans le monde (Espagne, Italie, Allemagne, Pologne…), sauf justement chez les British, qui, eux, préfèrent « clair-de-luner » (to moonlight), c'est plus lumineux. Le plus agréable, ce serait quand même de passer la nuit à prendre nos désirs pour des réalités à la manière québécoise : en « rêvant en couleurs ».

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

"Intelligence artificielle : une machine peut-elle ressentir de l'émotion ?"

Certains programmes savent déjà les imiter à la perfection et même influer sur nos propres émotions.

La science-fiction nous abreuve de robots autonomes, si perfectionnés qu'ils disposent d'une conscience, d'émotions et nous inspirent même de l'empathie, à l'instar des êtres humains. Mais loin de la littérature et d'Hollywood, qu'en est-il aujourd'hui dans les laboratoires du monde entier ? L'émotion, et la conscience, apparaissent comme des éléments essentiels pour fabriquer une machine à l'image de l'être humain. Mais elles font aussi partie des plus difficiles à conceptualiser.

Et c'est là que réside la plus grande difficulté : comment définir – et donc reproduire – l'émotion et la conscience ? « On ne sait pas ce que c'est que la conscience, on n'en connaît pas les fondements. On n'est donc pas capables de créer une machine consciente », tranche Jean-Gabriel Ganascia, chercheur au laboratoire d'informatique de Paris-VI et auteur de L'Intelligence artificielle. « Pour cela, il faudrait que la machine perçoive comme nous : la douleur, le plaisir… Et quand bien même, elle ne les percevra pas de la même manière que nous. »

Une analyse partagée par Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à la Sorbonne et spécialiste de l'intelligence artificielle : « La vie intérieure, on ne sait pas ce que c'est. »

A défaut d'être capables de ressentir, les machines peuvent néanmoins simuler, en apparence, des émotions et une conscience : c'est sur ce sujet que se concentrent aujourd'hui les chercheurs en intelligence artificielle ; un domaine de recherche intitulé « informatique affective ». Car finalement, « quelle est la différence entre ressentir et donner les signes extérieurs du ressenti ? », interroge Jean-Michel Besnier : « Ce sont les signaux qui comptent. En toute rigueur, votre intériorité, je ne sais pas si elle existe… Elle se manifeste à moi par des signes extérieurs. Je ne sais pas ce que c'est que de ressentir une émotion chez un autre être humain. Je peux ressentir de l'empathie, mais je peux aussi en ressentir face à un acteur, qui simule. C'est pourquoi pour ceux qui fabriquent des machines, si elles sont capables de simuler, ça suffira. »

Catherine Pelachaud, Directrice de recherche au CNRS, fabrique depuis des années des « agents conversationnels », sortes d'avatars capables de discuter avec des êtres humains. Son champ de recherche concerne plus précisément les « comportements non verbaux », soit les signes extérieurs d'émotion transmis par l'avatar. « La machine ne ressent pas, mais elle peut transmettre. Le ressenti est du domaine de l'homme, et ça doit le rester ! »

Les « agents » qu'elle élabore accompagnent leurs paroles de gestes, de mouvements de la tête ou d'expressions du visage qui les rendent plus humains. Ils sont aussi capables de réagir aux émotions transmises par leur interlocuteur. « Dans la communication, le non verbal apporte énormément, il permet de mieux se comprendre. Sans ça, ce serait comme parler à un mur. Ça permet d'oublier qu'on parle à une machine. »

Et afficher une émotion est moins simple qu'il n'y paraît. « Ça peut aller jusqu'à des micro-expressions. Il y a plusieurs types de sourires : si vous pincez les lèvres, si vous plissez les yeux, cela aura différentes significations », explique Catherine Pelachaud.

Malgré ce souci du détail, les avatars utilisés par les équipes de recherche en informatique affective ne semblent pas très réalistes. A l'heure où les entreprises d'effets spéciaux sont capables de réaliser des images de synthèses ultra-détaillées, pourquoi se contenter d'agents si schématiques ? « Contrairement au cinéma, qui a des animateurs pour peaufiner chaque expression, nos agents doivent être autonomes et réagir en temps réel », indique Catherine Pelachaud.

Mais surtout, si le réalisme est trop important, « on tombe dans la vallée de l'étrange », prévient-elle. Selon cette théorie du Japonais Masahiro Mori, les représentations très réalistes, mais toujours imparfaites, de l'homme, nous paraissent dérangeantes, voire monstrueuses. Nous serions, en revanche, beaucoup plus enclins à trouver sympathiques et à ressentir de l'empathie pour des représentations de l'humain bien plus schématiques. Un robot capable de simuler des émotions, empruntant ses traits à Albert Einstein et développé par l'entreprise (japonaise) Hanson Robotics, en est un bon exemple.

Mais les programmes développés par l'informatique affective ne se contentent pas de mimer les émotions. Ils doivent aussi être en mesure de détecter celles des humains, et de s'y adapter en temps réel. Pour cela, ils observent et analysent les expressions et les mouvements de leur interlocuteur : s'il regarde ailleurs, s'il montre qu'il n'a pas compris, s'il manifeste un désaccord. Et ce n'est pas simple. Car en plus des émotions « de base », définies par le psychologue américain Paul Ekman (tristesse, joie, peur, colère, surprise, dégoût), il existe des émotions plus complexes. Comment, par exemple, distinguer la tension de l'anxiété ? Interpréter un haussement de sourcils n'est pas non plus aisé. Veut-il dire bonjour ? Signifie-t-il la surprise ? L'emphase ?

Et en imitant l'émotion, les programmes les plus avancés sont aussi en mesure… de générer de l'émotion chez les humains. Ainsi, le projet européen Semaine , auquel participait Catherine Pelachaud, a donné des résultats surprenants. Les agents développés étaient chacun dotés d'un état émotionnel fort, comme la tristesse, la colère ou la joie. Objectif : amener leur interlocuteur, humain, vers le même état émotionnel qu'eux. « Il y a eu des interactions absolument incroyables », se souvient la chercheuse, qui a mené ces expériences il y a cinq ans. « Face à un agent dépressif, le sujet montrait de l'empathie. Parfois, l'état émotionnel du sujet changeait au milieu de la conversation. J'étais surprise qu'il y ait des interactions aussi riches, aussi naturelles. »

Malgré les avancées dans le domaine de l'informatique affective, on est encore bien loin des prédictions de Ray Kurzweil, le « pape » du transhumanisme embauché par Google en 2012. Dans un entretien au magazine américain Wired en avril 2013, il prévoit qu'en 2029, des programmes seront capables « d'intelligence émotionnelle, d'être drôles, de comprendre des blagues, d'être sexy, aimants et de comprendre l'émotion humaine. (…) C'est ce qui sépare les ordinateurs et les humains aujourd'hui. Je crois que ce fossé va se refermer d'ici 2029. »

Une vision qui exaspère le philosophe Jean-Michel Besnier : « Je suis inquiet de voir que l'intelligence artificielle impose un point de vue de plus en plus simplificateur sur l'être humain, qu'on ne peut pas réduire à ces signaux. Pour comprendre les émotions humaines, moi, je préfère me plonger dans la littérature ! »

Extraits d'un article paru dans Le Monde le 12 octobre 2015

QUESTIONS :

1. Quels nouveaux mots avez-vous appris dans cet article ?

2. Pensez-vous que les robots ont leur place dans la société ? Si oui, où, et dans quels domaines ?

3. Avez-vous déjà vu un robot dans votre travail ou ailleurs ?

4. …Mais surtout, si le réalisme est trop important, « on tombe dans la vallée de l'étrange.. Que pensez-vous de cette phrase ? Vous sentiriez-vous à l’aise devant un robot qui fait les mêmes mimiques et gestes qu’un être humain ?

5. Que pensez-vous de ce commentaire ? Etes-vous d’accord ou non ? Pourquoi :

Une vision qui exaspère le philosophe Jean-Michel Besnier : « Je suis inquiet de voir que l'intelligence artificielle impose un point de vue de plus en plus simplificateur sur l'être humain, qu'on ne peut pas réduire à ces signaux. Pour comprendre les émotions humaines, moi, je préfère me plonger dans la littérature ! »
Retour
haut de page

Le nouveau Musée du Louvre à Abu Dhabi

Un superbe diaporama publié dans L'Express sur le nouveau musée "Le Louvre Abu Dhabi" créé par un architecte français et inauguré le 8 novembre 2017 par Emmanuel Macron, qui fascine les étudiants :

Le nouveau Musée du Louvre à Abu Dhabi

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La "French girl"

Vu d’Allemagne

Le piège de la “French girl” parfaite s’est refermé sur la femme française

C’est un cliché tenace en dehors de nos frontières : la femme française serait chic, impeccable en toutes circonstances, et ce sans faire d’effort. Ce journal allemand décrypte et déconstruit un mythe envahissant.

Parmi les critères pertinents lorsque l’on souhaite comparer des pays, on peut citer leur superficie, leur population ou le nombre d’espèces d’oiseaux sauvages. L’attractivité de leurs habitants, elle, fait partie des critères débiles. Qui sont les plus beaux ? Les Allemands ou les Néerlandais ? Même Internet n’a pas la réponse à cette question. Quand on cherche à quoi ressemble le “style allemand”, Google Images n’a que des voitures à nous proposer. La beauté humaine est manifestement une catégorie des classements internationaux où les Allemands se situent hors compétition. De même que les Hollandais, les Britanniques ou toute autre nationalité d’ailleurs.

Seule exception à cette règle : la Française. Cela fait des dizaines d’années que ce cliché de femme terrorise le reste du monde sur le mode du “toujours un peu meilleure que toi”. La Française est toujours élégante et décontractée. Elle reste elle-même, libre et sans attaches, même dans ses relations au long cours. Elle est plus mince et plus féminine, et néanmoins quand on lui dit tout ça, elle se contente de secouer sa crinière pleine de nœuds et de lâcher un : “Ah bon ?” Et les Françaises sont elles-mêmes hantées par une version plus extrême encore de la Française : la Parisienne.

Car la Française est le genre de personnage auquel on n’échappe pas, même quand on fuit les magazines de mode. Elle incarne le bonheur dans tous les domaines de l’existence : tu peux tout avoir, sans effort ni conflit ; des enfants, un travail, un ventre plat et des petits déjeuners gueule de bois avec ta meilleure amie.

Facile à dire

Personnification de la Parisienne typique, Caroline de Maigret est mannequin, productrice de musique et fille de l’aristocratie. Avec trois complices, elle a coécrit How to Be Parisian Wherever You Are : Love, Style, and Bad Habits [en français : Comment être Parisienne où que vous soyez : amour, style et mauvaises habitudes]. La bonne parole de cet évangile à la gloire de la Française publié en 2014 n’a pas tardé à se répandre.

Devenu un best-seller international, le livre a toutefois inspiré une poignée de critiques selon lesquelles il serait pour le moins osé de prétendre que quiconque pourrait être aussi cool que Caroline de Maigret alors qu’elle s’obstine à bouder tout objet ressemblant à un peigne. Car quand l’intéressée se présente – comme souvent – les cheveux en bataille, les gens se disent : “Trop belle ! Même si son sèche-cheveux est manifestement hors d’usage.” Naturellement, tout le monde peut faire ce choix capillaire, mais si vous n’avez pas le visage de Caroline de Maigret, ne soyez pas étonné qu’une bonne âme fasse tomber quelques pièces dans votre tasse de café vide.

Avant cet éloge de Caroline de Maigret à elle-même, le monde de l’édition nous avait gratifiés d’un autre best-seller, Ces Françaises qui ne grossissent pas [Mireille Guiliano, chez J’ai lu], qui a – malheureusement – envahi le rayon littérature française. Et avant cela, il y avait eu Bébé made in France : les secrets de l’éducation à la française [de Pamela Druckerman, chez Flammarion], qui détaillait les astuces des mères françaises pour éduquer leurs enfants – les pères n’étant que des partenaires certes désirables mais complètement tartes. Un détail qui a son importance quand on se demande comment le mythe de la Française peut être aussi énervant et néanmoins tenace.

Car au bout du compte, ces fabuleuses descriptions de la Française mythique parlent moins de la façon dont elle s’habille et se comporte que de la manière dont elle se fond si parfaitement dans ce monde où le pouvoir et l’argent sont si fermement concentrés entre les mains des hommes. C’est comme si Paris réservait certains de ses plus beaux palais au patriarcat pour qu’il puisse y laisser ses pantoufles, des fois que l’atmosphère ne devienne par trop inconfortable ailleurs.

Ainsi retrouve-t-on la Française partout, comme un accessoire inséparable. Y compris là où on ne l’attend pas. Un texte politique par exemple. En juillet dernier, le journal Die Welt a envoyé l’écrivain Joachim Lottmann à la remise du prix franco-allemand des médias attribué à Jürgen Habermas. N’étant pas nominé, le journaliste n’avait fait le voyage que pour déblatérer à propos du philosophe. Il en est sorti un article au ton acrimonieux dans lequel Lottmann ne trouve qu’un motif de satisfaction : “Quelques jolies Françaises. […] Françoise Hardy jeune. On avait fini par oublier qu’une femme pouvait ressembler à ça, si éternellement chic.” Coup d’œil sur la photo de Lottmann : on n’avait pas oublié qu’un homme pouvait ressembler à ça.

Gala et Glamour ne diraient pas autre chose que Lottmann. Car il serait inconcevable de parler de la Française sans évoquer le “chic éternel”. Ou rappeler les sempiternelles astuces sur l’art de porter une chemise d’homme et de ne pas se maquiller comme un camion volé – à l’exception du rouge à lèvres.

Une liberté suspecte

La Française sait comment s’y prendre. Elle boit et fume, même quand elle est mère. Elle ne glousse pas à la moindre plaisanterie prononcée par l’homme assis à côté d’elle, préférant faire valoir son droit à l’ennui. Quand elle se rend au travail, c’est sûre d’elle et fière. Être française, c’est être libre et jouir. Et en célébrant ainsi la Française comme une figure d’exception, on en vient finalement à dire qu’une femme qui s’amuse autant, ce n’est pas normal.

Et le fait est que ça n’est pas la normalité. Pas même pour les Françaises. Car au bout du compte, c’est seule que la Française doit décider si elle veut ou non laisser son enfant de 3 mois à la crèche. Les pères n’ont droit qu’à onze jours de congé parental. La Française est peut-être rayonnante la journée, mais le soir, c’est elle qui dresse la liste des choses à faire, va étendre le linge et réchauffer des restes pour le repas.

D’après les chiffres de l’Institut national de la statistique [Insee], ce sont essentiellement les femmes qui consacrent leur temps au ménage (64 %) ou aux enfants (71 %). Et les plaidoyers pour la maternité à la française le savent très bien. Dans Bébé made in France, Pamela Druckermann ne dit pas seulement que ses amies parisiennes sont mieux habillées qu’elle, mais aussi comment elles en viennent à accepter l’inaptitude de leur compagnon concernant les tâches domestiques.
En contrepartie, les hommes applaudissent la capacité des femmes à “faire tourner la maison”. Et ces louanges semblent rendre l’inégalité plus supportable. Pour les Parisiennes que je connais, l’égalité entre hommes et femmes n’est simplement pas un critère.

Pour rappel, la France est le pays qui nous a donné des femmes de la trempe d’Olympe de Gouges, Simone de Beauvoir et Simone Veil. La première a tenté d’expliquer aux chefs révolutionnaires comme Robespierre le non-sens que représentait l’octroi de libertés fondamentales à une moitié seulement du genre humain. La deuxième a si bien disséqué le statu quo du patriarcat que tout le monde a voulu lire le résultat. Et la troisième a rendu l’avortement légal pour ses concitoyennes en 1975.

Ces trois femmes ne se sont pas battues pour l’émancipation des femmes en se demandant pourquoi leur voisine réussissait tout mieux qu’elles. Elles ont fait comprendre que les relations hommes-femmes devaient fondamentalement évoluer et que la liberté n’était pas une affaire de sexe. La Française icône de mode prêche autre chose : sois libre, tant que ça ne dérange personne. La femme ne change pas le monde, elle se change elle-même pour rendre le monde un peu plus beau.

Un mythe encouragé par les Françaises ?

Et ce n’est pas comme si elles n’étaient pas encouragées par le reste du monde à jouer les gravures de mode. La marinière est tellement parfaite avec un livre assorti, pour faire du clic sur Instagram ou dans une publicité pour un parfum, des bas ou des gâteaux. Ce culte de la Française nous vient d’abord des États-Unis. Dans Midnight in Paris, Woody Allen en faisait une ronde sentimentale, mais sur les blogs de mode comme Refinery29, pas une semaine ne passe sans un article vous révélant toutes les astuces pour être une “French girl”. Et les Français cultivent cette obsession avec un mélange de condescendance (“évidemment qu’on est plus cultivés que les Américains”) et d’opportunisme mercantile (“Catherine Deneuve s’est assise sur cette chaise, 7 euros le café, s’il vous plaît”).

Toutes les Françaises n’ont pas la présence d’esprit d’une Charlotte Gainsbourg qui, interrogée pour la énième fois sur le secret des femmes françaises, répond simplement qu’il n’y en a pas. Et l’actrice d’expliquer au Wall Street Journal qu’elle ne change de pull que quand celui-ci commence à puer. À ce niveau, elle aurait aussi bien pu dire qu’elle se frottait des poils de souris sous les aisselles en guise de déodorant, elle n’en serait pas moins “so French”.

Alors que faire quand, à force de persévérance, on parvient à s’ôter ce cliché de la tête, puis que l’on va à Paris et que toutes les terrasses débordent de gens à la beauté insolente ? Réponse : s’en réjouir, les admirer et les observer de plus près. La Française typique était blanche, fragile et issue d’une bonne famille. Elle a bien dû faire de la place en terrasse pour ses sœurs du monde entier.

Aujourd’hui à Paris, nul ne porte les marques de créateurs français avec plus de dévotion que les touristes chinois. La Française au teint pâle, elle, arbore des vestes en wax et motifs africains de Maison Château Rouge, une marque parisienne branchée. Les enfants des immigrés sénégalais, camerounais et maliens ne se retrouvent pas qu’en équipe de France de football. Ils font désormais la mode et les couvertures de Vogue Paris. Même dans le domaine de la musique, la figure de la chanteuse fragile, façon Vanessa Paradis jeune, a cédé la place à une Héloïse Letissier, la chanteuse à l’allure athlétique et androgyne de Christine and the Queens (aujourd’hui Chris) qui remplit les stades de Londres à Los Angeles.

Alors qu’il était à la recherche de thèmes porteurs pour sa future campagne, le candidat Macron avait demandé à ses compatriotes ce qu’ils attendaient de leur président : qu’il lutte avec plus de détermination pour l’égalité hommes-femmes, avaient-ils répondu. Macron est-il sincère quand il se dit féministe ? La question n’est pas là. Une chose est sûre cependant, il n’existe aucun pays au monde où les femmes se disent : d’accord, mon collègue masculin gagne 25 % de plus que moi, mais au moins il me trouve sexy. Pas plus qu’il n’existe de pays où les enfants ne font jamais de caprice, où les gens ne grossissent pas et où tout le monde porte des vêtements parfaitement taillés. La Française est morte, vive les Françaises.

Nadia Pantel, Süddeutsche Zeitung, publié dans Courrier international du 18 décembre 2018

Quelques questions que vous pouvez poser pour vos étudiants :

1. Quels sont les nouveaux mots que vous avez appris dans cet article ?
2. Avant de lire cet article, quelle image aviez-vous de la femme française ?
3. Quel est le cliché de la femme française ?
4. Quelle est la réalité ?
5. Etes-vous surpris par certains aspects décrits dans l’article ?
6. Selon vous, quelles sont les différences marquantes entre une Américaine et une Française ? Et comment est-ce qu’elles se ressemblent ?
7. Qui sont les personnages suivants :  Simone de Beauvoir ; Simone Veil ; Françoise Hardy et Charlotte Gainsbourg ?
8. Que pensez-vous de ce dernier commentaire ? :
Macron est-il sincère quand il se dit féministe ? La question n’est pas là. Une chose est sûre cependant, il n’existe aucun pays au monde où les femmes se disent : d’accord, mon collègue masculin gagne 25 % de plus que moi, mais au moins il me trouve sexy. Pas plus qu’il n’existe de pays où les enfants ne font jamais de caprice, où les gens ne grossissent pas et où tout le monde porte des vêtements parfaitement taillés. La Française est morte, vive les Françaises.

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

Interview Boris Cyrulnik sur les jeunes et les adultes

Boris Cyrulnik : « si, après son bac, on perd un an ou deux, qu’est-ce que cela peut faire ? »

Ne pas se précipiter, rêver, voyager… C’est ce que préconise le psychiatre Boris Cyrulnik, interrogé à l’occasion d’O21, des événements du « Monde » pour aider les jeunes à trouver leur orientation.

Le psychiatre Boris Cyrulnik est l’auteur notamment d’Un merveilleux malheur (1999) et d’Ivres Paradis, bonheurs ­héroïques (2016), tous deux parus chez Odile Jacob. Entretien utile à lire ou à relire à l’heure où de nombreux jeunes lycéens et étudiants sont amenés à faire des choix d’orientation.

Nombre de jeunes se sentent sous pression pour trouver leur voie. Comment les aider ?

Le problème est que l’on fait sprinter nos jeunes, et ces jeunes, en sprintant, se cassent souvent la figure. Après le bac, ils s’orientent trop vite, alors qu’ils ne sont pas encore motivés. Ils s’inscrivent dans n’importe quelle fac, et la moitié d’entre eux vont échouer. Ils vont alors être humiliés, malheureux, à l’âge où l’on apprend neurologiquement et psychologiquement à travailler. Le risque est, alors, qu’ils se désengagent, surtout les garçons, qui décrochent plus que les filles.

Or, ce qui peut aider un jeune à prendre sa voie, c’est son pouvoir de rêve. Il faut ensuite se réveiller, bien sûr. Le rêve mène au réveil. Mais si un jeune arrive à rêver et à se mettre au travail, il pourra prendre une direction de vie.

Que préconisez-vous ?

L’espérance de vie a follement augmenté. Une petite fille qui arrive au monde aujourd’hui a de forte chance d’être centenaire. Alors si, après son bac, elle perd un an ou deux, qu’est-ce que ça peut faire ? Ces deux années-là, justement, certains pays, en Europe du Nord par exemple, ont décidé d’en faire une période sabbatique. Ils ont institué un rite de passage moderne. Les jeunes partent à l’étranger, ils ne sont pas abandonnés mais autonomes. Quand ils reviennent, ils ont appris une langue, ont eu des expériences et ont réfléchi à leur choix de vie. Ils s’inscrivent alors dans des cursus et apprennent un métier. Il y a très peu d’échecs, alors qu’il y en a énormément pour ceux qui se précipitent vers les universités.

Cette approche existait d’ailleurs en France pour les garçons : au XIXe siècle, ceux-ci partaient faire le tour de la France, les plus ­petits en groupe de deux ou trois, avec un ­bâton et un baluchon à l’épaule, pour aller chercher des stages.

Seuls 44 % des diplômés de grandes ­écoles veulent travailler dans une grande entreprise. Pourquoi ce rejet ?

A l’époque où le travail apportait la certitude, on acceptait l’ennui, la contrainte, on acceptait même la soumission à une hiérarchie. Il fallait avoir un travail, quel que soit le travail. Toutes les sociétés se sont construites dans la violence : violence des frontières, des guerres… Dans un contexte chaotique, l’entreprise a pu être le lieu de la sécurité et du sens, c’était la direction de vie que l’on prenait. Un lieu où l’on était étayé par les autres, par les lois, ce qui était une véritable évolution par rapport au système protecteur de l’aristocratie ou des mines, par exemple.

Quand une rue est dangereuse, une personne va se sentir bien chez elle, mais quand la rue est une fête, cette même personne va s’y ennuyer. Le même raisonnement s’applique à l’entreprise. Quand la société est dangereuse, je suis bien dans l’entreprise. Quand j’ai milité pour faire que la société soit moins dangereuse, j’ai envie de tenter mon aventure personnelle ailleurs.

Aujourd’hui, alors que la personnalité des jeunes s’épanouit – pour les garçons et encore plus pour les filles avec cette révolution culturelle ­féminine stupéfiante en deux générations –, l’entreprise devient une contrainte. Ces jeunes n’acceptent plus la soumission, la répression qu’impose la vie dans ces organisations.

Certains jeunes hésitent entre un chemin balisé et un autre, plus « fun » mais plus ­risqué. Faut-il forcément choisir ?

Je pense qu’on n’a pas le choix entre le plaisir de vivre et l’austérité d’apprendre, les deux sont associés. Un jeune qui se précipite dans le plaisir va payer ensuite le prix de cette satisfaction immédiate.

Il faut être capable de moments d’austérité, de moments où l’on retarde le plaisir de façon à pouvoir acquérir des connaissances pas toujours très amusantes. L’équilibre à trouver est comme le flux et le reflux : c’est l’alternance entre les deux qui donne le plaisir et la solidité de vivre.

Quant à la notion de prise de risque, elle varie avec l’âge : si elle constitue un danger aussi bien pour les enfants, avant l’adolescence, que plus tard, quand on arrive à un âge avancé, entre ces deux moments de la vie, c’est l’absence de prise de risque qui est un danger. Car comment, autrement, donner un sens à son existence ?

Pas simple pour les jeunes de faire des choix si, comme on l’annonce, 65 % des métiers de demain n’existent pas encore…

C’est vrai, on ne sait pas ce qui nous attend. Dans ma génération, nous n’avions pas beaucoup de choix. Les conditions matérielles étaient très difficiles, mais les conditions psychologiques étaient, elles, beaucoup plus simples. Moi, je savais que, si je travaillais, je deviendrais un homme libre. Donc, si j’étudiais, si ­j’apprenais, j’aurais la totale sécurité. On ne peut plus dire ça aujourd’hui.

Quand j’étais gamin, le message était clair : « Fais comme papa. » Maintenant, excepté les enfants d’enseignants, les jeunes n’exercent plus le même métier que leur père. Ils n’ont plus cette étoile du berger qui était pour nous à la fois une orientation et une contrainte. Soit elle nous convenait, et c’était magnifique. Soit elle nous déplaisait et, dans ce cas-là, on pouvait toujours se dire que c’était « la faute de papa ».

Désormais, les jeunes ont toutes les libertés. C’est angoissant, car ils deviennent coauteurs de leur destin. Cela les oblige à faire preuve de créativité. Il y a là une véritable révolution ­culturelle !

Et vous, comment avez-vous eu le déclic pour devenir psychiatre ?

J’ai été très tôt atteint d’une délicieuse maladie : la rage de comprendre. Cela s’explique par mon histoire et mon appartenance à la génération d’avant-guerre. Je suis né en 1937. Ma ­famille a disparu à Auschwitz. J’ai moi-même été arrêté quand j’avais 6 ans et demi, et j’ai réussi à m’évader. Cela m’a amené très jeune à me demander comment il était possible que toute une partie de la population veuille en assassiner une autre. Cela me paraissait fou, ­incompréhensible. Je ne pouvais me sentir bien que si je cherchais à comprendre.

Il n’y a donc pas eu un déclic, mais mille pressions, mille déclics qui m’ont gouverné depuis mon enfance. Le désir de comprendre, de rencontrer, m’a orienté vers la médecine et la psychologie. J’ai été gouverné un petit peu comme quand on est jeté dans un torrent. On met la main, on baisse la tête, on coule, on ressort.

Laure Belot, Le Monde du 28 janvier 2019

Questions :

- Quels nouveaux mots avez-vous découvert en lisant l’article ?
- Quelle est la signification de ‘Or’ dans le 2ème paragraphe de la première question ?
- Quelle est la signification de "quel que soit le travail" (situé dans la 2ème phrase de la question "Seuls 44 % des diplômés de grandes ­écoles…" ?
- Pourquoi est-ce que les jeunes sont moins motivés qu’avant de travailler pour une grande entreprise ?
- Pourquoi est-ce que Boris Cyrulnik encourage de prendre une année sabbatique après la fac ?
- Dans votre pays, est-ce une habitude normale de prendre une période sabbatique après la fac ?
- Pourquoi est que Boris a écrit "Désormais, les jeunes ont toutes les libertés. C’est angoissant..." pourquoi "angoissant" ?
- Que pensez-vous de l’idée de prendre une période sabbatique après la fac ?
 - Et vous, est-ce que votre famille vous a dit aussi de "faire comme papa" ?

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Interview Alain Rey, rédacteur en chef des dictionnaiers Petit Robert

Alain Rey : « L’hostilité au père a été quelque chose de fondamental »

Lexicologue, rédacteur en chef des publications des éditions Le Robert, ancien chroniqueur sur France Inter, Alain Rey continue, à 91 ans, d’enrichir le Dictionnaire historique de la langue française.

Je ne serais pas arrivé là si…

Si je n’avais pas eu beaucoup de chance dans mon enfance entre une mère exagérément affectueuse, qui me lisait beaucoup d’histoires, et un père qui, tout en étant polytechnicien, était très musicien, chanteur et bibliophile. J’ai été bercé par Bach et Schubert dès ma plus tendre enfance. Et je ne serais pas arrivé là si je n’avais pas passé des vacances d’été à La Bourboule en Auvergne. Il pleuvait souvent, alors je lisais énormément, notamment des bandes dessinées.

Quels souvenirs remontent lorsque vous pensez à votre enfance ?

Mon enfance a été pas mal bousculée par la guerre et une longue absence de mon père, coincé en Iran où il dirigeait des travaux. Mais ça ne m’a pas traumatisé car les gens qui comptaient le plus dans ma vie, c’étaient des femmes : ma mère, mes deux sœurs et deux grands-mères, l’une qui était comme une copine et l’autre, sévère, habillée de noir, modèle d’énergie. Elle avait eu dix-sept enfants – quatorze en vie – et, après la mort de son mari, dirigeait la brasserie familiale. Et puis j’avais une série d’oncles et de tantes religieux : deux chartreux, un capucin, une « sœur blanche » et une clarisse.

Quelle influence cela a-t-il eue sur vous ?

J’étais un enfant catholique surveillé comme tel. J’ai joué le jeu jusqu’à 14 ans. Puis j’ai eu l’impression que ce régime-là était uniquement fait pour gêner, empêcher, interdire. J’avais le sentiment d’une extraordinaire comédie. Je me suis révolté passivement : je ne communiais plus et je ne suis plus allé à l’église.

Aviez-vous déjà un amour des mots ?

Ah oui, cela, c’est de tout temps ! Mes lectures, mon goût pour le vocabulaire, me prenaient beaucoup. A l’école, je dessinais des espèces de schémas en écrivant, par exemple, toutes les parties d’un bateau – les cacatois, les artimons n’avaient aucun secret pour moi ! – juste pour le plaisir des mots. Cela me titillait mais je ne savais pas du tout que ça pouvait être un métier. Tout m’intéressait, même les noms propres. Je me souviendrai toujours du jour où j’ai découvert que l’écrivain dont je lisais le nom avec peine et que je prononçais « Chaquespire » n’était autre que le Shakespeare dont parlaient mes parents quand ils allaient au théâtre ! Ça a été une révélation ! Si c’était comme ça pour un nom, qu’est-ce que ça devait être pour l’ensemble !

Donc une enfance heureuse malgré la guerre ?

Mais avec un côté noir chez mon père, qui était d’extrême droite au début – il a évolué après –, et passablement antisémite. Ça a servi à ma prise de conscience personnelle. A La Bourboule, pendant l’Occupation, j’ai eu un premier choc sur les préventions insupportables de mon père contre certaines personnes. Il y avait pas mal de réfugiés. Presque tous mes profs de cette époque étaient d’Europe centrale. J’ai découvert une culture et des gens adorables.

Et contrairement à votre père, vous avez choisi de faire des études littéraires…

Cela lui aurait fait plaisir que je me lance dans des études scientifiques. Mais je ne voulais pas obéir bêtement à des lois extérieures. J’ai fait une année d’hypokhâgne qui m’a beaucoup apporté, avec un prof de littérature qui nous a fait découvrir Henri Michaux, qui reste l’un de mes poètes favoris ; puis plusieurs certificats de licence, et Sciences Po qui m’a essentiellement servi à jouer au poker ! J’ai raté l’examen de sortie parce qu’on m’a posé des questions sur des trucs fiscaux… Je n’ai pas le diplôme !

Quand j’ai arrêté mes études, il y a eu un « je ne serais pas arrivé là si » important : mon service militaire. Il n’a duré qu’un an, mais fut intense. Après mon certificat de licence en histoire de l’art – qui m’a passionné – je me suis retrouvé tout à fait par hasard sur un bateau avec des tirailleurs tunisiens. Tout d’un coup, un univers inconnu me tombait sur la gueule et, une fois arrivé en Tunisie, j’ai eu une prise de conscience des vrais problèmes : les limites de la présence française, l’inconvénient de porter une chéchia qui faisait que les Français de Sousse, où j’étais cantonné, me traitaient avec mépris. Tout cela, croisé avec la découverte de la revue Les Temps modernes et l’influence de Sartre, très importante pour moi, m’a fait les pieds solidement et rapidement.

Au retour du service militaire, votre vie va basculer…

Une offre d’emploi dans Le Monde va tout changer. Une tante un peu folâtre me montre une annonce : « Recherche des collaborateurs pour des travaux paralittéraires. » Je ne savais pas du tout ce que c’était ! J’ai candidaté. J’ai rencontré à Paris le cousin du lexicographe Paul Robert [1910-1980, le fondateur des éditions Le Robert] qui m’a expliqué qu’il s’agissait de faire un dictionnaire et m’a proposé de faire un essai. Je n’aimais pas les dictionnaires, ça m’emmerdait, je trouvais cela figé ! C’était la première fois de ma vie que j’ouvrais Le Littré et que je m’essayais à faire un article de dictionnaire ! J’avais choisi le mot « autel » . Un jour je reçois une lettre de Paul Robert : « Votre essai m’a convaincu, je vous attends. »

Ce nouveau travail vous a-t-il tout de suite plu ?

Oui, j’ai trouvé ça extraordinaire, fascinant. Passer des Antilles à l’antimoine, ça me plaisait ! Il y avait quelque chose à faire qui me paraissait essentiel mais je ne savais pas trop quoi. Est-ce que les mots révélaient quelque chose de la société ou pas ? Est-ce que la littérature contemporaine méritait d’y figurer ? Paul Robert acceptait presque tout. C’était une éponge. De l’intérieur, on pouvait changer ce livre et en faire quelque chose d’acceptable. A chaque sortie de fascicule, on se jetait dessus pour retrouver ce qu’on avait fait, avec une frustration grandissante car Paul Robert s’arrogeait toute la responsabilité. Les collaborateurs n’étaient même pas mentionnés.

Quel est le meilleur mot pour définir votre métier ?

Lexicologue, je veux bien. J’aurais voulu être linguiste. Je ne le suis pas. J’en ai fait beaucoup mais j’ai appris tout seul, sur le tas, grâce à des lectures et des rencontres avec des universitaires tels que Jean Dubois, maître à penser des éditions Larousse, et Pierre Guiraud, grand étymologiste.

Pourquoi est-ce vous qui passez aux commandes du Robert ?

Je travaillais vite et tout le temps. Paul Robert n’avait pas vu ni prévu que je lui pétais sa baraque. Je faisais autre chose que ce qu’il avait voulu au départ. Cela s’est réalisé quand nous avons fait Le Petit Robert avec Josette Rey-Debove (ma première épouse) et le normalien Henri Cottez. Un bon dictionnaire est obligé de tenir compte des usages les plus marginaux de la langue, y compris de la poésie. Progressivement, nous comprenons que décrire correctement les mots, c’est décrire une époque, une manière de penser. Je me suis toujours intéressé à la dimension sociale et politique des mots parce que le côté formel de la linguistique ou de la philologie ne me satisfait pas. On ne peut pas faire de l’histoire sans faire de l’histoire lexicale.

Vous êtes devenu un lexicographe connu grâce à vos chroniques dans la matinale de France Inter de 1993 à 2006. Comment êtes-vous arrivé à la radio ?

Encore un « si » important ! C’est grâce à Ivan Levaï, alors directeur de l’information. Après une série d’émissions de Claude Villers, qui m’avait invité lors de la première édition de mon Dictionnaire historique, il me contacte : « Vous avez une bonne voix et, pour la rentrée, j’aimerais une chronique sur le bien parler, le “dites ça, ne dites pas ça”. » Je lui réponds : « Navré, ça ne m’intéresse pas du tout. En revanche, je veux bien essayer une chronique sur le contenu des mots et l’impact qu’ils ont sur la société. » Il me dit oui.

Pendant ces treize années, avez-vous eu carte blanche ?

Complètement. En général, je prenais un mot qui résonnait par rapport à l’invité. Une couleur politique se dégageait de mes chroniques, essentiellement pendant la guerre d’Irak avec tous les euphémismes de la guerre comme « les dégâts collatéraux ». Je recevais beaucoup de courriers, 90 % de félicitations et 10 % d’engueulades : « Gardez pour vous vos étymologies mais surtout vos idées politiques ! »

Avec Ivan Levaï, puis Jean-Marie Cavada à la direction, cela s’est très bien passé. Ça a commencé à coincer avec Jean-Paul Cluzel [président de Radio France de 2004 à 2009]. Il ne m’aimait pas. J’ai été vidé pour des raisons de jeunisme et de politique. J’ai choisi le mot « salut » pour ma dernière chronique. C’était très émouvant.

Dans votre carrière d’historien des mots, quels ont été les meilleurs moments ?

Quand les livres sortent, j’adore ça ! J’éprouve une jalousie féroce pour les poètes, les écrivains. J’aurais préféré être écrivain mais une certaine retenue m’en a empêché. Mon auteur français favori, c’est Rabelais : création absolue, liberté totale, capacité à cacher une philosophie derrière des conneries enfantines, mélange de la narrativité et de la liste. C’est un grand lexicographe, Rabelais.

Et chez nos contemporains ?
Je suis très très réservé. Je m’ennuie, les bouquins me tombent des mains. Je ne trouve pas de style. Le dernier grand écrivain qu’on a eu, c’est probablement Jean Genet. A la fois poète, romancier, inventif, styliste. Je n’arrive pas à accrocher à Houellebecq, il m’emmerde.

Continuez-vous à travailler ?

Je ne fais que ça. C’est un plaisir. Ce goût des mots ne m’a jamais quitté, c’est même insupportable pour l’entourage ! Mais parler des mots, c’est parler de tout et ça élargit les perspectives. Je n’ai pas de lassitude parce que j’en trouve tous les jours. Actuellement, je fais des recherches grâce à Gallica, le site très précieux de la BNF. Mais parfois, j’en ai marre parce qu’il y en a trop. C’est le rocher de Sisyphe ! Je suis toujours curieux mais je n’ai pas vraiment l’impression d’être en phase avec l’époque car je suis très négatif.

Sur quoi ?

Sur tout. Sur l’avenir de l’humanité. Franchement, c’est gravissime. Je pense qu’il n’y a pas de progrès sans catastrophe. Si on prend les choses dans leur dimension historique, le virage du numérique est aussi important que l’apparition de l’écriture. Or, l’apparition de l’écriture a été un immense progrès et en même temps une catastrophe. En Afrique, des civilisations pleurent de ne plus être des civilisations orales. Avec le numérique, je ne vois que des catastrophes : la fin de la lecture, l’imbécillité programmée, l’infantilisme.

Aujourd’hui, le développement individuel est compromis et le développement collectif est condamné. Tous les efforts pour protéger le climat sont à un niveau de dérision qui devrait faire rire. C’est ridicule de croire qu’en jetant nos pots en plastique on va changer le monde. Tout ça ne peut se régler qu’à l’échelle mondiale, or les Etats-Unis et la Chine s’en moquent. Mais je suis un pessimiste gai, car être triste ne changera rien.

Sandrine Blanchard, Le Monde du 8 septembre 2019

Questions :

- Quels nouveaux mots avez-vous découvert dans cet article ?
- Connaissiez-vous le Petit Robert ? L’avez-vous déjà utilisé?
- Qui est Alain Rey ?
- Alain Rey a dit qu’il lisait énormément de bandes dessinées ? E vous ? Quand vous étiez jeune, lisiez-vous des bandes dessinées ? Lesquelles ?
- Une des grand-mères d’Alain Rey a eu 14 enfants ! Connaissez-vous une famille très nombreuse ? Et vous, avez-vous des frères et des sœurs ? Décrivez-les.
- Comment décririez-vous la personnalité d’Alain Rey ?
- Comment était la relation entre Alain Rey et son père ?
- Qu’est-ce que ça veut dire "péter sa baraque" ?
- Qu’est-ce qu’Alain Rey a apporté de nouveau au dictionnaire ?
- Alain Rey a travaillé comme lexicologue au Petit Robert mais en parallèle ou a-t-il également travaillé pendant 13 ans ?
- Quelle autre profession Alain Rey aurait aimé faire ?
- Quel type de littérature l’enthousiasme ? Et quels types de livres l’ennuient ?
- Alain Rey a dit "Je suis toujours curieux mais je n'ai pas vraiment l'impression d'être en phase avec l'époque car je suis très négatif." Il est négatif sur quoi ? Etes-vous d'accord avec cette idée ?

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Gluten, lactose, vegan : Quand les chefs font avec le "sans"

Gluten, lactose, végan… Quand les chefs font avec le « sans »

Longtemps relégués en bout de table, les adeptes des régimes alimentaires spéciaux sont de plus en plus nombreux. Obligeant les restaurants à redoubler de créativité sur leur carte.

Une table, six convives, et autant de possibilités. C’est devenu un grand classique : au lieu d’enregistrer la commande, un steak tartare, un lieu jaune et c’est parti, le serveur passe un quart d’heure à détailler chaque plat à la demande sourcilleuse des clients. Sans gluten, sans viande, sans lactose, végan, pescetarien, crudivore… De plus en plus variées, les identités alimentaires s’affirment à la lecture des menus, contraignant les chefs à jongler avec les ingrédients pour satisfaire tout le monde.

« Nos assiettes sont de plus en plus individualistes, confirme Nathalie Damery, présidente de l’Observatoire société et consommation (Obsoco). Même les cuisiniers français, pas forcément réputés pour leur souplesse, ont été obligés de s’adapter. » La plupart optent pour une carte mixte, associant plats spéciaux et omnivores. En septembre, le Danois Andreas Møller a ajouté à la carte du Copenhague, sur les Champs-Elysées, un menu dégustation végétarien dont aucun plat n’est commun à son pendant carnivore. « C’était important pour moi d’élaborer une proposition aussi complète et gourmande, confie-t-il. Ce menu est au même prix que l’autre, car ce n’est pas une option au rabais. »

Longtemps, les végétariens ont été considérés comme des gastronomes de seconde zone, contraints de se rabattre sur les rares (et souvent décevantes) salades. Une négligence à l’origine du succès des restaurants végétariens, dont l’offre a explosé au début de la décennie. « Ces restaurants “100 %” ont moins de raison d’être maintenant que les chefs font évoluer leur carte pour ne pas diviser les gens en familles de goûts », nuance le fondateur du Fooding Alexandre Cammas.

Ainsi, outre les traditionnelles pâtes à base de farine de blé, la trattoria Biglove Caffè ne propose que des pizzas sans gluten. « Tout le monde a le droit de profiter d’une bonne pizza », estime Victor Lugger, l’un des cofondateurs. Après plusieurs semaines de recherche, l’équipe a trouvé le « mix idéal » entre trois farines (maïs, sarrasin et riz). Résultat : on n’y voit que du feu. « On n’aurait pas développé cette offre si le produit ne tenait pas la route. Par exemple, on a voulu créer une brioche sans gluten pour le brunch. Ça ne rendait pas bien, on a laissé tomber. » La mention « sans gluten » est précisée en toutes lettres dans l’intitulé des plats. Facile, quand le choix se limite à des propositions « avec » ou « sans ».

« Nous ne voulons pas labelliser les plats »

Au Camélia (l’une des tables de l’hôtel le Mandarin Oriental), la carte œcuménique de Thierry Marx joue avec les lettres V, G, L et N (végétarien, sans gluten, sans lactose et présence de noix). Le meilleur score est enregistré par « Les légumes d’automne de Christophe Latour », avec un total de quatre lettres. D’autres chefs choisissent de ne pas, ou peu, communiquer sur le sujet. Ce n’est écrit nulle part, mais chez Mr. T, nouveau restaurant ouvert dans le Marais, les « Mr Tacos » (farine de maïs, ananas caramélisé, épinard sauté et cumin) et la salade de betteraves, framboises et gorgonzola conviennent aux intolérants au gluten et aux végétaliens. « Nous ne voulons pas labelliser les plats, précise Enguerrand Cantegrel, en salle. Pour ceux qui ont des restrictions, ce n’est pas très agréable. Quant à ceux qui mangent de tout, ils risqueraient de ne plus avoir envie de les commander. »

Chez Elements, sur la côte basque (prix Fooding 2018 de la meilleure table), un panneau informe le client que les produits sont sourcés à 90 %, et que la cuisine est sans gluten, sans lactose et sans sucre. « On n’est pas répertoriés dans les tables “sans” et on ne souhaite pas l’être. On ne le fait pas pour coller à une tendance, mais parce que ça a du sens », affirme Anthony Orjollet. En intégrant ces contraintes, ce chef a réalisé combien sa cuisine était « formatée ». « Et puis, à un moment, la créativité a explosé. »

Même constat au Couvent des Minimes, à Mane (Alpes-de-Haute-Provence), où Jérôme Roy teste des graisses végétales et invente des sauces sans lactose. « Ces nouvelles pratiques alimentaires nous forcent à être inventifs, pour pouvoir anticiper les desiderata des clients. » Ses dernières créations ? Un financier aux herbes à base de farine de riz et un velouté de potimarron au lait d’amande. La contrainte a du bon.

Raphaëlle Elkrief, Le Monde du 15 décembre 2018

Carnet d’adresses

Copenhague
142, av. des Champs-Elysées, Paris 8e. Tél. : 01-44-13-86-26. 
www.restaurant-copenhague-paris.fr

Biglove Caffè
30, rue Debelleyme, Paris 3e. Tél. : 01-42-71-43-62. 
www.bigmammagroup.com

Camélia
251, rue Saint-Honoré, Paris 1er. Tél. : 01-70-98-74-00. 
www.mandarinoriental.fr/paris

Mr. T
38, rue de Saintonge, Paris 3e. Tél. : 01-42-71-15-34.

Elements
1247, av. de Bayonne, Bidart. Tél. : 09-86-38-08-51. 
www.restaurant-elements.com

Le Couvent des Minimes
Chemin des Jeux-de-Maï, Mane. Tél. : 04-92-74-77-77. 
www.couventdesminimes-hotelspa.com

Questions :

1. Ecrivez svp les mots qui sont nouveaux pour vous dans cet article et trouvez la définition de chacun : _________________
2. Le journaliste a écrit "les cuisiniers ne sont pas réputés pour leur souplesse". Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà demandé pour quelque chose de spécial dans un restaurant en France?
3. Qu’est-ce que ça veut dire "on n'y voit que du feu" ?
4. Qu’est-ce que cette phrase veut dire: "On n’aurait pas développé cette offre si le produit ne tenait pas la route" ?
5.Est-ce que vous avez déjà mangé une pizza sans gluten ? Qu’en avez-vous pensé ?
6.Qu’est-ce que le titre "Les chefs font avec le sans" veut dire ?

Retour
haut de page

Océanix, projet d'île flottante

Océanix, un projet de ville flottante pour accueillir les réfugiés climatiques au large de New York

Elle serait essentiellement constituée de groupes de plates-formes hexagonales, ancrées au fond de la mer, pouvant accueillir chacune environ 300 personnes. 

Le projet semble tout droit sorti d'un livre de science-fiction mais il est bien réel. ONU-Habitat, qui œuvre au développement urbain durable, va faire équipe avec la société privée Oceanix, le MIT (Massachusetts Institute of Technology) et le club Explorers, une société professionnelle promouvant l'exploration scientifique dans le monde entier, pour concevoir des villes flottantes. Objectif : accueillir les populations menacées par les inondations provoquées par le réchauffement climatique. 

Alors que 90% des plus grandes villes du monde sont exposées à ces risques de submersion du fait de la fonte des glaciers et de la montée des mers, ces plates-formes modulaires ancrées au fond de la mer pourraient être reliées entre elles pour héberger les communautés riveraines des océans, comme l'ont expliqué les acteurs de ce projet inédit.

Une communauté de 10 000 habitants

"Les villes flottantes sont l'une des solutions possibles", a déclaré la directrice exécutive d'ONU-Habitat, Maimunah Mohd Sharif. Le partenariat prévoit de construire dans les prochains mois un prototype ouvert au public, qui serait amarré à l'East River, à New York, aux Etats-Unis.
Ce prototype, baptisé "Oceanix City" et conçu par le cabinet d'architecte danois Bjarke Ingels, serait essentiellement constitué de groupes de plates-formes hexagonales, ancrées au fond de la mer, pouvant accueillir chacune environ 300 personnes, créant ainsi une communauté de 10 000 habitants. Les cages situées sous la ville pourraient récolter des coquilles Saint-Jacques, du varech ou d'autres fruits de mer.

Des villes flottantes autosuffisantes

Selon Marc Collins Chen, directeur général d'Oceanix, la technologie permettant de construire de grandes infrastructures flottantes ou des logements existe déjà. "Il existe des milliers de maisons de ce type aux Pays-Bas et dans d'autres communautés du monde. C'est maintenant une question d'échelle et de création de systèmes et de communautés intégrés"explique-t-il à la BBC. Ce concept a suscité des recherches de pointe en matière de gestion de l'eau, d'ingénierie des océans et d'agriculture susceptibles de donner naissance à des villes autosuffisantes et protégées des intempéries, telles que les tempêtes.

L'une des difficultés majeures, pour que ce projet puisse voir le jour, est le manque de financement. "[Ceux] qui financent les infrastructures ont tendance à être très conservateurs", indique auprès de la chaîne britannique Steve Lewis, fondateur de Living PlanIT, un groupe axé sur de nouvelles approches de la planification et du développement urbains. 
Certains soulignent également que ces villes flottantes pourraient détourner l'attention de la question des causes profondes du changement climatique et seraient réservées aux très riches, telles que les villas flottantes actuellement vendues au large de Dubaï. 

France Info, 8 avril 2019

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Japon : des animaux au bureau pour apaiser les employés

Les animaux envahissent les entreprises nippones pour relaxer les employés.

Certes les employés Japonais ont des journées harassantes et interminables et également des relations hiérarchiques parfois stressantes. Mais ils ont aussi une chose que d'autres n'ont pas : un matou qui ronronne à côté de l'écran d'ordinateur. C'est notamment le cas à Tokyo dans l'entreprise informatique Ferray où neuf félins sautent sur les genoux des employés, pianotent de leurs délicats coussinets sur les claviers et dorment et mangent en toute liberté. Hidenobu Fukuda, qui dirige cette société, a introduit sa politique de "chats au bureau" en 2000 à la demande d'un de ses collaborateurs. Depuis, les salariés qui le souhaitent peuvent venir au travail avec leur matou. "Je donne aussi 5.000 yens (40 euros) par mois à qui sauve un chat", ajoute-t-il.

Chats, chiens et chèvres pour apaiser les employés

Ferray n'est pas la seule entreprise Japonaise à se laisser tenter par les animaux pour réduire l'anxiété de ses salariés. Par exemple chez Oracle Japan, un bobtail (chien de berger avec un poil hirsute) nommé Candy s'est vu donner le titre d'"ambassadeur" chargé d'accueillir les hôtes et d'apaiser le personnel, peut-on lire sur le site Internet. Comme il est possible de le voir sur son compte Twitter, Candy s'essaye même aux réseaux sociaux. Il semble en effet fort probable qu'il soit l'auteur de quelques publications plus ou moins compréhensibles... L'animal possède également un compte Instagram. 
De son côté, la firme de ressources humaines et de recrutement Pasona Group a "embauché" à plein temps deux chèvres en 2011 et deux alpagas en 2013, en partie à des fins thérapeutiques. Et tous les employés peuvent poursuivre leur "thérapie" le midi ou en sortant du travail : en effet, Tokyo a une soixantaine de cafés à chats officiellement reconnus où les félins naviguent parmi les clients. 

L'effet bénéfique des animaux prouvé en 2015

L'effet bénéfique des animaux sur le moral humain n'est plus une théorie : en 2015, lors de la conférence American Academy of Pediatrics National Conference & Exhibition à Washington, des chercheurs ont présenté une étude mettant en évidence l'effet positif d'une séance de Thérapie Assistée par l'Animal ou TAA. Il a été prouvé que les enfants malades étaient moins anxieux et plus calmes s'ils bénéficiaient de séances de thérapie avec un chien. La présence d'un animal se révèle donc très importante car depuis plusieurs années on sait que le facteur psychologique a une part importante dans la réussite d'un traitement.

Sciences et Avenir, 22 mai 2017

Questions :

1. Que penses-tu de cette idée d’avoir des animaux au travail ?
2. Si tu pouvais avoir un animal au travail, lequel aimerais-tu avoir ? Et pourquoi ?
3. Aimerais-tu avoir un chien qui t’accueille chaque matin au travail ? :
4. Dans l’article, c’est écrit : Certes les employés Japonais ont des journées harassantes et interminables et également des relations hiérarchiques parfois stressantes. Est-ce que la culture de travail dans ton pays est différente ou pareil ? Merci d'expliquer.
5. Qu’est-ce que c’est un matou ? Est-ce que tu serais heureux(se)ou plutôt un peu énervé(e) d’avoir un matou qui vient te déranger en marchant sur ton clavier d’ordinateur ?
6. A part les animaux, quelles autres implantations thérapeutiques relaxantes pourraient être bénéfiques dans une société ?
7. As-tu un animal ou des animaux chez toi ? Décris-les s'il te plaît.

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Interview Boris Cyrulnik sur les jeunes et les études

Boris Cyrulnik : « si, après son bac, on perd un an ou deux, qu’est-ce que cela peut faire ? »

Ne pas se précipiter, rêver, voyager… C’est ce que préconise le psychiatre Boris Cyrulnik, interrogé à l’occasion d’O21, des événements du « Monde » pour aider les jeunes à trouver leur orientation.

Le psychiatre Boris Cyrulnik est l’auteur notamment d’Un merveilleux malheur (1999) et d’Ivres Paradis, bonheurs ­héroïques (2016), tous deux parus chez Odile Jacob. Entretien utile à lire ou à relire à l’heure où de nombreux jeunes lycéens et étudiants sont amenés à faire des choix d’orientation.

Nombre de jeunes se sentent sous pression pour trouver leur voie. Comment les aider ?

Le problème est que l’on fait sprinter nos jeunes, et ces jeunes, en sprintant, se cassent souvent la figure. Après le bac, ils s’orientent trop vite, alors qu’ils ne sont pas encore motivés. Ils s’inscrivent dans n’importe quelle fac, et la moitié d’entre eux vont échouer. Ils vont alors être humiliés, malheureux, à l’âge où l’on apprend neurologiquement et psychologiquement à travailler. Le risque est, alors, qu’ils se désengagent, surtout les garçons, qui décrochent plus que les filles.

Or, ce qui peut aider un jeune à prendre sa voie, c’est son pouvoir de rêve. Il faut ensuite se réveiller, bien sûr. Le rêve mène au réveil. Mais si un jeune arrive à rêver et à se mettre au travail, il pourra prendre une direction de vie.

Que préconisez-vous ?

L’espérance de vie a follement augmenté. Une petite fille qui arrive au monde aujourd’hui a de forte chance d’être centenaire. Alors si, après son bac, elle perd un an ou deux, qu’est-ce que ça peut faire ? Ces deux années-là, justement, certains pays, en Europe du Nord par exemple, ont décidé d’en faire une période sabbatique. Ils ont institué un rite de passage moderne. Les jeunes partent à l’étranger, ils ne sont pas abandonnés mais autonomes. Quand ils reviennent, ils ont appris une langue, ont eu des expériences et ont réfléchi à leur choix de vie. Ils s’inscrivent alors dans des cursus et apprennent un métier. Il y a très peu d’échecs, alors qu’il y en a énormément pour ceux qui se précipitent vers les universités.

Cette approche existait d’ailleurs en France pour les garçons : au XIXe siècle, ceux-ci partaient faire le tour de la France, les plus ­petits en groupe de deux ou trois, avec un ­bâton et un baluchon à l’épaule, pour aller chercher des stages.

Seuls 44 % des diplômés de grandes ­écoles veulent travailler dans une grande entreprise. Pourquoi ce rejet ?

A l’époque où le travail apportait la certitude, on acceptait l’ennui, la contrainte, on acceptait même la soumission à une hiérarchie. Il fallait avoir un travail, quel que soit le travail. Toutes les sociétés se sont construites dans la violence : violence des frontières, des guerres… Dans un contexte chaotique, l’entreprise a pu être le lieu de la sécurité et du sens, c’était la direction de vie que l’on prenait. Un lieu où l’on était étayé par les autres, par les lois, ce qui était une véritable évolution par rapport au système protecteur de l’aristocratie ou des mines, par exemple.

Quand une rue est dangereuse, une personne va se sentir bien chez elle, mais quand la rue est une fête, cette même personne va s’y ennuyer. Le même raisonnement s’applique à l’entreprise. Quand la société est dangereuse, je suis bien dans l’entreprise. Quand j’ai milité pour faire que la société soit moins dangereuse, j’ai envie de tenter mon aventure personnelle ailleurs.

Aujourd’hui, alors que la personnalité des jeunes s’épanouit – pour les garçons et encore plus pour les filles avec cette révolution culturelle ­féminine stupéfiante en deux générations –, l’entreprise devient une contrainte. Ces jeunes n’acceptent plus la soumission, la répression qu’impose la vie dans ces organisations.

Certains jeunes hésitent entre un chemin balisé et un autre, plus « fun » mais plus ­risqué. Faut-il forcément choisir ?

Je pense qu’on n’a pas le choix entre le plaisir de vivre et l’austérité d’apprendre, les deux sont associés. Un jeune qui se précipite dans le plaisir va payer ensuite le prix de cette satisfaction immédiate.

Il faut être capable de moments d’austérité, de moments où l’on retarde le plaisir de façon à pouvoir acquérir des connaissances pas toujours très amusantes. L’équilibre à trouver est comme le flux et le reflux : c’est l’alternance entre les deux qui donne le plaisir et la solidité de vivre.

Quant à la notion de prise de risque, elle varie avec l’âge : si elle constitue un danger aussi bien pour les enfants, avant l’adolescence, que plus tard, quand on arrive à un âge avancé, entre ces deux moments de la vie, c’est l’absence de prise de risque qui est un danger. Car comment, autrement, donner un sens à son existence ?

Pas simple pour les jeunes de faire des choix si, comme on l’annonce, 65 % des métiers de demain n’existent pas encore…

C’est vrai, on ne sait pas ce qui nous attend. Dans ma génération, nous n’avions pas beaucoup de choix. Les conditions matérielles étaient très difficiles, mais les conditions psychologiques étaient, elles, beaucoup plus simples. Moi, je savais que, si je travaillais, je deviendrais un homme libre. Donc, si j’étudiais, si ­j’apprenais, j’aurais la totale sécurité. On ne peut plus dire ça aujourd’hui.

Quand j’étais gamin, le message était clair : « Fais comme papa. » Maintenant, excepté les enfants d’enseignants, les jeunes n’exercent plus le même métier que leur père. Ils n’ont plus cette étoile du berger qui était pour nous à la fois une orientation et une contrainte. Soit elle nous convenait, et c’était magnifique. Soit elle nous déplaisait et, dans ce cas-là, on pouvait toujours se dire que c’était « la faute de papa ».

Désormais, les jeunes ont toutes les libertés. C’est angoissant, car ils deviennent coauteurs de leur destin. Cela les oblige à faire preuve de créativité. Il y a là une véritable révolution ­culturelle !

Et vous, comment avez-vous eu le déclic pour devenir psychiatre ?

J’ai été très tôt atteint d’une délicieuse maladie : la rage de comprendre. Cela s’explique par mon histoire et mon appartenance à la génération d’avant-guerre. Je suis né en 1937. Ma ­famille a disparu à Auschwitz. J’ai moi-même été arrêté quand j’avais 6 ans et demi, et j’ai réussi à m’évader. Cela m’a amené très jeune à me demander comment il était possible que toute une partie de la population veuille en assassiner une autre. Cela me paraissait fou, ­incompréhensible. Je ne pouvais me sentir bien que si je cherchais à comprendre.

Il n’y a donc pas eu un déclic, mais mille pressions, mille déclics qui m’ont gouverné depuis mon enfance. Le désir de comprendre, de rencontrer, m’a orienté vers la médecine et la psychologie. J’ai été gouverné un petit peu comme quand on est jeté dans un torrent. On met la main, on baisse la tête, on coule, on ressort.

Laure Belot, Le Monde du 28 janvier 2019

Questions :

- Quels nouveaux mots avez-vous découvert en lisant l’article ?
- Quelle est la signification de ‘Or’ dans le 2ème paragraphe de la première question ?
- Quelle est la signification de "quel que soit le travail" (situé dans la 2ème phrase de la question "Seuls 44 % des diplômés de grandes ­écoles…" ?
- Pourquoi est-ce que les jeunes sont moins motivés qu’avant de travailler pour une grande entreprise ?
- Pourquoi est-ce que Boris Cyrulnik encourage de prendre une année sabbatique après la fac ?
- Dans votre pays, est-ce une habitude normale de prendre une période sabbatique après la fac ?
- Pourquoi est que Cyrulnik a écrit "Désormais, les jeunes ont toutes les libertés. C’est angoissant..." pourquoi "angoissant" ?
- Que pensez-vous de l’idée de prendre une période sabbatique après la fac ?
- Et vous, est-ce que votre famille vous a dit aussi de "faire comme papa" ?

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Les origines de la Saint-Valentin

Saint-Valentin : Pourquoi fête-t-on l'amour le 14 février ?

La Saint-Valentin! Une fête symbole d’amour, d’échange de cadeaux et... de shopping. Avant de se préparer une soirée en amoureux, comprenons d’où vient cette fête.
Valentin, saint des premiers temps de la chrétienté, dont le jour dédié dans le calendrier grégorien est le 14 février, était un prêtre dans l'actuelle Italie, à l'époque de la Rome antique. Valentin de Terni (son nom complet), fut décapité en 270 après Jésus-Christ, pour avoir entretenu une relation amoureuse avec Julia, la fille de son geôlier (1). Celle-ci, également emprisonnée, était aveugle (2), et miracle, avait retrouvé la vue (3) dans sa cellule.

Valentin de Terni avait été arrêté et emprisonné à une période où les chrétiens étaient persécutés, car il défendait l’amour et le mariage. Prêtre, il avait exprimé son refus total d’abjurer (4) sa foi, et s'était assigné la mission de marier religieusement les amoureux, contre la volonté de l'empereur romain Claude II le Gothique, qui voulait interdire le mariage afin de garder des hommes disponibles pour aller en guerre.

Déchu de son rang de prêtre, maintenu en prison, puis décapité (5), Valentin de Terni, qui sera sanctifié plus tard, a laissé en héritage le miracle né de l'amour, qui aurait permis à Julia, son amoureuse, de retrouver la vue dans sa cellule.

Selon la légende de Saint-Valentin, des témoins auraient aperçu une vive et forte lumière par la fenêtre de sa cellule, quand Julia recouvra la vue. Elle aurait alors déclaré: "maintenant, je vois! Je vois le monde tel que vous me l'avez décrit!". L'ire (6) de l'empereur, à l'annonce de cette nouvelle, fut telle qu'il décida d’en finir définitivement avec ce prêtre qui propageait l’amour, même en étant en prison.

Exécuté le 14 février 270, cette date est devenue, depuis, le symbole de l'amour, et a remplacé les Lupercales, fêtes païennes célébrées dans la Rome antique du 13 au 15 février, en l’honneur de Pan, dieu de la nature et de la fécondité.

Plusieurs autres récits ont été rapportés concernant Saint-Valentin. Celle du prêtre Valentin de Terni est la plus connue.

Que l'on connaisse ou pas les origines, les offres, plus alléchantes (7) les unes que les autres, se préparent pour inciter les couples à célébrer leur amour le 14 février prochain.

Promotions, ambiances romantiques, offres inratables (8), les formules magiques du marketing seront au rendez-vous pour faire de la Saint-Valentin, cette année encore, la fête des amoureux.

Lamiae Belhaj Soulami, Le 360 du 4 février 2020.

Glossaire:

(1) prison guard
(2) blind
(3) wasn't blind anymore; could see again
(4) to give up, renoncer à
(5) beheaded
(6) anger; "ire" est un synonyme de "colère" mais il est beaucoup moins utilisé, sauf en littérature
(7) attractive
(8) that cannot be missed

Questions :

1. Est-ce que tu avais déjà entendu parler de ces origines de la Saint-Valentin ?
2. Est-ce que c'est une fête que tu aimes bien, que tu célèbres ? Si oui, comment ?
3. Est-ce qu'elle bien connue, et célébrée, dans ton pays ?
4. Comment ton mari et toi pensez-vous célébrer la prochaine Saint-Valentin ? Est-ce que vous allez faire un repas spécial, boire du champagne ?
5. Vas-tu faire un cadeau à ton mari ? Qu'est-ce que tu prévois de lui offrir ? Et lui, penses-tu qu'il va te faire un cadeau ?

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La fin de l'argent liquide

« La crainte d’une transmission du virus via l’argent liquide est largement partagée à travers le monde »
L’économiste Marion Laboure constate que la crainte de la contamination au Covid-19 par les billets de banque et les pièces de monnaie pousse les consommateurs vers les paiements électroniques.

La pandémie de Covid-19 pourrait bien être le catalyseur tant attendu propulsant les paiements vers l’usage généralisé du numérique. De récentes études ont montré que les billets de banque et les cartes bancaires, comme toute autre surface manipulée par un grand nombre de gens, peuvent héberger bactéries et virus. Ainsi, le Covid-19 peut survivre sur une surface inanimée comme le carton, le métal, le verre ou le plastique entre vingt-quatre heures et neuf jours. Les smartphones ne constituent pas pour autant une meilleure option. Les premières études montrent que le virus peut survivre jusqu’à sept jours sur un écran de smartphone. Cependant, alors que les smartphones et les cartes bancaires peuvent être facilement désinfectés, ce n’est pas le cas des billets de banque et des pièces de monnaie.

La crainte d’une transmission du virus via l’argent liquide est largement partagée à travers le monde. Les recherches sur Internet avec les mots-clés « cash virus » montent aujourd’hui en flèche, notamment en France, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, etc.

Face à cette crainte, certaines banques centrales se veulent rassurantes, affirmant que le risque de transmission est faible. Selon la Banque d’Angleterre, le risque n’est pas plus élevé que celui présenté par les surfaces communes comme les rampes, poignées de porte ou les cartes bancaires. La Banque centrale sud-africaine a, quant à elle, dû préciser, face à des tentatives d’escroquerie, qu’elle n’avait pas ordonné le retrait de la circulation des espèces dans la mesure où il n’est pas prouvé qu’elles transmettent le Covid-19.

Des dollars mis en quarantaine

Mais, dans d’autres pays, le cash est considéré comme un vecteur potentiel de la pandémie. Ainsi l’Inde, l’Indonésie, la Géorgie et plusieurs autres pays encouragent fortement les paiements sans contact. La Banque populaire de Chine et les banques centrales de Corée du Sud, de Hongrie et du Koweït, ont désinfecté et détruit des billets de banque pour endiguer la propagation du virus. Craignant d’importer des devises contaminées, la Réserve fédérale américaine (Fed) a mis en quarantaine des dollars provenant d’Asie…

A court terme, le virus pourrait accélérer la tendance vers les paiements numériques. Pour réduire le contact physique et les files d’attente, le plafond du paiement sans contact est ainsi passé de 30 à 50 euros dans plusieurs pays européens. Les résultats sont encourageants : en Allemagne, plus de 50 % des paiements par carte ont été effectués sans contact ces dernières semaines, contre 35 % en décembre. L’impact du Covid-19 sur les systèmes de paiement pourrait se faire sentir d’abord en Asie, compte tenu de l’engouement pour ces modes de paiement. Une des principales explications à cette différence de comportement avec les pays occidentaux est la part plus importante de jeunes dans la population en Asie et leur plus grande disposition à adopter les nouvelles technologies.

Le Covid-19 pourrait changer la donne dans la mesure où les seniors, qui utilisent le plus les paiements en espèces, sont les plus vulnérables à ce virus. Ils pourraient être amenés à opter pour des paiements numériques. Mais un tel changement d’habitude peut prendre beaucoup de temps, notamment dans les pays aux populations vieillissantes et où le cash prévaut largement, comme l’Allemagne et les États-Unis.

La numérisation des paiements en Europe pourrait avoir un impact économique non négligeable car il n’y a à ce jour aucune entreprise européenne leader des paiements numériques. L’engouement des Européens pour les paiements numériques pourrait être une aubaine pour les entreprises américaines de paiement en ligne.

Enfin, les portefeuilles électroniques sur smartphone devraient constituer en 2025 la deuxième méthode de paiement préférée après la carte bancaire, et elle pourrait devenir la méthode de paiement préférée des jeunes. A plus long terme, les craintes sur la manipulation du cash pousseront les banques centrales à développer des monnaies numériques de banque centrale (MNBC). Aujourd’hui, 80 % d’entre elles travaillent sur le sujet. Des pays représentant un cinquième de la population mondiale sont susceptibles de proposer leur monnaie numérique dans les trois prochaines années.

Marion Laboure, économiste à Deutsche Bank et professeure d’économie à Harvard.
Le Monde du 5 juin 2020

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

En Italie, les lettres d'amour ont leur musée

Dans les Abruzzes, un musée célèbre les lettres d’amour. Il a été ouvert en 2011 par deux amoureux nostalgiques de ces temps pas si anciens où l’on prenait la plume pour déclarer sa flamme. 

Les lettres d’amour passent de mode : les mots doux se fanent, cédant la place aux messages instantanés façon WhatsApp. On ne les tape même pas : on laisse un émoji, tout au plus un message vocal. Et, dans les stories Instagram, nulle trace de mot tendre ou de formule de courtoisie. On attendrait en vain que les jeunes d’aujourd’hui et leurs parents prennent la peine d’attraper une feuille de papier et un stylo-plume pour se courtiser ou entretenir la flamme sur le papier.

Pourtant, certains se battent pour perpétuer cet art moribond si précieux et si humain. Dans les Abruzzes, plus précisément à Torrevecchia Teatina, dans la province de Chieti, se trouve l’unique musée au monde consacré aux lettres d’amour. Niché dans un bâtiment du XVIIIe siècle, le palais Valignani, le musée a été inauguré voilà dix ans. Chaque année, des milliers de touristes viennent le visiter grâce au bouche-à-oreille des amoureux. Tous s’attardent devant les quelque 20 000 lettres exposées remontant à diverses époques et provenant des quatre coins de la planète.

Incandescence et émotion

Collections et raretés se succèdent : courriers historiques de la Première Guerre mondiale ou des années 1920 et 1930, échanges poétiques et incandescents entre des amants anonymes sous le fascisme… Une salle est consacrée aux immigrés : des témoignages d’affection exprimés dans un italien basique et approximatif, mais profonds, denses et émouvants. Cela va de nos émigrés partis en Argentine voilà cent ans à la récente fuite des cerveaux de la génération Erasmus : et, naturellement, la langue évolue.

Dans la salle du milieu, la plus vaste, sont réunies un nombre incalculable de lettres d’amour : elles descendent du plafond en cascade, à hauteur du visage des visiteurs. C’est comme si elles volaient : elles ondoient, flottent, oscillent à peine, mais poursuivent leur voyage d’un continent de l’âme à l’autre. À quoi s’ajoutent les legs d’écrivains, comme les pensées tendres d’Ugo Riccarelli [poète et écrivain, 1954-2013]. Et, parmi les témoignages les plus intéressants, les lettres offertes spontanément par l’homme de la rue. Certaines, noircies à l’encre de l’espérance, ont été écrites derrière les barreaux : le cœur ne connaît ni prison ni raison.

Une tradition compromise par le train et Internet

“Pourquoi avons-nous créé ce musée ? Parce que, par les temps qui courent, on n’écrit plus de lettres d’amour, ce qui est dû à l’abolition des distances. Autrefois, quand on vivait à 500 kilomètres l’un de l’autre, il était impossible de se rejoindre physiquement, en tout cas rapidement. Aujourd’hui, c’est parfois l’affaire d’une heure : on grimpe dans un avion ou un TGV”, confie Massimo Pamio, poète, auteur et directeur artistique du musée. Il poursuit : Nul besoin d’écrire certaines lettres, puisqu’on arrivera avant elles. C’est comme ça qu’ont disparu le plaisir et le frisson de l’attente. Avec ce musée, nous avons voulu préserver une tradition du passé qui peut servir à critiquer le présent.”

Un musée-écrin pour les mots doux

La création même de ce musée a été un acte d’amour. Sa genèse remonte milieu des années 1990. Massimo Pamio se trouve dans le train touristique du Vésuve avec quelques amis, en route vers Pompéi. À un arrêt, une jeune fille monte à bord avec une minijupe à couper le souffle et une longue crinière rousse. Il s’assoit à côté, engage la conversation, lui explique qu’il est en train de monter une exposition à Naples. Les deux commencent à s’écrire assidûment, au départ en toute amitié. Ils se revoient, se fréquentent et perpétuent cette habitude qui, entre-temps, s’est muée en correspondance amoureuse intensive. La jeune fille se nomme Giuseppina Verdoliva (pour tout le monde, c’est “Pina”), et une idée grisante germe tout à coup dans leur esprit : “Pourquoi est-ce qu’on n’organiserait pas un concours international de lettres d’amour ?” Un genre littéraire relégué alors aux greniers. Tous deux se fiancent, se marient, et lancent en 2000 le festival qu’ils avaient imaginé, et qui fête cette année sa 20e édition.

“Ce sont généralement les femmes qui écrivent le plus, de 25 à 60 ans”, poursuit Massimo Pamio. “Il arrive que ces lettres traitent de l’amour au sens large : on s’adresse à un fils disparu, à un proche invalide, à un objet fétiche. Dès la première édition, nous avons reçu la bagatelle de 1 200 lettres, souvent de l’étranger. Année après année, n’ayant pas d’autres locaux à notre disposition, nous avons entassé toutes les lettres des participants chez nous”, confient Massimo et Pina : Notre appartement de Chieti était plein à craquer : des enveloppes et des feuilles volantes partout, dans la salle de bains, dans la chambre à coucher… L’année du tremblement de terre de l’Aquila en 2009, pendant cette secousse interminable, on a voulu se mettre à l’abri sous le lit. Mais ce n’était pas possible, il n’y avait pas la place, c’était bourré de lettres…”

Cette situation ne pouvait plus durer, le plus élevé des sentiments ne pouvait pas rester cloîtré entre les quatre murs d’une maison. Il était temps d’ouvrir un musée en souvenir de cette époque lente mais glorieuse où l’amour voyageait sous cachet de la poste. Et où tout le monde écrivait des lettres d’amour : l’homme d’État, l’artiste, le scientifique, l’homme de la rue… Un hommage à un rituel expressionniste qui n’est jamais vulgaire et à la liberté d’exprimer ses désirs, quels qu’ils soient. Un rituel binaire et privé, et pourtant connecté au monde intérieur de chaque époque. Même aujourd’hui, où les chansons d’amour ne sont plus celles d’autrefois. Parce que, comme l’écrivait saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens : “L’amour ne passera jamais.”

Maurizio Di Fazio
Courrier International du 22 août 2020
Traduction d'un article paru dans L'Espresso

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

L'art de râler expliqué aux Anglo-Saxons

Pour bien converser avec un Français, mieux vaut savoir se plaindre, constate la BBC. Mais si râler est une habitude largement appréciée en France, savoir précisément à quel moment, face à qui et de quoi il convient de se lamenter est… tout un art.

“Les vendanges sont mauvaises ; les politiques sont des incompétents, et en plus ils sont d’une bêtise crasse.” Un indice presque sûr pour savoir qu’une conversation a lieu en France : c’est qu’à son début quelque chose ne va pas. C’est ce que détaille, sa propre expérience à l’appui, Emily Monaco sur le site de la BBC. Cette Américaine venue en France il y a une dizaine d’années a longtemps été déconcertée d’entendre ses contemporains pester, rouspéter et grogner dans tous les sens, déconcertée par ce qu’elle a vécu comme un “concert de récriminations permanent”. “Mais pourquoi donc les Français sont-ils toujours de si mauvaise humeur ? Quand j’ai enfin eu le courage de poser la question à un ami français, il m’a rétorqué qu’il ne se plaignait pas, mais qu’il râlait.”

Voilà une distinction qui a incité l’Américaine que je suis à découvrir ce qui se cachait derrière le mécontentement français, à commencer par les mots : “On peut ‘se plaindre’, c’est le verbe employé pour les bonnes vieilles protestations, ‘porter plainte’, quand c’est plus officiel. Et il y a ‘râler’, se plaindre juste pour le plaisir.”

Un art délicat

Une finesse lexicale qui suggère l’idée que, oui, râler comme un vrai Français n’est pas donné à tout le monde, et surtout pas au premier étranger venu. Savoir ‘râler’ au bon moment, auprès des bonnes personnes et pour les bonnes raisons est un art délicat.

En voici les grands principes :

1. En France, contrairement aux États-Unis, dire quelque chose de négatif invite l’autre à donner son opinion.

Dans l’Hexagone, écrit Emily Monaco, une plainte est l’un des moyens favoris pour lancer une conversation : “Vous pouvez parler d’un bon restaurant en insistant sur le service qui laisse à désirer, ou bien souligner qu’à cause des fenêtres orientées vers l’est de votre nouvel appartement vous allez devoir acheter des rideaux.” Un comportement contre nature pour les Américains. Ces derniers, explique Anna Polonyi, une auteure franco-hongro-américaine de l’Institut de pensée critique de Paris, risqueraient alors d’être perçus comme des losers. Ce mot, à son tour, n’existe pas en français.

2. En France, une conversation peut être assimilée à un duel

La journaliste canadienne Julie Barlow, coauteure d’Ainsi parlent les Français explique : “Râler est un excellent moyen d’ouvrir les hostilités. Cela permet d’afficher son intelligence et de donner l’impression que l’on fait preuve d’esprit critique, que l’on réfléchit, que l’on n’est pas naïf.”

C’est tout le contraire aux États-Unis, où l’apparente négativité française met mal à l’aise. Ici, le maître mot est : se retenir autant que possible. Et si complainte il doit y avoir, mieux vaut lui adjoindre un “Oh ! mais je vais m’en remettre…” Une marque de l’optimisme anglo-saxon dont le Français, lui, peut se passer allègrement.

3. Nul besoin de conclure une plainte

Rouspéter de manière brute est très français, et bon pour la santé. La BBC cite une étude de 2013, publiée dans la revue Biological Psychiatry, selon laquelle tenter de réguler les émotions négatives pourrait causer un risque accru de maladies cardiovasculaires ; ce constat est étayé par une étude de l’université du Texas de 2011 qui soutient que retenir des émotions négatives rend les gens plus agressifs.

4. La complainte française privilégie les choses extérieures à soi, non la vie personnelle

En 2010, 48 % des Français interrogés dans un sondage indiquaient se plaindre surtout du gouvernement. Les sujets d’ordre personnel figurent bien plus bas sur la liste des problèmes : 23 % disent se plaindre quand une personne contactée ne rappelle pas ; et 12 % seulement se plaignent des problèmes liés à leurs enfants. Conclusion de l’auteure : “Je pense que les Français sont optimistes et confiants quand il s’agit d’eux-mêmes et de leur vie, mais qu’ils ont tendance à être très durs vis-à-vis de leur pays.”

5. En France, on se plaint pour toutes sortes de raisons

Se plaindre ne sert pas forcément à résoudre un problème ou à provoquer un changement, écrit l’auteure : “En France, comme avec la plupart des formules toutes faites – demander à quelqu’un si ça va sans vraiment s’intéresser à la réponse, par exemple –, râler est avant tout un moyen de créer du lien.”

Un moyen qui fonctionne bien, conclut Emily Monaco. Se plaindre, au fond, apporte un sentiment d’authenticité et, plus important encore, révèle une certaine vulnérabilité. “Après des années en France, j’ai enfin pu me lier d’amitié avec les habitants. Je n’aurais jamais cru que je devrais râler autant pour y arriver.”

Courrier international, 20 septembre 2020, traduction d'un article d'Emily Monaco publié par la BBC le 1er septembre.

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Le boulanger, sa muse et le pain au levain

Ma transition d'amateur de pain à boulanger occasionnel a été une longue et joyeuse quête. Quand j'étais petit garçon, ma grand-mère danoise faisait un pain à la farine de blé complet que j'adorais, et quand j'ai été plus âgé, j'ai terriblement regretté de ne pas lui en avoir demandé la recette. J'ai parcouru des livres de boulangerie pour chercher un pain similaire, mais je ne l'ai jamais trouvé ; mon seul recours a été de me lancer dans la tentative infructueuse de découvrir par moi-même le secret de son pain. Malheureusement, après d'innombrables expériences et essais, j'ai seulement failli y parvenir mais je n'ai jamais réussi à produire un pain qui avait exactement le même goût que celui de ma grand-mère. Ces tentatives préliminaires de cuisson du pain ont toutefois marqué le début de de ma passion pour de bons pains croustillants, délicieux et excellents pour la santé.

    L'autre élément formateur de mon apprentissage de la fabrication du pain a été d'avoir eu la chance de vivre en France pendant un bon nombre d'années. Au cours d'un séjour de deux ans à Poitiers, j'ai rencontré puis filmé un artisan boulanger qui réalisait des tours de magie avec de la farine, du sel et de la levure dans un ancien four en briques qui était alimenté par d'énormes bottes de sarments de vignes récupérés après la taille. Mon préféré était son pain aux noix. C'était un pain de seigle léger ponctué d'une généreuse dose de noix.

    Le pain aux noix est très répandu en France, et maintenant pour moi chaque voyage dans l'hexagone implique la recherche d'une boulangerie qui propose un authentique pain aux noix et, mieux encore, un pain qui comprend aussi des raisins secs. Malheureusement, le pain aux noix et aux raisins secs est presque inexistant aux États-Unis. J'ai donc dû recourir à l'adaptation de ma pauvre imitation du pain de ma grand-mère en y ajoutant des noix et des raisins secs. Et puis, il y a plusieurs années, j'ai découvert sur YouTube des vidéos sur le pain au levain et sa cuisson dans des cocottes en fonte qui imitaient ces merveilleux fours professionnels qui injectent de la vapeur pendant les premières étapes de la cuisson. Ces nouvelles recettes et techniques se sont avérées être le moment décisif dans ma quête d'un pain aux noix et raisins croustillant et savoureux. Bien que le goût soit très différent de celui de ma grand-mère, les résultats de mes tentatives hebdomadaires et de mes expériences avec différentes farines et ajouts (canneberges, cerises, noix de pécan) ont largement dépassé mes tentatives initiales de cuisson.

    Pour faire votre propre tour de magie avec le levain, vous aurez besoin de quelques éléments de base : un levain-chef, une balance numérique, un thermomètre, des paniers de fermentation (bannetons), de grands bols pour mélanger, un coupe-pâte, une lame de rasoir tranchante, une cocotte en fonte, et vous aurez aussi besoin de beaucoup de patience et de la volonté de faire des expérimentations avec différentes farines et techniques pour manipuler votre pâte. Au cours d'un processus qui dure normalement deux jours, vous mélangerez vos farines, ajouterez l'eau, la laisserez s'autolyser (absorption complète de l'eau), ajouterez le levain que vous aurez préparé la veille, puis le sel, et pendant ce que l'on appelle la fermentation en masse, vous effectuerez une série d'opérations d'étirement et de pliage pour faciliter le développement de la structure du gluten. Ensuite, il y a l'opération critique de mise en forme en deux fois des pains puis de la fermentation pendant la nuit dans des bannetons placées dans le réfrigérateur. Le véritable test de toute l'opération a lieu le lendemain matin lorsque, après que le pain, placé dans une marmite en fonte genre Le Creuset, ait été chauffé dans le four pendant 30 minutes, vous soulevez le couvercle et vous découvrez le merveilleux mystère que vous ont réservé tous ces ingrédients sous la forme d'un beau pain rond. Après une vingtaine de minutes supplémentaires sans le couvercle, vous pourrez admirer le résultat de vos efforts alors que votre pain refroidit sur une grille de refroidissement. La tentation de couper une tranche et de la goûter tout de suite sera parfois trop forte pour y résister, mais vous devriez plutôt attendre plusieurs heures – ce qui vous donnera d'autant plus de temps pour contempler votre petite création et ressentir le grand plaisir d'avoir accompli quelque chose. Les soucis et les difficultés engendrés par la pandémie disparaîtront, au moins pour un temps. Et la satisfaction de faire cuire votre propre pain délicieux, et l'arôme qui emplit votre maison lorsque ces boules au levain dorées refroidissent, sans parler de leur goût, en vaudront plus que la peine.

    Le confinement imposé par le Covid-19 a incité beaucoup de gens aux États-Unis, mais aussi en France, à commencer à faire leur propre pain, et l'un des effets secondaires non intentionnels a été une pénurie presque immédiate de certains produits dans les magasins. Ce n'était pas seulement le papier toilette qui était difficile à trouver, mais d'autres articles, dont la farine de pain biologique que j'utilisais. Pour moi, le bon côté de la ruée à la farine est que j'ai commencé à chercher d'autres sources sur Internet, et j'ai découvert plusieurs petits moulins qui non seulement cultivent leurs propres céréales biologiques, mais les moulent aussi. Il est sans aucun doute beaucoup plus facile d'utiliser n'importe quelle farine tout usage, mais le goût et la qualité de la farine bio, qui est riche en protéines, valent bien les efforts supplémentaires. Je comprends maintenant parfaitement que certaines des grandes boulangeries de France n'utilisent que de la farine provenant de certaines régions et moulins spécifiques. Un superbe article sur la cuisson du pain à Lyon, paru dans le New Yorker en avril dernier, a souligné cet aspect*.

    À tous ceux de nos lecteurs qui ont peut-être pensé à se lancer dans l'aventure de la cuisson au levain, je ne peux que le recommander vivement. Il faut un peu de temps pour se familiariser avec tout cela, et vous devez absolument vous procurer un équipement et des ustensiles spécialisés et être prêt à essayer de nouvelles choses. Il y a une multitude de vidéos sur YouTube qui sont toujours instructives, certaines plus que d'autres. Bons premiers pas dans l'art de faire du pain ! Vous ne le regretterez pas.

Roger Stevenson, French Accent Magazine No 87, octobre-novembre 2020

___
* www.newyorker.com/magazine/2020/04/13/baking-bread-in-lyon?reload

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

L'effet de Flynn

L'effet de Flynn du nom de son concepteur, a prévalu jusque dans les année 1960. Son principe est que le Quotient Intellectuel (QI) moyen ne cesse d’augmenter dans la population. Or depuis les années 1980, les chercheurs en sciences cognitives semblent partager le constat d’une inversion de l’effet Flynn, et d’une baisse du QI moyen.

La thèse est encore discutée et de nombreuses études sont en cours depuis près de quarante ans sans parvenir à apaiser le débat. Il semble bien que le niveau d’intelligence mesuré par les tests de QI diminue dans les pays les plus développés, et qu’une multitude de facteurs puissent en être la cause.

A cette baisse même contestée du niveau moyen d’intelligence s’ajoute l’appauvrissement du langage. Les études sont nombreuses qui démontrent le rétrécissement du champ lexical et un appauvrissement de la langue. Il ne s’agit pas seulement de la diminution du vocabulaire utilisé, mais aussi des subtilités de la langue qui permettent d’élaborer et de formuler une pensée complexe.

La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps. La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression. Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien.

Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée.

Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions.

Sans mots pour construire un raisonnement la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.

L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots. Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots. Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.

Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté.

Christophe Clavé

Questions :

  1. Ecrivez les nouveaux mots que vous avez découvert dans ce texte.
  2. L’auteur évoque deux constats, quels sont-ils ? (§2)
  3. Citez « deux coups mortels portés à la subtilité d’expression » (§3)
  4. Quelles sont les conséquences de cet « appauvrissement » ? (§3)
  5. Qui a déjà utilisé ce stratagème et pourquoi ? (§4)
  6. Quel message lance l’auteur, C. Clavé ? (§4/5)
  7. Avez-vous le même constat dans votre pays ? Qu’en pensez-vous ?
  8. Quelle importance attachez-vous à un système de mesure tel que le QI dans notre société ? Est-ce qu'il a d'autres valeurs importantes, comme l'intelligence émotionnelle et affective ?

Réponses :

2. La baisse du niveau moyen du QI. L’appauvrissement de la langue
3. Exemple de réponses possibles : La généralisation du tutoiement. La disparition des majuscules
4. C’est plus difficile d’exprimer ses émotions. C’est plus difficile d’élaborer la pensée.
5. Exemple de réponse : les dictateurs. Pourquoi : laisser l’élève répondre librement.
6. « faites parler, lire…..vos étudiants » (§4). « Enseignez et pratiquez… compliquée » (§5)

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Le champagne rosé s'invite à la table

Symbole de la fête et du luxe, les rosés effervescents ont longtemps été cantonnés à l’apéritif et au dessert. Les nouvelles déclinaisons, puissantes et corsées, leur permettent désormais d’accompagner un repas. Et de bien résister à la crise du champagne.

Quelques millions de bouteilles de champagne ont coulé depuis les débuts d’Ariana Grande. Aujourd’hui, le clip de son titre 7 Rings totalise plus de 850 millions de vues sur YouTube et le compte Instagram de la chanteuse-actrice-influenceuse compte 204 millions d’abonnés. Autant dire que ce qu’elle boit est scruté à la loupe. Et imité. En 2013, à 20 ans, sa popularité n’en était qu’à ses débuts. Elle chantait alors Pink Champagne, « on pétille comme une bouteille de champagne rosé, (eh eh) »ode à la fête débridée.

Aujourd’hui, le champagne rosé occupe toujours ses mises en scène. Et, s’il reste un symbole de luxe, de jeunesse et de joie, son image glamour et girly évolue. Désormais, ce sont plutôt les amateurs de belles bouteilles et les chefs de restaurants gastronomiques qui s’en entichent. Le champagne rosé a fini sa mue. De bouteille de luxe à la mode, il s’impose désormais comme un grand vin, capable de rivaliser avec les autres vignobles à table. Et de résister à une crise mondiale du champagne.

Un flacon d’exception à 200 euros

Deux maisons font figure de pionnières du rosé moderne, et leur succès ne se dément pas. La première, Laurent Perrier, a frappé les esprits avec la commercialisation d’une cuvée rosée, en 1968, mais plus encore avec sa première cuvée prestige, la cuvée Alexandra 1982. Pour la première fois, un champagne rosé devenait un flacon d’exception. Il l’est resté : une bouteille de ce type vaut désormais plus de 200 euros.

Une autre maison a réussi à se faire connaître dans les milieux chics grâce au rosé, c’est Billecart-Salmon. « Dans les années 1970, cette couleur était délaissée. Mais Jean Roland-Billecart, Monsieur Jean, y a cru, raconte Mathieu Roland-Billecart, passé par la City avant de rejoindre l’entreprise familiale. Il a persisté dans ce choix durant quinze, vingt ans, avant que les chefs ne commencent à en parler. Ce qui a tout changé, me semble-t-il, c’est d’avoir privilégié la finesse, en créant un rosé d’assemblage plutôt qu’un rosé de saignée. »

Rosé de saignée ou assemblage

Il existe plusieurs façons de créer un champagne rosé. Le rosé de saignée, avec une macération des baies comme un vin rouge, puissant et coloré. Et le rosé d’assemblage, qui n’existe nulle part ailleurs dans le vignoble français. Il consiste à créer d’abord un vin blanc, puis à lui ajouter une petite proportion de vin rouge. Mélanger du blanc et du rouge, c’est interdit ailleurs, mais cela a un avantage incomparable : les producteurs peuvent parfaitement doser l’intensité des arômes de fruits rouges et de la couleur finale.

C’est la voie choisie par Billecart-Salmon, qui obtient ainsi un rosé très pâle, frais, subtil, proche d’un brut classique et juste rehaussé d’une joyeuse note de baies rouges. Et ça marche. Même si la maison ne veut pas donner le pourcentage de rosés dans ses ventes globales, elle assure qu’elle en produit « moins qu’on ne croie. Mais sa réputation lui donne beaucoup d’importance. Et, à nous, une certaine pression, car on se sait attendu sur ce produit ».

Difficile à maîtriser, plus rare, il est, conséquence logique, toujours plus cher que la cuvée de base. Le champagne rosé multiplie les paradoxes. Alors que le vin rosé sans bulles est souvent vu comme un petit vin, assez standardisé, la version effervescente représente le haut de gamme du vignoble, offre une diversité de couleurs et de goûts inouïe. Les chiffres prouvent son succès. Car, bien qu'on ne connaisse pas la quantité de bouteilles produites, sa prospérité se mesure aisément à l'export.

Entre 2000 et 2019, le nombre de bouteilles de champagne rosé expédiées à l’étranger est passé de 3 millions à 15 millions. Soit, au regard du total des champagnes, de 3 % à 10 %, ­ tandis que les flacons millésimés et autres cuvées dites spéciales ont stagné entre 4 % et 5 %. Ce sont surtout les Etats-Unis (où ils représentent plus de 16 % des champagnes expédiés, avec une explosion de 73 % entre 2000 et 2019), le Royaume-Uni et l’Allemagne qui en importent le plus. « Le champagne rosé avait construit sa présence et son image assez tôt pour bénéficier de la vague mondiale du rosé en général, estime Thibaut Le Mailloux, du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC). A l’époque, on disait : “ça va passer.” Plus personne n’affirme cela aujourd’hui, c’est un segment établi. »

Une couleur qui n’allait pas de soi

Pourtant, les débuts ont parfois été difficiles. Question de culture. Cette couleur n’allait pas de soi, par exemple, pour Jean-Claude Fourmon, président de la maison Joseph Perrier, qui a passé la main à son fils Benjamin l’an dernier : « J’ai toujours entendu dire que le champagne était un vin blanc. Et que le rosé était une gageure, une originalité qui ne se justifiait que par les tâtonnements des méthodes de production. Je n’y ai jamais pris goût. »

En effet quand la marquise de Pompadour a fait venir le champagne à la cour, au XVIIIe siècle, le processus de fabrication n’était pas parfaitement maîtrisé, et il n’était pas rare de voir des vins légèrement rosés, couleur œil de perdrix. « La couleur est difficile à stabiliser, elle prime parfois sur la qualité des arômes. Et quand on a le juste fruité, on n’a pas la couleur qu’il faut. C’est très compliqué, constate l’ancien président. J’avais tendance à penser que le fruité du rosé étouffait l’acidité du chardonnay, qui est la base du champagne. Je le jugeais mal. »

Pourtant, chez Joseph Perrier, on en fait depuis longtemps, il représente même 10 % de la production. Mais Jean-Claude Fourmon préférait s’en tenir éloigné : « Il était soigné par les chefs de cave et on le disait bon. Mais, pour la présentation, je laissais parler des gens capables de le décrire mieux que moi. Finalement, c’est drôle : mardi, j’ai fait un déjeuner au champagne rosé et j’ai été agréablement surpris, comme quoi la retraite me fait du bien ! »

Un besoin de versatilité

Chez Bollinger aussi, on s’est fait des cheveux pour le rosé. D’abord lancé dans la prestigieuse gamme de La Grande Année, il est imposant, basé sur des vins rouges puissants et mûrs des parcelles de la maison. Tant par le goût que par le prix, il impressionne. « Pour répondre à une demande grandissante, la maison a créé à partir de 2008 une autre cuvée, le Bollinger rosé, explique le chef de cave adjoint Denis Bunner. La Grande Année rosé, elle, n’a pas bougé depuis vingt ans. » Le nouveau rosé, plus accessible, comble un besoin de versatilité.

Le champagne rosé joue sur tous les tableaux. Rose tendre ou corail intense, abricoté ou saumoné, il est tantôt facile, idéal en apéritif ou avec des boudoirs, tantôt désarçonnant de puissance, à consommer à table pour espérer dompter la bête. « Sa palette s’est élargie récemment et nous ne voulons pas trop l’encadrer, se réjouit-on au CIVC. Il a permis aux producteurs d’exprimer de la créativité, de montrer le caractère innovant de la Champagne. »

La preuve au Gueuleton, à Reims, restaurant-bar à vins et surtout paradis pour les amateurs de viande, où 1 000 références de champagnes et de vins attendent le client. Christophe Lebée gère les lieux avec son épouse Céline. Un champagne rosé accompagnant une de ses viandes maturées sur place ne lui fait pas peur. « Mais ça dépend avec quel rosé », tempère l’homme, qui cite Vincent Métivier ou Étienne Calsac. « Le rosé, il faut l’expliquer, sinon ça peut dérouter. On est là pour ça. Parfois, je fais goûter dans un verre noir, et, en se laissant guider par le goût, on se rend compte que ça fonctionne. »

Accords parfaits avec la cuisine asiatique

Pour ceux qui n’osent pas tester un repas côte de bœuf-champagne rosé, les accords asiatiques sont des bouées plus accessibles. La petite maison familiale des champagnes Colin, à Vertus, parie cette année sur le style vietnamien. On le retrouve ainsi chez Tan Dinh, adresse mythique du 7e arrondissement de Paris, l’un des meilleurs restaurants vietnamiens de la capitale, surtout l’une des plus belles caves à vins de France.

Avec son frère, Robert Vifian a prouvé au monde entier que grands vins et cuisine asiatique s’entendaient à merveille. Il apprécie les deux cuvées rosées du champagne Colin, en particulier l’opulent rosé de saignée. « A priori, explique-t-il, je me méfie, car la perception des tanins est amplifiée par les bulles. Mais, ici, c’est superbe. Les rosés de Romain Colin sentent le pinot noir, c’est ce qu’il faut. » Il a choisi de le marier avec des brochettes de poulet à la cardamome. Et le rosé d’assemblage, avec des chips de crevettes surmontées d’œufs de truite : « C’est un accord de couleur, mais aussi un accord sonore : les bulles pétillent, éclatent, tout comme les œufs de poisson sous la dent, quand ils sont frais. C’est fascinant. »

Exit les desserts

Exit, donc, le dessert aux fruits rouges, qui collait inlassablement aux basques des champagnes rosés, bye-bye le biscuit rose de Reims, autre associé fétiche, le sucré n’est plus de mise. Surtout quand il se débarrasse de son caractère tendre, pour revêtir des atours plus corsés, qui s’accordent avec la saison froide. « L’association avec les desserts est une évidence qui ne m’emballe pas »confirme Paz Levinson, la cheffe sommelière du groupe Anne-Sophie Pic. Elle a récemment proposé ce type de vin avec un plat de langoustines aux cèpes et fruits rouges.

Et tient à rappeler que le champagne rosé vieillit très bien « Il y a de très beaux accords avec les champagnes rosés millésimés, les 2004, notamment, qui ont une touche de maturité extraordinaire. Ils s’entendent avec le veau, sur des accords automnaux, pour avoir la touche de fraîcheur et de la structure. On a des arômes de fleurs séchées, de sous-bois, de fraise des bois et de brioche. Ils sont aussi fascinants avec une entrée de champignons et légumes racinaires. Mais même avec de l’agneau ou du chevreuil : le rosé de saignée de Laurent Perrier a assez de puissance. Ou le rosé de saignée à base de pinot meunier de Laherte Frères. Ce sont de nouvelles facettes, inexplorées il y a dix ans. »

Ces découvertes culinaires rendent ce champagne irrésistible. Même face à la crise. Elle est pourtant violente, l’une des pires qu’ait connues la Champagne. Privées de mariage, de vernissage, d’occasions qui réunissent autour des flûtes, les ventes de ses effervescents ont plongé, jusqu’à – 90 % pendant le confinement, pour se rétablir à la fin de l’année, selon l’évolution des mesures sanitaires, entre – 20 % et – 30 %. Mais le rosé semble surnager. Romain Colin le constate avec surprise : « Mon rosé classique s’est maintenu et les ventes du rosé de saignée ont même augmenté. C’est l’entrée de gamme qui a subi la chute. Finalement, les gens se sont fait plaisir avec moins de champagne mais des cuvées plus prestigieuses. » Mathieu Roland-Billecart partage ce constat. La mode passe, le goût reste.

Ophélie Neiman, Le Monde du 1er décembre 2020

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

Des couples hors du commun

Ce n'est pas pour rien que la France est si souvent décrite comme un pays où l'amour sous ses multiples formes et manifestations constitue l'une des piliers du fondement culturel de l'hexagone. Et la langue française est considérée par beaucoup comme la langue la plus romantique du monde. Sa prononciation douce et mélodieuse évoque la passion et l'amour. À travers les âges, les innombrables exemples d'amours et d'amoureux célèbres ont contribué à la réputation bien méritée de la France, et les XIXe et XXe siècles fournissent à eux seuls plusieurs exemples des fascinantes configurations romantiques d'écrivains et d'artistes célèbres.

On peut dire que Victor Hugo est la plus grande figure littéraire du XIXe siècle. Ses romans, ses pièces de théâtre et ses poèmes ont non seulement défini le mouvement dit romantique en France, mais ses œuvres ont été adorées de ses lecteurs et ses opinions politiques l'ont rendu encore plus attachant pour les Français. Hugo était également un romantique notoire au sens non littéraire du terme. Ses multiples maîtresses et ses liaisons étaient bien connues – sa maîtresse de longue date, Juliette Drouet, sa muse et son scribe, était assise à table aux côtés de la femme de Victor Hugo lors du dîner à Bruxelles où la publication des Misérables a été annoncée. Mais Hugo, vers la fin de sa vie, a eu une liaison amoureuse avec l'une des grandes actrices de théâtre de l'époque : Sarah Bernhardt. Victor Hugo avait 70 ans et Sarah Bernhardt 27 ans, mais ils se sont rencontrés très souvent pendant plusieurs années et ils ont formé un couple vraiment hors du commun. Lors d'une production de la pièce Hernani d'Hugo, Sarah Bernhardt, qui d'autre l'aurait pu, a joué le rôle féminin principal. Après la première, Hugo a envoyé cette note à son amante : "Tu as donné vie à Doña Sol, et cela m'a tellement ému que j'ai versé une larme – juste une. Je l'ai gardée et je l'ai apportée avec beaucoup d'empressement chez le bijoutier Rubinstein, rue de Rivoli. Comme un magicien, il a pris possession de la larme et l'a transformée en diamant, que je joins". Bernhardt a écrit dans son mémoire, Ma double vie, qu'elle a conservé comme un trésor ce diamant en forme de larme.

L'un des couples littéraires les plus célèbres est celui de Paul Verlaine et Arthur Rimbaud. Attirés au début par la poésie, ils se sont rapidement engagés dans une relation publique passionnée, qui s'est avérée désastreuse mais a néanmoins donné naissance à certains des plus beaux et des plus importants poèmes de la fin du XIXe siècle. Arthur Rimbaud, le poète ouvertement gay dont le comportement a choqué même les artistes les plus avant-gardistes de l'époque, est devenu une passion assez fâcheuse pour Verlaine, de dix ans son aîné, qui avait cherché à se faire respecter en tant que poète gay en se mariant. Leur relation a pris fin après la libération de Verlaine de la prison où il avait purgé une peine de deux ans pour avoir tenté de tuer son jeune amant par un coup de pistolet. Paul Verlaine lui-même s'est enfoncé de plus en plus dans l'abîme de l'alcoolisme et Arthur Rimbaud a quitté le continent pour l'Afrique où il est mort à l'âge de 37 ans. Cette brève période de passion et de créativité a inspiré une admiration profonde et durable pour leur poésie et de nombreuses interprétations artistiques et musicales reflétant leur brève vie commune.

Un excellent exemple de créativité artistique née de la relation entre deux personnes atypiques est la liaison entre George Sand et Frédéric Chopin qui a duré neuf ans. Aurora Dudevant a adopté le pseudonyme masculin de George Sand pour éviter toute discrimination à l'égard des femmes. Ses romans et ses pièces de théâtre lui ont apporté un succès et une renommée considérables, mais elle portait des vêtements d'homme, fumait le cigare et exprimait des opinions féministes controversées. Elle a rencontré Chopin lors d'une fête donnée par Franz Liszt à Paris. Au début, Chopin a été rebuté par son apparence, mais George Sand, après un an et demi d'efforts acharnés, a finalement réussi à gagner son cœur et son attachement. Pendant les neuf années qu'ils ont vécues ensemble, chaque été se passait chez elle à Nohant, où elle assumait le rôle de muse, de protectrice et d'infirmière du génie musical atteint de tuberculose, et où Chopin a composé quelques-unes de ses plus belles œuvres musicales. À la suite d'une dispute impliquant les enfants de George Sand, elle a mis fin à leur relation. Chopin, luttant seul contre une maladie inguérissable, est alors très vite devenu un homme brisé ; durant les dernières années de sa vie, il n'a plus composé que quelques rares morceaux de musique.

Le poète, dramaturge et cinéaste Jean Cocteau a connu le succès et la célébrité bien avant de rencontrer Jean Marais. Il avait eu de nombreuses amourettes auparavant, mais aucune de ses relations précédentes n'a eu la même longévité ou le même impact. Jean Marais, acteur en herbe de 24 ans, ayant vu une exposition de certains dessins de Cocteau en 1937, a été si frappé qu'il a contacté Jean Cocteau, qui avait 24 ans de plus que lui. Ils sont rapidement devenus inséparables et peut-être le couple le plus célèbre de Paris. Cocteau, reconnaissant le potentiel de Jean Marais en tant qu'acteur, l'a fait jouer dans certains de ses films les plus connus et les plus importants. Après la libération de Paris à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Jean Marais est apparu dans La Belle et la bête (1946), Les parents terribles (1948) et la version de Cocteau du mythe d'Orphée, Orphée (1949). Leur collaboration artistique et leur inspiration mutuelle sont exemplaires. À la mort de Jean Cocteau en 1963, Jean Marais a déclaré : "Je regrette amèrement de ne pas avoir passé toute ma vie à servir Cocteau au lieu de me préoccuper de ma carrière..."

Simone de Beauvoir, l'icône féministe française, est surtout connue pour sa relation de toute une vie avec Jean-Paul Sartre, à la fois sa compagne dans la vie et collaboratrice littéraire et philosophique. En 1946, lors d'une tournée aux États-Unis avec Sartre, elle a rencontré le romancier américain Nelson Algren à Chicago ; a commencé alors une histoire d'amour qui a duré plus de cinq ans, bien qu'épistolaire la plupart du temps. Ils sont parvenus à se retrouver chaque fois qu'ils le pouvaient et ils ont voyagé ensemble en Amérique latine et au sud-ouest des États-Unis. Sartre lui avait proposé au début de leur relation de se marier, ce qu'elle avait refusé en qualifiant cette idée de ridicule. Beauvoir, cependant, a révélé dans sa longue correspondance avec Algren – elle lui a écrit plus de 300 lettres – qu'elle se considérait comme sa femme, ce qu'elle n'avait jamais dit de Sartre. Algren lui a offert une bague en argent qu'elle portait tout le temps et dans l'une de ses lettres, elle lui a dit "Bonne nuit, mon bien-aimé, mon ami, mon mari et mon amant". Ce n'est pas non plus par hasard qu'elle a écrit son manifeste féministe fondateur, Le Deuxième Sexe, lors de sa liaison avec Algren. Elle avait discuté avec lui de son idée d'écrire sur les femmes et c'est Algren qui l'a encouragée à développer ses pensées pour en faire un livre. Le Deuxième Sexe et L'Homme au bras d'or d'Algren ont tous deux été publiés en 1949. On trouve également des références à peine voilées à Algren dans plusieurs romans de Beauvoir, notamment dans Les Mandarins. Leur relation s'est détériorée au bout de cinq ans lorsque Beauvoir a fait comprendre à Algren qu'elle ne pourrait jamais quitter Sartre. Lorsque Simone de Beauvoir est morte, six ans après le décès de Sartre, elle a été enterrée à ses côtés au cimetière Montparnasse à Paris, la bague en argent d'Algren toujours à son doigt.                                                 

Roger Stevenson, French Accent Magazine Nr 89, February-March 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

Des chansons militantes pour défendre une cause ou dénoncer des injustices

De tous les temps, un grand nombre d'artistes français ont créé des chansons engagées. Ils sont peut-être encore plus nombreux aujourd'hui parmi les jeunes auteurs-compositeurs masculins ou féminins.

Un thème important est la défense des droits des femmes. Certaines chansons sont délibérément provocatrices et choquantes comme Balance ton Quoi, de la chanteuse belge Angèle, contre le harcèlement, en 2019 :

Clip vidéo (paroles en anglais) : https://youtu.be/Hi7Rx3En7-k
Avec paroles en français : https://youtu.be/-xmiE0Bsq0U

D'autres se concentrent sur un aspect des relations entre couples qui est très d'actualité, comme le sentiment de dépendance des femmes envers les hommes. Une de ces chanteuses célèbres est Suzane.

Dans N'insiste pas, en 2020, la chanteuse et humoriste Camille Lellouche encourage les femmes victimes d'un homme à s'en séparer et partir :

N'insiste pas
J'ai plus confiance, j'arrive plus à te pardonner
J'ai trop souffert et ta violence a fini par me briser...
Faut que tu me laisses, qu'un jour tout s'arrête
Fini les promesses qui tournent, tournent dans ma tête.

Clip vidéo : https://youtu.be/ecpZpIzHD_s
Avec paroles : https://youtu.be/1TrJDl3FOMY

Dans le même esprit, le chanteur Soprano, en 2019, a traité du harcèlement dans les réseaux sociaux et à l'école dans Fragile :

Snapchat, Snapchat
Dis-moi qui est la plus belle
Pour elle
Être aimée, c'est d'être likée
Donc elle s'entraîne devant sa glace
À faire un selfie, filtre beauté
Quelques cœurs sur sa photo
Mais surtout des commentaires
Des moqueries, des critiques
Des insultes, des émojis pervers
Toute cette violence gratuite
Devient pour elle insupportable
Donc elle éteint son portable
Et commet l'irréparable.

Clip vidéo : https://youtu.be/zgBEVbDzuu4
Avec paroles : https://youtu.be/igrrBySfpfk

Certains artistes associent dans la même mélodie plusieurs problèmes graves de société : violences contre les femmes, sdf, terrorisme, comme le chanteur rappeur OrelSan dans Tout va bien sorti en 2017 :

Si le monsieur dort dehors, c’est qu’il aime le bruit des voitures
S’il s’amuse à faire le mort, c’est qu’il joue avec les statues
Et si un jour il a disparu, c’est qu’il est devenu millionnaire
C’est qu’il est sûrement sur une île avec un palmier dans sa bière.

Clip vidéo avec paroles en français : https://youtu.be/dq6G2YWoRqA

L'homophobie est un autre thème des chansons militantes. Le chanteur et acteur Eddy de Pretto avait notamment écrit Grave en 1978, une chanson rap au langage assez cru visant à encourager les gays à s'assumer et à ne plus avoir peur.

Clip vidéo : https://youtu.be/kX30U0FmTuo
Avec paroles : https://youtu.be/NC0vuoUr7sw

La violence dans les banlieues est un autre thème récurrent. Le chanteur Calogero s'était inspiré d'une histoire vraie pour écrire en 2014 Un jour au mauvais endroit. Les paroles sont assez faciles à comprendre :

Toi mon frère dis-moi pourquoi
La vie continue sans moi
Dis-moi pourquoi j'étais là
Un jour au mauvais endroit
Les cafés, les cinémas
Je n'y retournerai pas
Ma vie s'est arrêtée là
Un jour au mauvais endroit.

Clip vidéo : https://youtu.be/W0xjW-e4KEg
Avec paroles : https://youtu.be/GBifEggbdhM

La désertion des villages et des campagnes, qui attriste beaucoup de Français, a inspiré en 2018 au jeune Gauvain Sers, découvert par le célèbre chanteur rebelle Renaud, une très poétique chanson Les Oubliés qui raconte la fermeture de la dernière école dans un village :

Devant le portail vert de son école primaire
On le reconnaît tout de suite
Toujours la même dégaine avec son pull en laine
On sait qu'il est instit'
Il pleure la fermeture à la rentrée future
De ses deux dernières classes
Il paraît que le motif c'est le manque d'effectif
Mais on sait bien ce qui se passe
On est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loinde Paris
Le cadet de leurs soucis

Clip vidéo : https://youtu.be/CIfV6TQIhcc
Avec paroles : https://youtu.be/r_PW-HZPIj8

Enfin, l'un des thèmes qui sensibilise beaucoup de chanteurs est celui de l'immigration. Une chanson de Francis Cabrel, African Tour, sortie en 2008 mais toujours d'actualité, est particulièrement belle :

Déjà nos villages s'éloignent
Quelques fantômes m'accompagnent
Il y aura des déserts, des montagnes
À traverser jusqu'à l'Espagne

Et après... Inch'allah...

Est-ce que l'Europe est bien gardée ?
Je n'en sais rien
Est-ce que les douaniers sont armés ?
On verra bien.

Clip vidéo : https://youtu.be/19Cwsn-2bnQ
Paroles : www.paroles.net/francis-cabrel/paroles-african-tour

Tout à fait originale est la version des deux frères Bigflo et Oli sortie en 2018 : Rentrez chez vous. Cette chanson de rap émouvante, accompagnée d'une belle musique, imagine exactement le contraire de la situation actuelle : c'est la guerre en France et les Français doivent fuir vers l'Afrique du Nord. Là, ils sont aussi mal accueillis que les migrants en France :

Les bruits des wagons bondésme rendent insomniaque
Certains ont mis toute leur maison au fond d'un petit sac
Le train s'arrête et redémarre, me donne des haut-le-cœur
On a fait en deux jours ce qu'on faisait en six heures
Je dois rejoindre la famille au port de Marseille
Mais j'ai pris du retard, je crois bien qu'ils vont partir sans moi.
Quel cauchemar...

Clip vidéo : https://youtu.be/gm328Z0JKjA
Avec paroles : https://youtu.be/FfW46nau9gg

Vincent Anthonioz et Annick Stevenson, French Accent Nr 90, Avril-mai 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Des mélodies pour sauver la planète

La défense de l'environnement est depuis longtemps un thème qui motive les chanteurs, comme :

Maxime Le Forestier avec Comme un arbre dans la ville en 1972 :
Clip vidéo avec paroles : https://youtu.be/lnhS52e7ty0

– Le groupe de rock Mickey 3D avec Respire en 2003 :
Clip vidéo : https://youtu.be/Iwb6u1Jo1Mc
Avec paroles : https://youtu.be/gvn9uXqMbYk

– Le groupe folk québécois Les Cowboy fringants avec Plus rien en 2004 :
Clip vidéo (paroles en anglais) : https://youtu.be/Uppaj468a2U
Avec paroles en français : https://youtu.be/WygtbPEtVWQ

Yannick Noah avec Aux Arbres Citoyens en 2007 :
Clip vidéo : https://youtu.be/U8DD1c24bwk
Avec paroles : https://youtu.be/8cupwT-FxKE

Depuis deux ans, ils sont beaucoup plus nombreux à aborder ce thème. La chanson qu'on entend le plus en France en ce moment, La Fièvre, est de Julien Doré. Elle est sortie en 2020 et très chouette avec un clip vidéo original :

Je crois que la Terre est ronde mais je préfère comploter
On peut pas changer les ombres, on peut juste les éclairer
Jusqu'à ce que le soleil tombe, lassé de nous réchauffer
Et dans nos envies de plages, d'UV A et d'UV B
J'en vois quelques-uns qui nagent vers ce qu'on a déjà coulé.

Clip vidéo : https://youtu.be/FQ0zh3Dw8o4
Avec paroles : https://youtu.be/BstwJMXKHyM

Ci-dessous, une très jolie chanson de Gauvain Sers, Y'a plus de saisons, écrite en 2019. Nous la reproduisons en entier elle est assez facile à comprendre, et peut inciter à de bonnes discussions :

C'est vrai qu'il fait un temps superbe
Pour un dimanche de février
Y'a ceux qui bronzent déjà sur l'herbe
Et ceux qui s'inquiètent des degrés

Les éléments sont en colère

Et les décideurs font la loi
Quand un expert montre la terre
L'industriel regarde le doigt

Et quand il rentre à la maison
Il dit : "Franchement, y'a plus de saisons"
Pendant que des mecs en costards
Nous garantissent que tout va bien
On se demande s'il est trop tard
Et ce qu'on peut faire au quotidien

Tous ensemble sur le même bateau
Les femmes et les enfants d'abord
Y'a qu'à regarder les infos
Les drames, les ouragans dehors

Les incendies sont en option

Non mais franchement, y'a plus de saisons

Refrain :
Y'a plus de saisons
Y'a plus de saisons
C'est ma grand-mère qui avait raison
Y'a plus de saisons
Y'a plus de saisons
Le ciel est noir à l'horizon

On se dit que l'homme est capable
Autant du meilleur que du pire
Et toutes ces images nous accablent
Quand un autre continent transpire

On a construit des grands musées

Des cathédrales et des jocondes
On va quand même pas préserver
La beauté naturelle du monde

Y'a pas urgence de toute façon

Les océans vous le diront

(Refrain)

On regarde nos
mômes jouer aux billes
Dans les
caniveaux de la planète
On s'inquiète du soleil qui brille
Comme une épée au-dessus de leur tête

Qu'est-ce qu'il en sera dans cent ans ?

Est-ce que la Terre pourra tourner
Quand leurs automnes seront nos printemps
Quand leurs hivers seront nos étés ?

Et aux futures générations
Est-ce qu'on va demander pardon ?

(Refrain x 2)

Clip vidéo : https://youtu.be/H_t1wf1ig9o

Suzane, souvent appelée "chanteuse écolo", a écrit en 2018 Il est où le SAV?, une chanson puissante sur le réchauffement climatique, la pollution et les déchets :

Ça se réchauffe, ça se réchauffe, ça se réchauffe
La planète a la tête en surchauffe...

On a cassé la planète, il est où le SAV ?
On a cassé la planète et ça tout le monde savait.

Clip vidéo avec paroles : https://youtu.be/Vn2GjrsyE8U

Également sur le thème du réchauffement climatique, le chanteur de reggae Tiken Jah Fakoly, né en Côte d'Ivoire, a lancé en 2018 Le monde est chaud, qu'il chante avec Soprano :

Clip vidéo : https://youtu.be/RWWWHjMD3Ok
Paroles : www.paroles.net/tiken-jah-fakoly/paroles-le-monde-est-chaud


Vincent Anthonioz et Annick Stevenson, French Accent Nr 90, Avril-mai 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Des chants d'amour pour la famille

Il est bien connu que les Français sont de grands romantiques. Les chansons d'amour que nous avons citées dans le numéro 89 de French Accent, en février-mars 2021, en sont quelques exemples. Il est moins connu que beaucoup de chanteurs, très attachés à des membres de leur famille, leur consacrent souvent des mélodies en hommage. Certaines sont très émouvantes. Nous vous conseillons de les écouter et de lire les paroles. Mais préparez vos mouchoirs !

Hommage aux parents

Une chanson particulièrement touchante est Papa de Bigflo et Oli. Elle raconte une histoire vraie, filmée et reprise dans le clip vidéo : la surprise que les deux frères ont fait à leur père de l'emmener en Argentine, son pays d'origine :

Mon père c'est mon boss, mon roi, mon héros
Moi, je suis son gosse, son minot, su hijo...

Clip vidéo : https://youtu.be/dMIPaab43Hw
Avec paroles : https://youtu.be/5R8F9MUg8b0

Grande émotion aussi quand on écoute Mon vieuxde Daniel Guichard. Une chanson assez ancienne mais très connue :

Direque j’ai passé des années
À côté de lui sans le regarder
On a à peine ouvert les yeux
Nous deux.

J’aurais pu
c’était pas malin
Faire avec lui un bout de chemin
Ça l’aurait peut-être rendu heureux
Mon vieux.

Clip vidéo avec paroles : https://youtu.be/x8l43czQAy4
 

Une belle chanson d'amour pour sa mère est Les yeux de la mama de Kendji Girac, chanteur très populaire en ce moment, dans son album Ensemble sorti en 2015 :

Quand j'ai froid elle se fait lumière
Comme un soleil dans l'existence
Quand j'ai malelle se fait prière
Elle me dit tout dans un silence
Quand je souffre, elle souffre avec moi
Quand je ris, elle rit aux éclats
Mes chansons sont souvent pour elle
Elle sera toujours ma merveille.

Clip vidéo : https://youtu.be/YgP2whwA2Wg
Avec paroles : https://youtu.be/aQU6poDPbTk

Louane, qui est elle aussi très populaire auprès des Français, appelle sa mère à l'aide dans Maman :

J'suis pas bien dans ma tête, maman.
J’ai perdu le
goût de la fête, maman.
Regarde comme ta fille est faite, maman.

Clip vidéo : https://youtu.be/oC_ffV--tcE
Avec paroles : https://youtu.be/OmAvEKptfRE

C'est un autre membre de la famille très proche que le leader de Mickey 3D honore dans Ma grand-mère :

Ma grand-mère a quelque chose, que les autres femmes n'ont pas
Ma grand-mère est une rose, d'un rose qui n'existe pas.

Clip vidéo : https://youtu.be/0zNwI7Y5WpM
Paroleswww.paroles.net/mickey-3d/paroles-ma-grand-mere

Dans Beau-papa, Vianney rend hommage au beau-père, qui n'est donc pas un membre de la famille directe, mais pour lequel on éprouve un amour tout aussi grand :

Y'a pas que les gènes qui font les familles
Des humains qui s'aiment suffisent.

Clip vidéo : https://youtu.be/8yOuNrT0dOw
Avec paroles : https://youtu.be/w_nGlOHzDNk

Des chansons sur les enfants

Dans une très courte chanson, Qu'elle soit-elle, Jean-Jacques Goldman parle de sa fille, Ophélie, en disant qu'il ne faut pas vouloir à tout prix que les enfants nous ressemblent :

Clip vidéo : https://youtu.be/5zxD9KoLVFg
Paroles : www.paroles.net/jean-jacques-goldman/paroles-qu-elle-soit-elle

Quand Pascal Obispo a eu un enfant, il s'est interrogé sur sa nouvelle condition de père dans Millésime :

Je ne sais pas de quoi
Notre histoire sera faite
Mais je me sens porté
Un jour est une fête
Quelques notes légères
Les regards qui caressent
Et je gagne en amour comme on gagne en noblesse
C'est ça être père...

Clip vidéo : https://youtu.be/2WPeXtgjg2E
Paroles : www.paroles.net/pascal-obispo/paroles-millesime

Devenir père est aussi ce qui a inspiré La bienvenue à Calogero :

Et te voilà en face de moi
Ça fait des mois que j'attends ça
Voir ce regard indispensable
Qui me connaît
Qui m'aime quand même

Mon amour, bienvenue

Clip vidéo : https://youtu.be/6U7UVVb2Ktw
Paroles : www.paroles.net/calogero/paroles-la-bienvenue

C'est le même thème qui se retrouve dans Ma lumière du franco-israélien Amir :

Il est déjà l’heure d’éteindre la lumière
Mais je ne peux défaire mon regard de toi

T’es si petit mais je tiens entre tes doigts...

Clip vidéo : https://youtu.be/VMPyLr_wMP0
Avec paroles : https://youtu.be/a-QuhfQDgg8

Renaud, chanteur engagé et militant a consacré plusieurs chansons très tendres à sa famille. Il avait commencé par écrire une chanson sur sa femme quand elle était enceinte : En cloque :

Clip vidéo avec paroles : https://youtu.be/B6iJ5UzX5yU

Il a aussi écrit plusieurs mélodies sur sa fille, ainsi qu'à son fils qu'il a eu plus tard dans sa vie, Malone :

Nous t'apprendrons mon ange
À lutter chaque jour
Pour que ce monde change
Pour un peu plus d'amour.

Clip vidéo : https://youtu.be/x4bMZCAqZbU
Paroles : www.paroles.net/renaud/paroles-malone

Vincent Anthonioz et Annick Stevenson, French Accent Nr 90, Avril-mai 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Quatre idées reçues sur le vin rosé

Origine, couleur, garde, prix… En quelques années, le petit vin de l’été a bien changé. Et bousculé pas mal d’idées préconçues.

1. Il vient de Provence

Pas seulement. Il est exact que la Provence est le premier producteur de vins rosés d’appellation d’origine contrôlée (AOC) : 38 % d’entre eux sont étiquetés côtes-de-provence, coteaux-d’aix-en-provence ou coteaux-varois-en-provence. Mais si l’on considère les vins rosés français en général, qu’ils soient AOC, avec une indication géographique protégée (IGP) ou Vin de France, c’est le Languedoc qui en est le premier producteur avec, en 2017, 2,6 millions d’hectolitres vinifiés. Sur un total de 5,5 millions sur l’ensemble du vignoble français. Les principales régions de production du rosé sont ainsi l’Occitanie (à elle seule, l’IGP pays-d’oc rassemblait 23 % du volume national en 2016), la Provence (19 % du volume national), le Val de Loire et la vallée du Rhône.

Il faut par ailleurs noter que, si la France reste le premier producteur de rosé dans le monde (34 % de la production mondiale en 2019), l’Espagne n’est pas en reste (23 % des rosés sur la planète) et les Etats-Unis non plus (17 % ). L’Italie a en revanche lâché la rampe : de 19 % en 2009, elle ne représente plus que 10 % de la production aujourd’hui. En revanche, la couleur est de plus en plus présente dans les chais d’Afrique du Sud, du Chili et d’Australie.

2. Il est meilleur s’il est clair

Disons plutôt que les Français le préfèrent clair. FranceAgriMer et le Comité interprofessionnel des vins de Provence ont dessiné en 2018 une série de camemberts pour classer les rosés consommés dans divers pays selon leur robe. En France, c’est net, 30 % d’entre eux sont très clairs, 15 % seulement sont très foncés. Mais en Italie et en Espagne, le résultat est à l’opposé : respectivement 13 % et 11 % de rosés débouchés sont très clairs, contre 46 % et 50 % de bouteilles à la teinte très sombre.

D’où vient une telle différence ? Des variétés de raisins et des terroirs, d’abord. Les cépages clairs, comme la clairette rose, le grenache gris, le pinot noir font des rosés pâles quand la syrah, le carignan ou le merlot transmettent rapidement leur couleur. Le grenache noir donne des rosés à teinte orangée, tandis que le cinsault délivre une couleur plus jaune. Egalement, plus une variété est acide et plus sa couleur est vive, à dominante rose franc. Enfin, les conditions météorologiques engendrent des modifications. Plus l’année est sèche et chaude, plus les raisins et les vins sont colorés.

Toutefois, il y a aussi une dimension de triche, lors de la vinification. Le collage et le sulfitage permettent d’ôter de la matière colorante. Un collage au charbon œnologique, par exemple, permet d’alléger la teinte du vin. Dit comme ça, c’est moins glamour.

3. Il se boit dans l’année

Il y a certes des marques de rosé qui envoient leur vin à la distillerie dès qu’il a plus d’un an. La grande distribution contribue à ce mouvement : les vins de la vendange de septembre 2020 sont commandés à partir du mois de décembre de la même année, avant même qu’ils ne soient mis en bouteilles, pour être livrés en février. Les invendus commencent à disparaître avant que 2022 ne voie le jour.

Il existe une logique à cela : la plupart des rosés sont vinifiés avec beaucoup de délicatesse pour obtenir ce caractère très léger qui semble plaire. Les œnologues mettent le paquet sur les arômes fruités, délaissant la structure du vin, qui pourrait lui donner du muscle, mais aussi de la longévité. Résultat, quand les arômes fruités disparaissent (évolution normale avec le temps), il n’y a… eh bien, il n’y a plus rien, justement.

Pourtant, les bandols ou les tavels rosés peuvent vieillir dix ans ! D’où cet exemple éclairant : le 19 mars 2021 est née l’Association internationale des rosés de terroirs, avec des vignerons de toute la France (mais principalement de Tavel, Bandol, Faugères, Les Riceys) pour valoriser les rosés de caractère, exprimant leur terroir. Parmi les conditions d’admission, le rosé doit avoir un an minimum ! On en revient à une règle simple : pour savoir si un rosé est vraiment bon, il faut le goûter après un an ou deux.

4. Il n’est pas cher

C’était vrai à une époque, ça l’est de moins en moins. La France est la championne du rosé premium (entendez par là que c’est elle qui les vend le plus cher). Selon l’Observatoire mondial du rosé, dans son rapport de mai dernier, le prix moyen par bouteille est de 3,75 euros et il a progressé de 55 % en cinq ans. Mais si vous voulez vous décrocher la mâchoire, il faut regarder les chiffres des douanes publiés par l’interprofession des vins de Provence : entre 2010 et 2020, le montant des ventes de rosé provençal à l’export a augmenté de 963 %. Une hausse qui s’explique par l’augmentation des volumes exportés mais aussi par la hausse des prix.

D’ailleurs, il suffit de deux bouteilles pour comprendre cette révolution : il y a encore trois ans, on considérait la cuvée « Garrus » du Château d’Esclans, dans le Var, comme le rosé le plus cher au monde, à 90 euros les 75 cl. Et puis, en 2019, Gérard Bertrand a lancé son « Clos du temple ». Un rosé du Languedoc… à 190 euros le flacon. Une volonté de montrer que le rosé, aussi, peut tutoyer les grands blancs et les grands rouges. Bref, être un vin tout à fait comme les autres, avec les mêmes folies.

Ophélie Neiman, Le Monde du 13 juin 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Je suis devenue végétarienne

Noémie Malaize : « Je suis devenue végétarienne, j’adore les légumes, et l’un de mes repas favoris, c’est le pique-nique »

La fondatrice d’« Îlots » publie le troisième numéro de ce magazine militant sur l’alimentation. Cette graphiste et illustratrice a passé une partie de son enfance dans les îles, d’abord en Polynésie, puis aux Antilles.

 « Je n’ai jamais vécu plus de trois ans au même endroit. Je suis née à Caen, en Normandie, et nous avons aussitôt déménagé sur la côte, puis du Limousin à la Polynésie française, de la Touraine à la Martinique. Mon père est médecin hospitalier, ma mère infirmière, et tous les deux ont toujours aimé bouger et changer régulièrement de décor.

La Polynésie fut un magnifique bouleversement dans ma vie. Je venais d’entrer en 6e à Amboise, nous sommes partis en milieu d’année, pour atterrir sur une petite île du Pacifique nommée Raiatea, d’un peu plus de 12 000 habitants. C’était le paradis pendant deux ans.

L’un de mes meilleurs souvenirs, c’est la tradition polynésienne des ma’a Tahiti, sortes de grands festins rassemblant les familles sur des petites îles du lagon, que l’on surnomme les “motus”. Chacun apporte un plat, et l’on partage tous les mets ensemble. C’était magique.

Cela a été très différent pour la Martinique : après deux ans en Touraine, on m’a annoncé que j’allais faire ma seconde aux Antilles. C’était dur de perdre (à nouveau) mes amis et moins facile de s’intégrer là-bas à cet âge, mais j’y ai là aussi découvert une palette nouvelle de goûts, de couleurs, d’épices, de spécialités. Un an plus tard, nous étions revenus à Caen.
J’ai tant bougé dans mon enfance qu’aujourd’hui je ressens un besoin fort de m’ancrer, d’appartenir à un lieu, à une région. Quand on me demande d’où je viens, je réponds “Normandie”, car c’est un territoire dont je me sens proche, même si je n’y ai pas vécu très longtemps. Il me faut être en terrain connu, balisé, sans doute parce que j’ai si souvent été projetée dans l’inconnu.

J’ai fait des études de design graphique à Paris, à Angers, puis à Bristol, où mon compagnon faisait un programme Erasmus. J’ai axé mon diplôme de fin d’études sur les parcs nationaux, ce qui était un excellent prétexte pour se balader. Car nous avons tous les deux une passion pour la randonnée et la nature.

Préparer des salades sur le pouce

Je suis devenue graphiste militante après une expérience en creux pour un studio qui faisait des publicités et qui m’a convaincue que je ne voulais surtout pas faire ça, mais plutôt travailler selon des valeurs engagées, notamment dans le domaine de l’alimentation.

Côté cuisine, ma mère se débrouille très bien, même si, quand nous étions petits, elle n’hésitait pas à recourir aux surgelés et à “M. Eismann”, qui nous livrait des plats toutes les semaines. J’ai récemment rassemblé une petite collection de recettes familiales (soufflé au fromage, gougères sauce madère, flan antillais), mais je me suis aperçue que je ne les reproduisais pas. Je suis devenue végétarienne, j’adore les légumes, et l’un de mes repas favoris, c’est le pique-nique.

Deux à trois fois par an, mon compagnon et moi partons bivouaquer et remplissons le coffre de notre petite voiture de ce qu’il faut pour préparer des salades sur le pouce : légumes de saison, vinaigrette maison, condiments savoureux. La “salade balade” se fait à l’Opinel, directement dans le bol, en fonction de ce qu’on a sous la main, et devant un beau paysage. C’est comme cela qu’elle est bonne. »

Camille Labro, Le Monde du 4 juin 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Les pois chiches, une alternative aux protéines animales

Clotilde Bato : « Les pois chiches, c’est l’une des meilleures alternatives aux protéines animales »

A la tête de deux associations, « SOL », qui défend les petits paysans à travers la planète, et « Notre affaire à tous », qui réclame une justice climatique, Clotilde Bato milite en faveur d’une agriculture saine.

 « Je suis toulousaine de naissance et indienne de cœur. Mes parents étaient des militants altermondialistes, et, grâce au travail de mon père pour l’ONG Frères des hommes, nous avons beaucoup voyagé dans notre enfance. Dès l’âge de 4 ans, mon frère et moi étions dans les manifestations antinucléaires, puis, quelques années plus tard, nos parents nous emmenaient dans les Andes ou au fin fond de la forêt amazonienne.

Le pays qui m’a le plus marquée, c’est l’Inde, où je suis allée pour la première fois à 7 ans, durant trois mois. C’était une aventure incroyable, nous allions de village en village et découvrions l’Inde pendant que mon père travaillait. A 10 ans, j’ai commencé à faire du chant lyrique, et je suis entrée au conservatoire professionnel à 17 ans.

Mais j’y étais malheureuse : le chant, c’est comme du sport de haut niveau, il faut travailler énormément, apprendre l’italien et l’allemand, oublier sorties, ciné, amis… C’était une vie très contraignante, compétitive et solitaire. J’ai fait un burn-out, et j’ai compris que je voulais trouver un métier qui ait un rapport aux autres, qui soit dans le partage.

J’ai abandonné le chant, pour préparer un diplôme de relations internationales spécialisé dans l’Asie du Sud. Mais, lorsque je suis allée tester le métier en ambassade, à New Delhi, je me suis rendu compte que c’était un milieu très franco-français, et que je me serais encore retrouvée seule dans la vie d’expatriée. A 21 ans, j’ai demandé à mon père si je pouvais découvrir l’un de ses projets.

J’ai trouvé ma vocation au contact des paysans dans les villages indiens. En 2007, j’ai aidé à l’organisation d’une grande marche des paysans sans terre, et, peu après, j’intégrais SOL, une ONG française qui accompagne et soutient les petits paysans, notamment en Inde, en Afrique de l’Ouest et en France. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Vandana Shiva, figure indienne de la lutte écologique contre l’accaparement des terres et des semences.

En 2010, son association, Navdanya, s’opposait, au nom de la souveraineté alimentaire, à l’implantation en Inde de la première aubergine OGM, créée par Monsanto. Nous les avons rejoints dans ce combat et avons commencé à travailler avec eux sur divers projets pour défendre les paysans et leurs libertés.

Souveraineté alimentaire

Les beignets d’aubergine à la farine de pois chiche représentent à la fois mes valeurs et mes combats. Ils font appel à mes origines méditerranéennes, mais aussi à la savoureuse cuisine indienne que j’ai mangée toute mon enfance. En Inde, il existe plus de 4 500 variétés d’aubergines : blanches, roses, vertes, striées, rondes ou allongées… C’est pour moi un symbole de biodiversité et de l’importance qu’il y a à protéger cette biodiversité jusque dans nos assiettes.

Quant aux pois chiches, autre pilier de la cuisine indienne, c’est l’une des meilleures alternatives aux protéines animales, une légumineuse qui symbolise la souveraineté alimentaire et la lutte contre le changement climatique (puisqu’elle permet de se passer du soja, au bilan carbone élevé). Ces beignets sont aussi délicieux que symboliques. »

Camille Labro, Le Monde du 11 juin 2021

Retour
haut de page

Quelques découvertes techniques

Les inventions :  un reflet de la créativité française

Il est bien connu que le camembert, la guillotine, le bikini et le champagne sont des créations françaises. On sait beaucoup moins que des inventions qui ont changé notre façon de vivre depuis le début de l'ère moderne ont d'abord été découvertes en France, avant d'être considérablement améliorées à l'étranger, aux États-Unis principalement, comme l'avion, la photographie, la calculatrice, le cinéma...

Quelques découvertes techniques

Parmi les machines expérimentales de Denis Papin, les plus connues sont la première tentative de bateau à vapeur, et surtout la cocotte-minute, le premier autocuiseur qu'il avait appelé du nom pas très flatteur de  "digesteur"...

Plus remarquable a été en 1770 l'arrivée de la première automobile, ou "fardier", un engin lourd et primitif inventé par Joseph Cugnot. Bien plus élégante était la montgolfière : l'aérostat inventé par Joseph et Etienne de Montgolfier, qui s'est élevé dans le ciel en 1783 devant le roi Louis XVI à Versailles.

La même année, Louis-Sébastien Lenormand a eu la très bonne idée d'inventer le parachute. C'était juste huit ans avant la guillotine...

Très appréciés ont été le métier à tisser de Joseph Marie Jacquard (1801), le piano à pédale de Sébastien Érard (1810), et la machine à coudre de Barthélemy Thimonnier (1830), vite reprise et perfectionnée par Singer en 1851.

À la même époque, Marc Seguin lançait deux inventions majeures : le pont suspendu à câbles et la locomotive à vapeur.

Autres découvertes des années 1800 imitées et très améliorées plus tard : la photographie par Nicéphore Niepce (1825), le vélocipède à pédales suivi de la bicyclette à chaîne et du dérailleur pour vélo. Ont suivi le sous-marin, la moto, et plus tard la mobylette, et la première voiture électrique, de Gustave Trouvé. Non, elle ne ressemblait pas à une Tesla.

L'invention certainement la plus utilisée dans le monde entier est le pneumatique à chambre à air créé en 1891 par Edouard Michelin.

En 1895, les frères Auguste et Louis Lumière ont montré les premières images de leur cinématographe. Les Français sont très fiers que le cinéma ait été inventé dans leur pays...

En informatique, les Français n'ont pas inventé internet, mais Blaise Pascal avait conçu en 1642 la première machine à calculer. Ensuite des inventeurs français ont notamment créé en 1972 le micro-ordinateur et, en 1974, Roland Moreno a lancé la petite carte à puce, utilisée seulement récemment aux Etats-Unis. Peu de gens, même en France, savent que c'est une invention française.                                         

Annick Stevenson, French Accent No 91, Juin-juillet 2021

Retour
haut de page

Des petites choses bien utiles

Moins spectaculaires, plus petites mais très utilisées, de nombreuses autres inventions techniques ont été conçues par des Français, même si la véritable origine de certaines d'entre elles est parfois contestée. En voici quelques-unes :

- La bougie moulée (1600) après que François de Brez ait imaginé le premier moule ; auparavant les bougies, qui existent depuis 3000 ans avant JC, étaient formées à la main.

- Le parapluie pliant (1705), en toile verte. Le 1er janvier 1710, son inventeur, Jean Marius, a obtenu un privilège royal de 5 ans pour cette innovation appelée "parasol-parapluye brisé à porter dans sa poche".

- Le crayon (1795) par Jacques Conté, mais indépendamment et en même temps l'Autrichien Joseph Hardtmuth créait la même sorte de crayon dont la mine était elle aussi en graphite ; il faudra attendre 1828 pour l'invention, en France, du taille-crayon.

- La cafetière à percolation créée en 1800 par Jean Baptiste de Belloy, qui était évêque de Marseille avant de devenir archevêque de Paris et cardinal.

- Les allumettes "modernes" dont le un mélange inflammable était à base de soufre, créées par Jean-Joseph-Louis Chancel en 1805 ; mais on en a trouvé d'autres modèles pratiquement depuis l'antiquité, et les allumettes "de sûreté" ont été imaginées par le Suédois Gustav Eric Pasch en 1844.

- Le sécateur (1815), outil des jardiniers, inventé par un aristocrate, M. De Molleville.

- Le réveille-matin réglable (1847).

- Le mètre ruban (même année), créé par le tailleur pour dames Alexis Lavigne.

- Le fer à friser (1888), et le sèche-cheveux (1890), par Alexandre Ferdinand Godefroy, pionnier de la coiffure moderne.                  

Retour
haut de page

Des créations originales

Certaines sont fantaisistes, insolites, ou totalement dépassées à notre époque, mais d'autres sont très utiles. Quelques exemples :

Le bidet : inventé en 1710, ce petit meuble en bois dans lequel était inséré une sorte de cuvette en porcelaine a été très longtemps utilisé en France. Il servait à la toilette intime mais aussi aux bains de pieds. Avec le temps on a ajouté un robinet, puis la cuvette est devenue blanche comme celle des WC. Quand j'étais jeune, nous en avions un dans la salle de bains.

Le dentier en porcelaine a été inventé en 1770 par Alexis Duchateau.

La poubelle a été l'initiative très utile du juriste et diplomate Eugène Poubelle, en 1884. Quand il était Préfet de la Seine, il a cherché un moyen d'améliorer la propreté de Paris, où les déchets abondaient. Il a obligé les propriétaires d'immeubles à mettre à la disposition des habitants des récipients métalliques, dont la dimension était très contrôlée, qui ont très vite porté son nom...
Le panier à salade, inventé en France en 1935, a été un élément essentiel des cuisines avant la création des essoreuses à salade modernes en plastique. Il fallait le secouer très fort pour faire tomber l'eau. Il ne pouvait donc être utilisé que dehors. C'était facile à la campagne, mais dans les villages, quand j'étais jeune, il n'était pas rare de voir une femme secouer sa salade sur le trottoir... À noter que les fourgons cellulaires de police sont surnommés paniers à salade !

La montre-bracelet a été la création, en 1904, du très célèbre bijoutier Louis Cartier. Il l'a inventée pour que son ami, l’aviateur brésilien Santos-Dumont, ne soit pas obligé de sortir sa montre à gousset en plein vol. Cette innovation a fait la renommée de la maison Cartier.

Le portrait-robot, dont le principe consiste à découper des morceaux de photos représentant différentes parties du visage et de les assortir afin d’en créer un nouveau, a été breveté par Roger Dambron en 1950. En 1953, le premier meurtrier a été confondu et arrêté grâce à cette invention.

Retour
haut de page

Des inventions bien françaises

La gastronomie, la mode, la beauté et tous les symboles du romantisme sont évidemment des domaines où les inventeurs français ont fait preuve de beaucoup de créativité.

Le champagne est né avec Dom Pérignon en 1688. Mais il faut savoir que ce moine très opportuniste n'a pas véritablement inventé cette boisson. Pendant un séjour à Limoux, dans le Languedoc au sud de la France, il a découvert que, depuis 1531, les moines bénédictins produisaient un chardonnay qui devenait effervescent après une deuxième fermentation. Dom Pérignon a adapté leur méthode, en l'affinant...

Le réverbère, qui n'est pas un objet de luxe mais fait tout le charme romantique de Montmartre la nuit, a été inventé en 1744 par Dominique-François Bourgeois, un ingénieur-horloger qui travaillait dans la fabrication des automates.
Sans surprise, la sauce béchamel  (1651), la mayonnaise (1756) et le camembert (1791), suivis par des centaines d'autres produits laitiers, sont des créations françaises. Il est plus surprenante d'apprendre que les conserves alimentaires ont elles aussi été inventées en France par un cuisinier, Nicolas Appert, en 1795.

En 1898 c'est une femme, Herminie Cadolle, ancienne ouvrière dans la corsetterie et militante féministe, qui a déposé le brevet du tout premier soutien-gorge moderne, qui s'appelait "bien être", dans le but de "libérer les femmes" de ces horribles corsets qui les empêchaient de respirer. À l'époque, elle avait même eu l'intelligence de créer des sous-tifs qui se fermaient par devant...

L'histoire du rouge à lèvres remonte à l'époque de la Mésopotamie, il y a 5000 ans. Il a fallu attendre 1915 pour que la maison française Guerlain lance sur le marché le premier tube de rouge à lèvres coulissant. Le processus a été amélioré en 1925 par un Américain, Maurice Levy.

C’est en voyant les femmes abaisser le haut de leur maillot de bain pour mieux bronzer que Louis Réard, ingénieur automobile, a l’idée de créer un maillot deux-pièces couvrant un minimum de peau. Le 5 juillet 1946, il a présenté pour la première fois son invention : le bikini, du même nom que l'atoll des îles Marshall.  C'est Micheline Bernardini (photo ci-dessus), danseuse du Casino de Paris, qui le portait, à la piscine Molitor de Paris.

Mais des images trouvées dans l'ancienne villa romaine du Casale, en Sicile, montre que le bikini existait déjà dans l'Antiquité...

Retour
haut de page

La santé, un point fort

Les Français ont été les pionniers pour un grand nombre de découvertes scientifiques ayant un direct impact sur la santé dans le monde. Voici les plus importantes :

La pasteurisation

Dans un article paru dans The Sunday Times en mai 2021, le journaliste et écrivain scientifique Steven Johnson rappelle que le simple fait de boire du lait présentait autrefois de graves risques pour la santé. Il explique comment ce "poison" est devenu le symbole de la santé et de la vitalité : "La réponse évidente est apparue en 1854, quand le jeune Louis Pasteur a commencé à travailler à l'Université de Lille au nord de la France... et s'est demandé pourquoi certains aliments et liquides se gâtaient". Onze ans plus tard, Pasteur, alors professeur à l'École normale supérieure de Paris, avait inventé un procédé de conservation des aliments par chauffage à une température de 80 à 100° C pendant une certaine durée, suivie d'un refroidissement rapide. La pasteurisation était née, apportant une amélioration fondamentale de la santé humaine.

Le stéthoscope

René Laennec était médecin, mais aussi musicien. Alors qu'il travaillait à l'hôpital Necker, en 1816, il a eu l'idée d'utiliser la même technique par laquelle il sculptait ses flûtes en bois pour inventer un appareil en forme de cylindre qui permettrait de faire une auscultation d'un patient sans avoir à coller son oreille sur sa poitrine.
Il l'a appelé stéthoscope en s'inspirant des mots grecs stethos (poitrine) et skopos (examen). Cet appareil a été peu à peu amélioré à partir de 1830 par un autre Français, le docteur Pierre Piorry. Mais ce sont Maurice Rappaport et Howard Sprague, deux Américains, qui ont mis au point le stéthoscope acoustique moderne.

Les vaccins
C'est encore à Louis Pasteur que l'on doit l'un des vaccins inventés en France : celui contre la rage, en 1885. D'autres vaccins ont suivi, produits ou affinés par l'Institut Pasteur, contre :
- La tuberculose, le BCG, par Albert Calmette et Camille Guérin, 1921.
- Le tétanos et la diphtérie, par le vétérinaire et biologiste Gaston Ramon, 1924.
- L'hépatite B, par Philippe Maupas, 1976.
    En 2020, l'Institut Pasteur a travaillé sur un vaccin contre le Covid-19 mais la recherche n'a pas abouti, et les chercheurs ont dû abandonner...

Le braille

La découverte française la plus importante en faveur des personnes ayant un handicap est celle de l'écriture braille, par Louis Braille, en 1825. Ce système de lecture codé a changé la vie de toutes les personnes aveugles ou malvoyantes et a été exporté dans le monde entier.

Autres découvertes liées à la santé

- Un appareil permettant de mesurer la tension artérielle, inventé en 1819 par le Dr. Poiseuille.
- La couveuse, appelée dans le temps "berceau incubateur", imaginée par le chirurgien Jean-Louis-Paul Denucé en 1857, et appliquée par Etienne Stéphane Tarnier dès 1880.

- Le test de dépistage du sida, par l'Institut Pasteur, en 1985.

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Ce qui est français, et ce qui ne l'est pas

French what?... Ce qui est français, et ce qui ne l'est pas

Quand les Français entendent dire "French" à propos de choses pas forcément françaises, ils sont très surpris. Quelle est la vérité ?

French fries : non, elles sont Belges.

French toast : les Français l'appellent le "pain perdu" : des restes de pain qu'on mange de cette façon pour ne pas le gaspiller. On a retrouvé pratiquement la même recette à Rome dans l'Antiquité. Les Français en mangent rarement.

French dressing : ma grande déception quand j'ai commandé cette sauce, une seule fois dans ma vie, aux États-Unis. Elle n'a rien à voir avec une bonne vinaigrette française !

French press : une autre surprise découverte en Amérique. Bien sûr, on trouve en France cette "cafetière à piston" mais elle a été inventée par un Italien, Ugo Paolini, en 1923. Les Français ont suivi très vite en déposant un brevet similaire en 1924.

French manucure : jamais entendu en France ! Cette méthode de mettre du vernis sur des ongles est née en Amérique, inventée par des stars hollywoodiennes. On lui a ajouté "French" par référence à la "French touch" évoquant (pour les étrangers seulement) l'élégance et le raffinement.

French braid : ce genre de tresse est née en Afrique du nord. Les premiers exemple de ce style ont été trouvés dans l'art rupestre, en Algérie, il y a 6000 ans. J'en ai rarement vu en France.

French twist ou French knot : un chignon banane en français. Il était déjà porté en Grèce, dans l'Antiquité.

French maid : certes, dans les bonnes maisons bourgeoises, les bonnes portaient un uniforme, comme dans les pays anglo-saxons. Je ne vois pas la différence, mais un stéréotype pas vraiment justifié veut que les "French maids" soient plus sexy...

French bread : chez nous on l'appelle tout simplement "pain". De nombreux pays ont leur pain, lequel est le meilleur ? Le français, évidemment...

French chair : en France on appelle "bergère" ce genre de fauteuil, bien français en effet, créé sous le règne du roi Louis XV. Aujourd'hui on n'en trouve que dans les châteaux, musées ou maisons bourgeoises.

French green beans : je ne sais pas pourquoi on donne le qualificatif de français aux haricots verts cultivés aux États-Unis où je les achète au marché. Il paraît qu'ils sont plus fins, longs et meilleurs, donc plus chers. En France on dirait : des haricots verts extra-fins.

French donkey : je n'ai vu ce mot que dans un roman américain ; ces ânes sont bien originaires de France, où on les appelle "baudets du Poitou".

French doors : les "portes-fenêtres", qui ne sont pas vraiment des portes, sont bien nées en France, pendant la Renaissance. Beaucoup d'autres éléments architecturels sont considérés "French", mais les Français l'ignorent.

French kiss : j'ai découvert cette expression en regardant le film joué par Meg Ryan en 1995. Elle est apparue en Amérique après la Ière guerre mondiale quand les soldats rentraient de France avec, pour certains, des souvenirs d'aventures romantiques. Devant le succès de cette expression, le dictionnaire Robert a intégré "French kiss" en 2014, ce qui fait plaisir aux Français. Mais on a découvert que ce type de baiser apparaissait déjà dans le Kama Sutra, au 5ème siècle avant JC.

Annick Stevenson, French Accent No 91, Juin-juillet 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La charge mentale, une double peine pour les femmes

(Pour étudiants avancés)

Lien pour accéder à l'article :

https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/dialogues-economiques/la-charge-mentale-une-double-peine-pour-les-femmes?fbclid=IwAR1F96wOrfuTzIKsERvNvXYOTVfj0u0tQO2wU2bofvnEs5TdSdAv5bpWMRk

Questions :

Répondez aux 10 questions suivantes au sujet de l’article que vous avez lu. Les questions suivent l’ordre du texte.

1. Cet article…(1 point)
a. compare la charge mentale des hommes et celle des femmes
b. retrace l’historique de l’évolution des droits des femmes
c. défend la thèse selon laquelle la charge mentale impacte les femmes

2. Selon le chapeau de l’article…(1,5 point)
a. la charge mentale tend à se dissiper
b. la charge mentale résulte de la combinaison des tâches à réaliser à la maison et au travail
c. la charge mentale nuit essentiellement à la carrière des femmes

3. Le XXe siècle …(1,5 point)
a. a vu les disparités entre hommes et femmes s’accroître
b. a vu les disparités entre hommes et femmes diminuer
c. est en demi-teinte pour ce qui est de l’égalité hommes-femmes

4. Ce qui explique les inégalités professionnelles persistantes entre hommes et femmes c’est / ce sont…(1,5 point)
a. un mélange de causes qui s’additionnent
b. la discrimination
c. des choix professionnels différents et des comportements moins risqués et moins compétitifs. 

5. L’étude de Sarah Flèche, Anthony Lepinteur et Nattavudh Powdthavee a notamment cherché à déterminer…(1,5 point)
a. d’où proviennent les discriminations
b. où la charge mentale trouve sa cause
c. pourquoi les femmes ont tendance à faire des choix professionnels qui leur portent préjudice

6. La charge mentale serait…(1,5 point)
a. le cumul des tâches domestiques et des tâches professionnelles
b. la  charge cognitive qui résulte de la gestion inégale de la vie familiale dans le couple
c. liée au temps passé à réaliser des tâches domestiques

7. La charge mentale a un impact sur les choix professionnels des femmes. VRAI ou FAUX? (1,5 point)
VRAI
FAUX

8. Quel est l’impact de la durée relative du temps de travail et de la division des tâches ménagères sur la satisfaction globale des hommes et des femmes? (2 points)
a. les femmes sont insatisfaites si elles travaillent plus que les hommes
b. les femmes sont insatisfaites si elles travaillent plus que les hommes et que les tâches domestiques ne sont pas réparties équitablement avec leur conjoint
c. les femmes sont insatisfaites si leurs conjoints consacrent moins de temps qu’elles aux tâches domestiques

9. Généralement, les femmes rechignent à travailler plus que leurs conjoints…(2 points)
a. à cause des normes sociales
b. à cause des tâches ménagères qui leur incombent principalement à elles
c. car leurs conjoints l’acceptent mal

10. Quelles solutions sont proposées dans l’article pour réduire la charge mentale? (2 points)
a. l’émancipation des femmes
b. augmenter la durée du congé paternité
c. se faire aider à la maison et éduquer les jeunes générations pour casser les stéréotypes de genre

Total : /16

CORRIGES:

  1. c
  2. b
  3. c
  4. a
  5. c
  6. b
  7. VRAI
  8. b
  9. b
  10. c

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Des héros ou des z'héros ? Histoires de liaisons

Drôle de langue » (1/17). Démonstration, en dix-sept épisodes, qu’au pays de Descartes, le français est parfois tout sauf cartésien. Premier exemple avec le « h » muet et le « h » aspiré.

Au moment de nous enseigner ses finasseries, à l’école primaire, la maîtresse nous avait expliqué que la langue française était gouvernée par des règles, qu’il suffirait de se donner la peine de mémoriser – ainsi que deux ou trois exceptions –, et le tour serait joué. En somme, notre langue serait logique, rationnelle, cartésienne.

Mais en fait, non. Un exemple ? Voyez la différence entre un h muet et un h aspiré. Le premier s’appelle « muet » parce que… il l’est. Il ne joue aucun rôle dans la prononciation des mots : on pratique liaison et élision avec le mot qui précède, comme si le h n’était pas là – « l’heure, les z’heures », « l’histoire, les z’histoires ». Le h aspiré, en revanche, comme toutes les consonnes, interdit liaison et élision (le hasard, la hauteur, et non l’hasard, l’hauteur).

De toute façon, nul francophone de naissance ne dirait « C’est la heure de raconter la histoire du Petit Chaperon rouge » ou « Lhasard fait bien les choses ». Mais qu’est-ce qui explique l’existence de ces deux h, à la fois si semblables et si différents ? C’est que les h du français ont deux provenances (principales !). On rencontre le h aspiré à l’initiale des mots d’origine germanique, le h muet au début des mots d’origine latine. Malheureusement, déterminer si un mot est d’origine latine ou germanique n’est pas toujours facile, et même les plus lettrés ne sont pas sans douter parfois (« l’hayon » ou « le hayon » de la voiture, « l’hiatus » ou « le hiatus » ?).

Imprévu linguistique

Mais surtout cette distribution latino-germanique n’explique pas tout. Pourquoi, par exemple, ne dit-on pas « les z’héros », alors que l’on dit « les z’héroïnes » ? Héros, d’origine grecque, est bien arrivé dans notre langue par le latin classique, où il désignait un « demi-dieu », puis un « homme de grande valeur », nous apprend le Dictionnaire historique de la langue française, d’Alain Rey (éditions Le Robert), héroïne ayant été « emprunté un peu plus tard ». Les deux mots étaient dûment équipés du h muet réglementaire à l’origine. On disait ainsi « un n’héros, des z’héros », comme on dit « une héroïne, des z’héroïnes ». Alors que s’est-il passé ?

Un imprévu linguistique : l’arrivée du zéro. Le zéro, qui n’existait pas dans les chiffres romains, est l’un des apports essentiels du système numérique dit « arabe » (même s’il est sans doute né en Inde), qui a commencé à être largement adopté en Europe à la Renaissance. Le h du héros est devenu aspiré, explique l’Académie française dans la rubrique « Dire, ne pas dire » de son site Internet, « à l’apparition du mot zéro, pour éviter la liaison et le calembour les (z)héros/les zéros. L’aspiration n’a pas été étendue aux autres mots de cette famille : héroïne, héroïque, héroïsme, etc., puisqu’il n’y avait pas de risque de confusion ». Et voilà ! En vérité, la langue se soucie peu des règles. Ici, l’usage a simplement jugé ridicule que l’on puisse confondre des personnages d’exception avec… rien du tout. (Au fait, on dit « le hayon » et « l’hiatus » ou « le hiatus », les deux sont permis !)

Muriel Gilbert, Le Monde du 12 juillet 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

Logique la langue française ? Une petite segonde !

« Drôle de langue » (2/17). Entre les nombreuses lettres muettes qui parsèment les mots et les multiples façons d’écrire un même son, apprendre le français est une gageure pour les étrangers.

Si la prononciation du français relève de l’évidence pour qui est tombé dedans quand il était petit, il n’en va pas de même pour les étrangers qui s’essaient à l’apprendre. A l’inverse, pour les jeunes Français, c’est l’écriture de la langue qui relève du tour de force. Rappelons au hasard que le son « s » peut s’écrire avec un t, comme dans émotion, que le c de banc ne se prononce pas mais celui de bancal, si, que la suite de lettres « ent » peut se lire « an » comme dans « un patient », mais aussi ne pas se lire du tout, comme dans « ils patientent ».

Des Français tout ce qu’il y a de plus diplômés sont parfois bien en peine de dire comment se lit un mot d’usage courant. La gageure se prononce-t-elle « gajeure » ou « gajure » ? (« Gajure ! ») Le magnat de la finance se dit-il « mag-nat » ou « maniat » ? La réponse est : les deux ! Chouette ? Ne vous réjouissez pas trop vite, car l’adjectif magnanime, lui, se prononce exclusivement « manianime ». Pourquoi ? Parce que.

Parfois, les incongruités ont tout de même une explication. Par exemple, pourquoi les Français prononcent-ils « segond », « segonde », « segondaire » ce qu’ils écrivent second, seconde et secondaire ? Second est issu du latin secundus, signifiant « suivant », qui se prononce comme il s’écrit, la lettre c se lisant « k ». Le français descend pour l’essentiel du latin, mais un latin que l’usage local a progressivement modifié, adapté, tordu à sa mesure. C’est ainsi que secundus a perdu son « us » final et, peu à peu, a commencé à se prononcer « segond », sans doute tout simplement, imaginent les linguistes, parce que c’est plus facile à articuler que « sekond » – d’aucuns n’excluant pas que la proximité phonétique avec « ce con » ait joué le rôle de repoussoir.

Lexicographes latinophiles

Jusqu’à la création de l’Académie française, au XVIIe siècle, il n’existait pas de norme orthographique. Les (rares) Français qui savaient écrire écrivaient… comme ils l’entendaient. On trouve ainsi dans les textes anciens des second aussi bien que des segond, ce dernier devenant même de plus en plus fréquent avec le temps. C’est la même mutation qui s’est produite pour le mot dragon, issu du draco latin. Avec cette différence que dragon s’écrit bien comme il se prononce en français de 2021, c’est-à-dire avec un !

Alors que s’est-il passé ? Pourquoi cette différence de traitement ? Second a bénéficié (ou souffert, selon les points de vue) de la latinophilie des lexicographes français du siècle des Lumières, qui ont choisi de rendre à ce mot toute l’élégance de sa racine, en faisant fi de sa prononciation. Le dragon a sans doute échappé à cette réforme parce qu’il était nettement plus discret, parce que moins courant. A noter que, en anglais, second s’écrit comme en français, mais il se prononce « sekonde » ; l’espagnol ayant opté pour segundo… comme ça se prononce ! Il n’y a qu’en français que l’on écrit c ce que l’on prononce « g ». Ce qui vous a un certain chic, il faut le reconnaître.

Muriel Gilbert, Le Monde du 13 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Pourquoi dit-on "vingt-deux", mais pas "dix-deux" ?

« Drôle de langue » (3/17). Mots simples ou composés, tirés du latin ou de l’ancien français, soumis à des variantes géographiques, les noms des nombres défient toutes les lois de la logique.

Quand on songe à la langue française, quand on y songe vraiment, quand on la regarde comme une matière neuve que l’on n’aurait pas entendue et manipulée depuis toujours, quand on l’examine comme un enfant de maternelle qui la découvre un peu plus chaque jour ou comme un étranger qui essaie d’en comprendre la logique, quantité de questions commencent à éclore.
En voici une, au hasard : pourquoi nos nombres sont-ils ce qu’ils sont ? En français, une fois assimilés les chiffres de un à neuf, puis les nombres qui désignent les dizaines (dix, vingt, trente…), il n’y a plus qu’à les combiner, et le tour est joué : vingt + huit se dit « vingt-huit », trente + trois, c’est « trente-trois ». Notre langue obéirait-elle à une logique « carrée », au moins quand il s’agit de chiffres ?

Que nenni ! En effet, si nous disons « vingt et un », « trente et un », « quarante et un », nous ne disons pas « dix et un ». Nous disons « vingt-deux », « trente-deux », « quarante-deux », mais pas « dix-deux ». A la série logique, qui serait « dix et un, dix-deux, dix-trois, dix-quatre, dix-cinq et dix-six », nous préférons une série étrange de mots en onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize. En revanche, dix-sept, dix-huit et dix-neuf sont « réguliers ».

Usés par l’usage

Pour expliquer cette étrangeté, il faut remonter aux origines latines du français. Le latin disait bien undecim (un-dix), duodecim (deux-dix), tredecim (trois-dix), quattuordecim (quatre-dix), quindecim (cinq-dix) et sedecim (six-dix). Comme c’est souvent le cas, l’usage a… usé les mots, les raccourcissant, et le decim final est devenu dece, puis tse puis ze. C’est ce qui explique que tous ces nombres s’écrivent étrangement avec un z, une consonne plutôt rare en français. On est ainsi passé de undecim (un-dix), à undece puis untse, puis unze… puis onze. Finalement, onze est bien « un-dix », douze « deux-dix », etc.

Mais l’usage nous a réservé une autre plaisanterie. Onze, c’est bien « un-dix », douze, « deux-dix », treize « trois-dix », quatorze « quatre-dix », quinze « cinq-dix » et seize « six-dix ». Mais comment se fait-il que l’on dise « dix-sept » et « dix-huit » au lieu de « sept-dix » et « huit-dix » ? C’est simple : dix-sept se disait en latin septemdecim, puis il s’est réduit, comme les nombres précédents, en septemdece, puis septze… qui avait l’inconvénient d’être beaucoup trop proche de seize. L’usage, qui privilégie l’efficacité, ne s’est pas embarrassé davantage et, à partir du nombre dix-sept, il a rangé les mots dans l’autre sens, tout simplement.

En revanche, nul ne sait avec certitude pourquoi septante, octante (ou huitante) et nonante, variantes francophones de soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix, n’ont pas cours dans l’Hexagone. Ce que l’on sait, c’est qu’au Moyen Age on comptait volontiers par vingtaines. On disait « deux vins » (40), « trois vins » (60), « quatre vins » (80). Témoin, l’hôpital des « Quinze-Vingts », créé par Saint Louis à Paris pour accueillir trois cents (quinze fois vingt) aveugles. Notre façon de compter si illogique, comme bien des incongruités du français, permet de revisiter l’histoire.

Muriel Gilbert, Le Monde du 15 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Le périple linguistique de la dinde et du cochon (d'Inde)

« Drôle de langue » (4/17). Le volatile et le petit rongeur font partie de ces animaux que le français a, comme d’autres langues, souvent malmenés.

S’il est un animal que le français a affublé d’un drôle de nom, c’est bien le cochon d’Inde, inoffensif mammifère de forme oblongue qui n’est pas plus cochon qu’il n’est d’Inde, puisque c’est un rongeur originaire d’Amérique centrale. Alors pourquoi cochon ? Pour son cri, qui se rapproche de celui du cochon, dit-on. Et pourquoi d’Inde ? Ah, voilà qui est plus surprenant. Parce que c’est là que les Européens du XVe siècle l’ont découvert. Enfin… c’est là qu’ils pensaient l’avoir découvert, puisque c’est l’endroit où ils espéraient accoster, à la suite de Christophe Colomb. Et, quand il s’est avéré que l’on n’avait pas découvert les Indes mais l’Amérique, nul n’a jugé urgent de changer la dénomination de cette bestiole.

La même mésaventure est arrivée au volatile découvert au Mexique qui s’est vu appeler « poule d’Inde » pour la femelle, « coq d’Inde » pour le mâle. L’usage, avec sa tendance à tout abréger, a simplifié cette appellation en dinde tout court et sans apostrophe, le mâle se voyant transformé en dindon. De manière encore plus surprenante, les Anglo-Saxons appellent ce volatile turkey (« Turquie » en anglais), tandis que les Brésiliens et les Portugais l’appellent peru (Pérou). Pourquoi ? Parce que les Anglais ont confondu la dinde et la pintade, qui venait d’Afrique, via la Turquie… Les Portugais, eux, croyaient que les Espagnols avaient découvert l’oiseau dans la contrée qu’ils appelaient « Peru », et qui correspond à ce qui est aujourd’hui une grande partie de l’Amérique du Sud.

Pauvres cobayes

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que l’œillet d’Inde, cette jolie fleur de nos parterres le plus souvent jaune orangé est également originaire d’Amérique du Sud. Quid du marronnier d’Inde ? Eh non, il ne vient pas d’Amérique. Viendrait-il vraiment de l’Inde ? Que nenni. Ce sosie du châtaignier est originaire du sud de l’Europe. Pourquoi « marronnier d’Inde », alors ? Sans doute parce qu’il est arrivé chez nous dans les soutes d’un navire de la Compagnie des Indes orientales (les vraies, celles-là), qui se le serait procuré lors d’une escale sur le chemin du retour vers l’Europe.

Pour revenir à notre sympathique rongeur d’Amérique, on peut préférer recourir à son autre appellation, cobaye. Le mot dériverait de « cabiai », en tupi, langue amérindienne, en passant par le portugais. A noter quand même que, comme nous l’apprend le Dictionnaire historique de la langue française (Le Robert), « ce mot a pris, par allusion à l’utilisation de ce mammifère en laboratoire, le sens figuré de “sujet d’expériences” »Décidément, pauvre bête.

Et que dire du fait que nous appelons toujours « Indiens » ces peuples d’Amérique qui ne l’ont été (Indiens) que dans les rêves et les calculs erronés des conquistadors ? Le Monde a reçu récemment un message d’un lecteur canadien qui se disait choqué de lire dans ses pages le mot « Amérindien », « terme colonial, raciste et archaïque qui n’est plus utilisé en Amérique depuis bien des années ». « Il a été remplacé par le terme “autochtone” », dit-il. Un mot auquel les Français ne peuvent pas recourir tel quel. Il faudrait dire « les autochtones d’Amérique ». Je laisse cette option à votre réflexion.

Muriel Gilbert, Le Monde du 16 juillet 2021

Retour
haut de page

 

En français, des gens de tous les genres

« Drôle de langue » (5/17). Les objets ont beau ne pas avoir de sexe, notre langue les étiquette avec le masculin ou le féminin. Avec une logique pas toujours apparente…

Le français est une langue « à genres ». C’est-à-dire qu’elle qualifie de masculin ou de féminin des objets qui n’ont pas de sexe. Pourquoi dit-on « une mer » mais « un océan », « la lune » mais « le soleil » (les Espagnols disent bien « le mer », tandis que les Allemands disent « le lune » et « la soleil »…), « la moto » mais « le scooter », « le baba au rhum » mais « la tarte aux myrtilles », « un exemple » mais « une horloge » ?

Il y a si peu de logique apparente dans la répartition de ces genres que c’est l’une des erreurs qui trahissent les étrangers qui maîtrisent le mieux notre langue. Pourtant, il nous semblerait incongru de parler d’« un automobile » ou d’« une exemple ».
Mais notre langue est bien plus « gender fluid » qu’il n’y paraît. Voyez le banal mot gens, masculin et toujours au pluriel, qui devient féminin (si, si !) quand il est immédiatement précédé d’un adjectif épithète. C’est ce qui explique que l’on dise « ces gens sont vieux » mais « ce sont de vieilles gens », « ces gens sont bons » mais « ce sont de bonnes gens ».

Vieille diablerie

D’où vient cette diablerie ? Du lointain passé des mots : gens a commencé sa carrière dans notre langue au féminin. Gens est l’ancien pluriel du mot féminin gent (du latin gens, gentis), celui-là même que nous utilisons lorsque nous parlons de « la gent masculine », de la « gent féminine » ou de « la gent canine » (à toutes fins utiles, cette gent-là se prononce bien comme gens et non comme gente !). Le nom gent, signifiant à l’origine « race » ou « espèce », a progressivement pris le sens d’« hommes »… et adopté du même coup le masculin. Les caprices de genre du mot gens viennent de cette hésitation ancienne.

Et tenez, pourquoi parle-t-on de grand-mère et de grand-tante et non de grande-mère et de grande-tante ? En ancien français, grand était invariable en genre. On disait « un grand arbre », « une grand chaumière ». Le e au féminin n’est apparu qu’au XVIe siècle, par mimétisme avec tous ces adjectifs dont le féminin se fait en ajoutant un e à la fin du masculin. Mais, sans logique apparente, certains mots féminins ont conservé cet ancien « grand » invariable. C’est le cas de notre grand-mère, mais aussi de la grand-voile ou de la grand-rue.

Sans remonter aussi loin dans le temps, l’automobile, qui n’existe que depuis le début du XXe siècle, a déjà opéré un changement de genre. Automobile était à l’origine un adjectif. On parlait de « véhicule automobile » (véhicule « qui-bouge-tout-seul »), par opposition aux véhicules tractés par des animaux. Et puis l’usage, qui aime ce qui est court, s’est passé du nom, et l’on s’est mis à dire « un automobile ». Puis, la finale en e muet a donné l’impression que ce mot était féminin.

En ancien français, l’exemple était féminin, tandis que l’erreur, l’affaire et l’horloge étaient masculins (témoin l’emblématique « gros horloge » de Rouen). En somme, le genre de nos mots est beaucoup plus fluide qu’il n’y paraît.

Muriel Gilbert, Le Monde du 17 juillet 2021

Retour
haut de page

 

"Je ne bois goutte", "je ne mange mie"... Des négations aux délicieuses origines

« Drôle de langue » (6/17). C’est parce que le latin nous a laissé deux négations dont la prononciation occasionnait de funestes méprises que l’on a de si jolies expressions.

J'ai reçu récemment deux messages qui s’agacent d’une dérive langagière que je n’avais pas remarquée : celle qui consiste à utiliser l’adverbe « aussi » au lieu de « non plus ». « C’est devenu extrêmement fréquent et, par conséquent, extrêmement agaçant ! », écrit Virginie, avec un exemple, relevé dans un journal en ligne : « Lui aussi ne s’avance pas sur les éventuelles causes du phénomène », au lieu de « lui non plus »… Marie-Laure, quant à elle, s’irrite de spots radio où elle entend : « Ce n’est pas mal aussi. » Là où il conviendrait de dire : « Ce n’est pas mal non plus. »

Larousse.fr l’explique clairement, « dans le sens de “pareillement”, “également”, “de même”, “aussi” s’emploie dans des phrases affirmatives : “Si vous partez, je partirai aussi”. “Non plus” s’emploie dans des phrases négatives : “Vous ne partez pas, moi non plus.” »

N’avance pas même d’un pas

Mais puisque nous parlons négations, savez-vous d’où vient l’étrange expression « Je n’y vois goutte » ? Chacun sait qu’elle signifie « Je n’y vois rien », mais son origine est délicieuse. Le latin nous a laissé deux négations, « non » et « ne », qui se prononçait « né » au départ, mais a fini par se prononcer « ne », et même parfois « n ». On disait alors « Je n’écoute » ou « Je n’avance », au lieu de « Je n’écoute pas » et « Je n’avance pas ».

Et c’était la source de funestes méprises, la différence entre « Ecoutez » et « N’écoutez », « Avance » ou « N’avance » n’étant pas des plus flagrantes, à l’oreille, ce qui était potentiellement dangereux. Imaginez la scène : « N’avance, maraud, ou je te découpe en rondelles ! – Pardon, mais vous avez dit « N’avance » ou « Avance » ? » Quantité de gens ont fini en tranches sur de tels malentendus.

C’est pour résoudre ce problème que l’on a ajouté « pas » quand la négation se rapportait à un verbe de déplacement, « N’avance pas » signifiant « N’avance pas même d’un pas ». Pour « boire » ou « pleuvoir », on a ajouté « goutte » : « Il ne pleut goutte », « Je ne bois goutte » (sous-entendu « pas même une goutte »). Avec tout ce qui concernait la nourriture, on ajoutait « mie », qui voulait dire « miette » : « Je ne mange mie » (équivalant à « Je ne mange pas une miette »). Et l’on disait aussi « n’y voir point » (« même pas un point »), formule que l’on trouve encore dans les romans du XIXe siècle.

Avec le temps, tout cela s’est un peu mélangé, et, à cause de la ressemblance sonore entre « voir » et « boire », « Je ne vois goutte » s’est installé dans l’usage, sur le modèle de « Je ne bois goutte ». « Très vite, ces compléments devinrent de simples adverbes interchangeables et, longtemps, en ancien français, “mie” fut la négation la plus employée », explique l’Académie française sur son site Internet. On disait donc « Je ne peux mie » au lieu de « Je ne peux pas » aujourd’hui. Le « pas » de « Je ne peux pas » ou « Je ne veux pas » était à l’origine un vrai « pas », de ceux que l’on fait avec ses pieds. Joli, non ?

Muriel Gilbert, Le Monde du 19 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Pauvre type ou type pauvre ? Les adjectifs sèment le désordre

« Drôle de langue » (7/17). En français, l’adjectif se place le plus souvent après le nom auquel il se rapporte. Mais il existe, bien sûr, de nombreuses exceptions qui peuvent tout changer.

Vous arrive-t-il de songer à la place de l’adjectif en français ? Non ? C’est un tort. Comme tous les aspects un rien tarabiscotés de notre langue, c’est quand on se penche sur le sujet avec une loupe qu’il devient passionnant.

En français, en général, l’adjectif se place après le nom auquel il se rapporte : « J’ai une voiture bleue », « J’écoute une émission radiophonique », « Tu portes un pantalon troué », « Je lis un article passionnant », etc. C’est le cas avec les adjectifs de couleur, comme rougebleu, jaune, violet ou caca d’oie (« un pantalon caca d’oie »), avec les adjectifs de forme, comme rondcarré, allongé (« une maison carrée », « un visage allongé »), avec les adjectifs de nationalité, comme françaisaméricainallemand (« le président français », « des touristes allemands »), avec les adjectifs de goût également, comme amer, sucré (« un café amer »)…

Bien entendu, il y a un régiment d’exceptions. La plupart des adjectifs se placent après le nom… mais certains peuvent se placer avant, sans que le sens de la phrase en soit modifié. Ce sont les adjectifs qui expriment l’appréciation : extraordinaire, exceptionnel, détestable, délicieux, odieux, remarquable… « Une émission remarquable » ou « une remarquable émission », « un personnage détestable » ou « un détestable personnage », « un affreux pantalon » ou « un pantalon affreux ».

Changement de position… et de sens

En revanche, « une bleue voiture » ou « une carrée maison », ça ne marche pas du tout. On se croirait dans Astérix chez les Bretons – isn’t it ? Pourtant, surprise encore, les plus banals et les plus usités des adjectifs se placent eux aussi plutôt avant le nom ! Ce sont tous des mots courts, d’une syllabe en principe, deux au maximum, comme bon, beau, joli, petit, gros, grand… (« une belle bagnole », « un gros bonhomme », « un grand couillon »…).

Mais le plus délicieux, c’est encore quand l’adjectif change de sens en changeant de position. Eh oui, un drôle de type, ce n’est pas un type drôle, ma propre chemise n’est pas forcément une chemise propre, une seule femme, ce n’est pas une femme seule, un pauvre homme, c’est un homme que l’on plaint, pour une raison X ou Y, mais ce n’est pas forcément un homme pauvre, et si d’aucuns considèrent que Napoléon était un grand homme, nul ne prétend que c’était un homme grand.

Les francophones savent d’instinct où placer les adjectifs… Aucun moutard de cours préparatoire ne dirait : « Prête-moi ta rouge voiture petite » au lieu de « Prête-moi ta petite voiture rouge. » En revanche, ayons une pensée pour les valeureux étrangers qui se donnent la peine d’apprendre notre langue si truffée d’exceptions : tenez, pourquoi dit-on « un bel homme » mais « un homme laid » ? Parce que c’est comme ça ! Sans doute parce qu’« un laid homme » est aussi difficile à comprendre que désagréable à prononcer… Parce que c’est l’usage, tout simplement.

Muriel Gilbert, Le Monde du 20 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Le "ù" du clavier d'ordinateur, touche à usage unique

« Drôle de langue » (8/17). Quand elle est recouverte d’un accent grave, la lettre « u » bascule dans une bien curieuse histoire.

Je ne m’étais jamais interrogée sur l’étrangeté du ù. C’est aujourd’hui chose faite, grâce à un message d’Eric, qui dit se « poser des questions sur l’origine de la lettre ù, soit u avec un accent grave. A ma connaissance, dit-il, elle n’est utilisée que dans un seul mot : où. »

Il a raison. Curieux, non ?  fait partie de la liste des pronoms relatifs invariables que nous avons apprise à l’école élémentaire : « qui, que, quoi, dont, où ». La maîtresse nous répétait sans cesse qu’il ne faut pas confondre ce , qui prend un accent grave sur le u, et qui est relatif au lieu et parfois au temps (« La ville où elle habite », « Au moment où ils sont arrivés… »), avec la conjonction de coordination ou, qui signifie « ou bien » (« Est-ce du lard ou du cochon ? », « C’est elle ou moi ! ») et s’écrit sans accent.

D’où vient cet accent grave ? Les signes diacritiques en général (les accents aigu, grave, circonflexe, etc.) ont commencé à apparaître à la Renaissance, quand il est devenu évident que les lettres héritées du latin ne permettaient pas de reproduire tous les sons du français.

Marque de distinction

Vous me direz que ou se prononce exactement de la même manière avec ou sans accent. C’est que l’accent grave peut avoir une autre fonction. Aux XVIe et XVIIe siècles, nous apprend le site de la Banque de dépannage linguistique, on l’employait « uniquement pour distinguer certains mots grammaticaux d’autres mots dont la graphie était identique. Il n’avait donc alors aucune fonction phonétique, et il n’en a pas davantage aujourd’hui dans ces mots ».

Cet accent grave s’emploie sur trois lettres : aet u. Celui du a est le plus fréquent. Il sert à distinguer la préposition à de la forme du verbe avoir a (« Il a une maison », « Il rentre à la maison »). Il distingue aussi l’adverbe là (« Assieds-toi là ») de l’article la (« la maison », « la fleur »). Sur le e, on le trouve essentiellement dans la préposition dès (« Je viendrai dès demain »), qu’on distingue ainsi du déterminant des (« Il m’offre des fleurs »). Il y a aussi ce petit mot rare que l’on trouve dans certains noms de villes et des villages, lès, qui signifie « près de » (Joué-lès-Tours, Garges-lès-Gonnesse…).

Et donc, sur le u, l’accent grave s’emploie uniquement dans le mot … pour le distinguer de la fameuse conjonction ou qui signifie « ou bien ». Par conséquent, comme Eric le fait également remarquer dans son message, « sur un clavier d’ordinateur, la touche ù sert exclusivement à ce seul mot » chouchou, et l’on pourrait imaginer que cette touche permette « directement d’écrire le mot  ». Pas bête ! Si on en touchait deux mots aux fabricants de claviers ?

Et pour éviter définitivement de se tromper entre les ou et où, voici un haïku de ma composition, à partager avec vos enfants : « Quand ou veut dire « ou bien », il n’a besoin de rien » (il n’a pas besoin d’accent).

Muriel Gilbert, Le Monde du 21 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Do, ré, mi... D'où viennent les notes de musique ?

« Drôle de langue » (9/17). C’est au XIe siècle que Guido d’Arezzo a conçu le système de notation qui est encore en usage aujourd’hui, un millénaire plus tard.

N'est-il pas renversant que l’on puisse écrire toute la musique du monde avec sept petites notes seulement ? De Mozart au vainqueur du dernier concours de l’Eurovision ? Pour écrire un livre en français, il faut tout de même vingt-six lettres…

Les humains ont probablement toujours fait de la musique – au moins du chant, des percussions… –, mais, jusqu’à ce qu’ils aient mis au point un système efficace leur permettant de conserver et de transmettre la mélodie et le rythme, tout reposait sur la mémorisation et la fragile transmission orale. Dès l’Antiquité, on trouve des traces d’essais de transcription musicale, mais trop complexes, semble-t-il, pour s’être imposés et avoir perduré.

A l’époque médiévale, il fallait ainsi plusieurs années à un moine pour mémoriser l’ensemble des hymnes chantées. Et c’est assez logiquement un musicien italien – qui était également un moine bénédictin –, Guido d’Arezzo (on l’appelle parfois « Gui l’Arétin », en français), qui, au XIe siècle, constatant la difficulté rencontrée par ses pairs, a conçu le système de notation qui est encore en usage aujourd’hui, un millénaire plus tard.

Ut, favori des mots croisés

Ce Guido d’Arezzo, génial pédagogue, a eu l’idée d’utiliser pour désigner la gamme des notes les premiers vers d’un chant grégorien que tous connaissaient par cœur, l’Hymne à saint Jean-Baptiste, qui présentait cette intéressante particularité de monter d’un ton au début de chacun des premiers hémistiches. Guido d’Arezzo a associé une note de la gamme à la première syllabe de chaque « demi-vers », syllabes qui se trouvent être : « Ut, ré, mi, fa, sol, la, si ». Les vers eux-mêmes étant les suivants : « UT queant laxis, /REsonare fibris, /MIra gestorum, /FAmuli tuorum, /SOLve polluti, /LAbii reatum, /Sancte Ioannes ».

Le sens du poème est ambigu, selon les spécialistes. Il signifierait quelque chose comme : « Pour que puissent résonner des cordes détendues de nos lèvres tes accomplissements merveilleux, délivre du péché tes impurs serviteurs, ô saint Jean. » On trouve également des partisans de : « Afin que les disciples de tes préceptes puissent, chose admirable, rendre musicales des cordes souples, ôte le mal de leurs lèvres souillées, ô saint Jean. »

Quoi qu’il en soit, pour le dernier hémistiche, « Sancte Iohannes », ce n’est pas la première syllabe mais les initiales des deux mots Sancte et Ioannes, « saint Jean », qui ont été choisies, ce qui donne la note « si ».

C’est bien plus tard, au XVIe siècle, que do, première syllabe de Dominus, le « Seigneur », a remplacé ut, trop difficile à solfier, semble-t-il, que l’on trouve encore dans les notations techniques… et les grilles de mots croisés. Les pays germanophones et anglophones, eux, ont préféré un autre système de notation, basé sur les lettres de l’alphabet, nos do, ré, mi, fa, sol devenant C, D, E, F, G. Efficace, mais moins poétique !

Muriel Gilbert, Le Monde du 22 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Quand le français nous laisse l'embarras du choix

« Drôle de langue (10/17) ». Au pluriel, l’adjectif « glacial » devient « glacials » ou « glaciaux ». On peut écrire « tzar » ou « tsar »… Voilà deux exemples, parmi beaucoup d’autres, prouvant que la langue française sait parfois faire preuve d’une grande souplesse.

La langue française a la réputation d’être précise, difficile, intransigeante. Vous allez voir qu’elle est bonne fille au contraire, et souvent d’une grande tolérance. Pour commencer, s’il y a des mots dont on a du mal à se rappeler le genre, comme oasis ou effluve (oasis est féminin, comme l’eau qui est à son origine, effluve masculin comme le fleuve qui lui ressemble), il y a des mots qui sont au choix masculins ou féminins : c’est le cas d’interview, d’enzyme, de parka, d’après-midi… et de Covid, désormais enregistré comme tel par le Petit Robert. En revanche, rappelons qu’espèce est toujours féminin. On ne dit pas « un espèce de truc » ou « un espèce d’idiot », mais « une espèce de truc » et « une espèce d’idiot ».

Mais revenons à tous ces cas où l’on a le choix. Parce que, au-delà du genre, quantité de mots nous laissent une grande liberté en matière d’orthographe. Voici une petite histoire : « Les soirs glaciaux, quand la chouette hulule, le tzar tourne la clé de la porte d’un bistrot tzigane un peu kitch et chauffé au fioul. Il s’y assied avec le chah d’Iran et ils commandent de l’aïoli, de la daurade cachère et des yaourts qu’ils mangent à la cuiller. Puis ces deux fainéants repartent saouls comme des orangs-outans. »

Daurade à l’aïoli ou dorade à l’ailloli ?

Bizarre, mon histoire ? Sans doute. Son principal intérêt, c’est qu’elle peut être écrite de mille manières différentes, si l’on combine toutes les possibilités d’orthographe de chacun des mots qui la composent. L’adjectif glacial, au pluriel, c’est glacials ou glaciaux, au choix. La chouette hulule avec un h, mais elle ulule tout aussi bien sans. Le tzar s’écrit avec un z ou avec un s, de même que le tzigane, tandis que le chah, quand c’est un monarque du Moyen-Orient, peut bien s’écrire shah si ça lui chante.

La clé ouvre aussi bien les portes quand on l’écrit clef, qui est la graphie la plus ancienne. De même pour cuillère, qui peut s’écrire cuiller, comme dans les contes de notre enfance, et bistrot, qui peut sans dommages se défaire de son t final – bistro. Quant au fioul, vous êtes libre de préférer sa graphie anglaise, fuel ; tandis que kitch peut aussi s’écrire kitsch. Que vous soyez saoul ou soûl ne changera rien à la couleur de l’Alcootest. Il y a aussi deux graphies pour orang-outan/orang-outang, pour daurade/dorade, et pour aïoli/ailloli. Sans compter qu’on peut être feignant ou fainéant, même si le deuxième est considéré comme plus correct, et il est possible de dire « il s’assied » ou « il s’assoit » (à l’impératif, « assois-toi » ou « assieds-toi », jamais « assis-toi »).

« D’accord, mais quelle est la meilleure orthographe ? », me demande-t-on souvent. Il n’y a pas de meilleure orthographe. Pour tous ces mots, et pour mille autres que vous découvrirez en fouillant dans vos dicos, faites ce qui vous plaît – ou ce qu’il vous plaît, là encore, vous avez le choix de la formule !

Muriel Gilbert, Le Monde du 23 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Du valet de poste à la gouttelette de salive, la longue trajectoire du postillon

« Drôle de langue » (11/17). Pandémie de Covid-19 oblige, le postillon est au cœur de nos préoccupations quotidiennes. Remonter aux origines du mot revient à faire un long voyage dans l’histoire.

La pandémie de Covid-19, en bouleversant notre vie quotidienne, soulève quantité d’interrogations… parfois des plus inattendues. Voyez celle de Clive : « Covid-19 oblige, on nous incite vivement à porter des masques, nous écrit-il, et cela dans le but… de réduire les postillons. J’ai tenté de trouver sur Internet l’étymologie de ce mot dans son acception sanitaire, mais sans succès. »

Les amis des mots se posent décidément des questions fondamentales. Or, il se trouve que Clive est également musicien amateur et passionné de la musique de Gustav Mahler. « Dans le troisième mouvement de sa Troisième Symphoniepoursuit-il dans son message, on trouve un solo écrit pour cor de postillon. » Notre correspondant précise qu’il s’agit d’un instrument utilisé jadis par les fonctionnaires des diligences postales pour annoncer leur passage (et qui figure encore de façon stylisée sur certains panneaux routiers, notamment dans les pays alpins).

Des messagers expédiés à tout vent

Oui, je l’apprends en même temps que vous : ce vieux panneau rigolo arborant un dessin en forme de cor de chasse représente en réalité un cor de postillon. Clive se demande donc s’il y a « un lien quelconque entre le fonctionnaire des postes et les projections buccales », et s’il faut « considérer que ces dernières sont en quelque sorte des messagers que nous expédions à tout vent ».

Le plus étonnant… c’est que l’intuition de Clive est parfaitement exacte ! Notre poste vient de l’italien posta« L’évolution du mot, explique Alain Rey dans son Dictionnaire historique de la langue française (aux éditions Le Robert), a suivi l’histoire de l’acheminement et de la distribution du courrier : il a d’abord désigné l’ensemble des coursiers à cheval chargés du transport des lettres. »

Le mot postier, désignant un employé des postes, est apparu en 1840. Le terme de postillon, quant à lui, est bien antérieur. Il arrive en français au XVIe siècle, issu de l’italien postiglione, « la personne qui conduit les chevaux de la poste », et il s’est appliqué particulièrement, raconte le Dictionnaire historique, depuis le XVIIe siècle, au « valet de poste qui montait sur l’un des chevaux du devant d’un attelage ». De là, par extension, le terme se met progressivement à désigner quantité d’objets, et notamment, au XIXe siècle, des « boulettes de mie de pain contenant un message que les détenus se lançaient pour communiquer » entre eux. Un genre de service postal de la prison. « Le sens courant de gouttelette de salive projetée involontairement en parlant » se rattache sans doute à cette habitude, mais n’existe que depuis la deuxième moitié du XIXe siècle.

En somme, les postillons de salive que nous nous efforçons de contenir en portant des masques et le postillon ancêtre de nos postiers actuels descendent bien, en français, du même arbre généalogique farceur. Bien vu, Clive !

Muriel Gilbert, Le Monde du 24 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Être en grève et chercher du travail, c'est possible

« Drôle de langue » (12/17). Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que l’expression « être en grève » prenne le sens qu’on lui connaît aujourd’hui : « cesser collectivement de travailler pour faire valoir ses revendications ».

Il y a quelques mois, je travaillais sur ce qu’on appelle le « bouclage » de la première page du Monde, celle qu’on surnomme « la une », où mon rôle, en tant que correctrice, consiste à vérifier qu’il ne subsiste nulle fantaisie orthographique. Soudain, la rédactrice en chef, qui était assise à côté de moi, me demande : « Il n’y aurait pas un synonyme de grève, par hasard ? »
La question peut sembler saugrenue, mais le mot revenait à plusieurs reprises dans la page, ce qui occasionnait des répétitions. Or, en français, on n’aime pas les répétitions – il s’agit bien d’une spécificité du français ; l’anglais, par exemple, ne considère pas les répétitions comme des fautes de style. J’ai fait ma maligne, en rétorquant : « Comme synonyme de grève, il y a bien plage, mais dans le contexte, je ne suis pas sûre que ça convienne. »

En effet, quand quelqu’un marche « sur la grève », c’est bien au bord de l’eau qu’il se balade. Mais le plus surprenant, ai-je découvert en faisant quelques recherches depuis, est que l’étymologie du mot est la même. Le mot grève est arrivé en français au XIIe siècle, issu du latin grava, qui désigne « le gravier, le sable ». Le lien entre le bord d’un cours d’eau ou de la mer et la cessation volontaire d’activité « remonte au XIXe siècleexplique le dictionnaire Antidote, lorsque les ouvriers de Paris à la recherche de travail avaient l’habitude de se réunir sur la place de Grève, une grève sur la Seine, pour se faire embaucher » – c’est l’endroit que nous appelons « place de l’Hôtel-de-Ville » aujourd’hui. « L’expression “être en grève” a alors été créée pour signifier “chercher du travail”. Et ce sens a glissé au milieu du XIXe siècle vers “cesser collectivement de travailler pour faire valoir ses revendications”. »

Une chaleur à chômer

En somme, l’expression « être en grève » a d’abord signifié « être au chômage »… Renversant, non ? Quant au chômage, il a lui aussi une origine surprenante. Au départ, il n’était qu’une indication météorologique, explique Sylvie Brunet dans son petit livre Les Mots aux origines étonnantes (First éditions), puisque ce mot, « chômage, venu du latin au XIIe siècle, remonte en fait au grec kauma, qui désignait une chaleur très forte. Trop forte pour accomplir les travaux des champs, d’où le fait que les paysans se reposaient à ces heures brûlantes : ils chômaient. Puis, de cette idée de ne pas travailler, on est passé à celle de ne pas avoir de travail, sens moderne qui s’est répandu dans la société au XIXe siècle ».

Donc la grève, c’est la plage, le chômage, c’est la canicule. On se croirait en vacances, non ? Malheureusement, il me reste à rappeler que le mot travail a été formé à partir du latin tripalium, qui désigne un instrument de torture à trois pieux (tri-palium). Pas sûr que cette conclusion soit de nature à donner envie au moindre gréviste de reprendre le travail.

Muriel Gilbert, Le Monde du 26 juillet 2021

Retour
haut de page

 

"Boire du champagne en bermuda", et autres métonymies de la langue française

« Drôle de langue » (13/17). A l’image de moult vins et fromages, de nombreux noms communs doivent leur origine à des noms de lieux. Mais il n’y a pas qu’eux…

Au nombre des pouvoirs surprenants de la langue, il y a celui de déplacer le sens des mots. Voyez tous ces noms de lieux qui sont devenus des noms de choses. La gastronomie en offre quantité d’exemples en français : le camembert, le saint-nectaire, le brie, le champagne, le bourgogne ou le bordeaux, pour ne citer qu’eux, tiennent leur nom de leur terroir d’origine. Rappelons qu’ils s’écrivent alors sans majuscule : « le vin de Champagne », majuscule au nom de la région, puisque c’est un nom propre, mais « le champagne », minuscule, puisque le mot est ici devenu le nom commun d’un produit issu de cette région. De même, la ville de Saint-Nectaire prend des majuscules, mais pas le saint-nectaire qui est si délicieux avec un petit verre de bordeaux, de bourgogne ou de cahors, sans majuscule mais avec modération. Et, puisqu’ils sont devenus des noms communs, tous ces mots prennent aussi la marque du pluriel, le cas échéant – « nous avons servi des camemberts, des bourgognes, des champagnes », avec un s final.

Ce procédé porte en linguistique le joli nom de « métonymie » (du grec meta, « à la place de » et onoma, « le nom »), ce que le Dictionnaire de l’Académie française définit comme une « figure qui consiste à remplacer un terme par un autre en raison de la relation qui les unit, en désignant, par exemple, l’effet par la cause, le contenu par le contenant [boire un verre], l’objet par son lieu d’origine, le concret par l’abstrait, etc. »

Gaze de Gaza, mousseline de Mossoul

Et il y a quantité d’autres choses que les vins et les fromages de l’Hexagone qui se sont approprié le nom de leur lieu de naissance. J’ai découvert récemment que le tulle des voiles de mariée vient du nom de la ville de Tulle, en Corrèze – je connais l’endroit depuis mon enfance, et je n’avais jamais fait le rapprochement. Certes, il semblerait que le tulle ait été inventé en Angleterre, mais on fabriquait à Tulle une dentelle qui a donné son nom français à ce tissu aérien, quand il a traversé la Manche.

Dans le genre textile tout en finesse, saurez-vous imaginer d’où vient le nom de la gaze ? Probablement de Gaza, en Palestine, où la gaze aurait été inventée, de même que la mousseline tient son nom de la ville de Mossoul, en Irak. Toutes ces étoffes précieuses faisaient l’objet d’un intense commerce entre le Moyen-Orient et l’Occident au Moyen Age, et les mots ont voyagé avec elles.

Et pour rester dans le textile, je suis sûre que vous pouvez deviner l’origine du bermuda… Eh oui, naturellement : les Bermudes ! D’après Wikipédia, ce seraient les militaires britanniques stationnés sur place au XIXe siècle qui auraient obtenu le droit de raccourcir ainsi leurs pantalons d’uniforme pour moins souffrir de l’étouffante météo locale. En anglais, on appelle ces vêtements qui dévoilent de manière si sexy les mollets des « Bermuda shorts » – bref, des « shorts des Bermudes » !

Muriel Gilbert, Le Monde du 26 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Pourquoi le Y est-il grec ?

« Drôle de langue » (14/17). Elle a la particularité d’être à la fois consonne et voyelle, ou encore de constituer un mot parfois à elle toute seule : la lettre Y est unique à plus d’un titre…

Avez-vous jamais réfléchi au caractère unique du Y ? D’abord, pourquoi cette lettre est-elle dite « grecque » ? Tout simplement parce que le latin est allé l’emprunter à l’alphabet grec, pour représenter un son, le « u », dont il ne disposait pas. Voilà qui nous explique au passage que ce que nous nommons « i-grec » s’appelle « u-psilon » en grec. Avec les siècles, le son qu’il représentait a évolué et aujourd’hui, en français, le Y est la seule lettre que l’on puisse considérer à la fois comme une voyelle, puisqu’elle se prononce « i » (souvent dans des mots d’origine savante : « étymologie », « physique »), et comme une consonne, puisqu’elle se prononce aussi « ye » (« appuyer », « royal », mots dans lesquels le Dictionnaire de l’Académie française fait remarquer qu’il se prononce en fait « comme s’il y avait deux i, l’un faisant partie de la syllabe précédente et l’autre d’une syllabe suivante : roi-ial, appui-ier). C’est pourquoi nos livres d’école la qualifiaient parfois de « semi-voyelle ».
On la range, par convention, à la fin de la liste des voyelles : a, e, i, o, u, y. A noter, précise Larousse.fr, que, à la différence du « i tout court », quand il est en début de mot, le « Y n’admet généralement ni élision ni liaison : “le yachting”, “les yaourts” » (et non « l’yachting » ou « les z’yaourts »). Comme toujours, il y a quelques exceptions : on fait bien la liaison quand on parle des « z’yeux » et du département des « z’Yvelines » ; de même, on pratique l’élision pour le département de « l’Yonne » (on ne dit pas : « Je pars en vacancs dans la Yonne »).

Un mot à lui tout seul

Mais le Y a aussi cette particularité d’être parfois un mot à lui tout seul, comme dans « j’y vais » ou dans « il y a ». Et puisque nous parlons de ce mot, « y », il y a une erreur que je corrige sans cesse : celle qui consiste à s’emmêler les crayons entre « il y va » et « il en va ». Cette semaine, un article du Monde se terminait par ces mots : « Il en va de notre survie. »

Or, comme l’Académie française l’explique fort bien sur son site Internet : « Les locutions “il en va” et “il y va de” sont correctes (…), mais elles n’ont pas le même sens. “Il y va de” (…) signifie, lorsque l’on évoque une situation dangereuse, “il s’agit de, c’est cela qui est en jeu” : “Ne goûtez pas ce breuvage, il y va de votre vie.” Ce n’est pas le sens d’“il en va”, qui (…) signifie “il en est” : “Les navires sont de plus en plus grands ; il en va de même des avions.” »

Un truc, pour faire la différence ? « Il y va de » s’emploie seul, tandis qu’« il en va » est toujours suivi de « de même » ou de « autrement » (ou de synonymes de ces mots) : « Ouvrez votre dictionnaire : il y va de votre orthographe ! » mais « Cette chronique est délicieuse ; il en va de même de mon gâteau au chocolat. » Ou bien « Mon gâteau au chocolat est délicieux ; il en va tout autrement de celui de Muriel. »

Muriel Gilbert, Le Monde du 27 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Pourquoi le nom des nombres est-il un casse-tête ?

« Drôle de langue » (15/17). En France, on dit quatre-vingts, mais pas huitante ou octante, comme en Suisse… D’où vient cette spécificité ?

Assez de lettres : parlons chiffres ! Ou nombres, plutôt. Voyez celui-là : 80. Il est passionnant à bien des titres. D’abord, pourquoi dit-on quatre-vingts au lieu de huitante ou d’octante, comme on le dit en Suisse et dans quelques régions de France, sur le modèle de quarantecinquantesoixante ?

Nul ne le sait avec certitude. Les historiens supposent qu’il s’agit d’un vestige d’une très ancienne façon de compter, héritée des Celtes. Nous nous appuyons aujourd’hui sur un système que l’on qualifie de « décimal », mot dérivé du latin decimus, « dixième » (on dit aussi « un système en base 10 »), qui a sans doute été choisi parce qu’il était bien commode de compter sur nos dix doigts. Mais les Celtes, semble-t-il, comptaient en base vingt… et il n’est pas impossible que ce soit parce qu’ils comptaient aussi sur leurs orteils.

Deux systèmes entremêlés

Quoi qu’il en soit, cette façon de compter aurait influencé les Gaulois, et, au Moyen Age, on comptait encore souvent par vingt. On disait par exemple : vint et dix au lieu de trente et deux-vins au lieu de quarante – vous remarquerez que quatre-vingts et quatre-vingt-dix sont tout à fait logiques dans cette suite. Ce n’est qu’à la fin du Moyen Age qu’apparaissent les trentequarante, cinquante, etc., et sans doute les deux systèmes se sont-ils joyeusement entremêlés, jusqu’à se figer dans leur étrange posture « chèvre-chou » actuelle, qui n’a, il faut bien le reconnaître, pas grand-chose de logique.

Mais quatre-vingts pose aussi des questions quand il s’agit de l’écrire. Je corrige très souvent la faute qui consiste à oublier le S à vingtQuatre-vingts, c’est quatre fois vingt, donc vingt prend un S. Alors, pourquoi l’oublie-t-on si souvent ? Eh bien, parce qu’il y a quantité de cas où il n’en faut pas. Notamment quand quatre-vingts est suivi d’un autre chiffre : quatre-vingt-deux, quatre-vingt-dix, quatre-vingt-dix-neuf, etc. En somme, quand ce n’est pas quatre-vingts tout rond, pas de S. Donc quatre-vingt mille, pas de S à vingt non plus.

Mais attention : quatre-vingts millions, ou quatre-vingts milliards, S à vingt. Pourquoi ? Parce que million et milliard, à la différence de mille, sont des noms, et non des nombres (la preuve : on dit « un million, un milliard », non « un mille », sauf s’il est nautique, mais c’est une autre histoire).

Mon truc, si vous hésitez ? Le site Leconjugueur.lefigaro.fr fait des merveilles en la matière. Dans la petite case en haut à gauche où l’on saisit d’ordinaire le verbe à conjuguer (ça peut servir aussi !), saisissez en chiffres le nombre qui vous tarabuste, et vous obtenez son orthographe précise, S et traits d’union compris, avec et sans les recommandations de la réforme de l’orthographe de 1990. Prodigieux !

Muriel Gilbert, Le Monde du 29 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Les liaisons curieuses de la langue française

« Drôle de langue » (16/17). Que le mot « quand » s’écrive avec un D ou un T à la fin, la liaison avec le mot qui suit fait toujours entendre un T. Et il y a légion d’exemples de ce type !

Les homophones quand et quant, véritables Dupond et Dupont de la langue française, génèrent bien des hésitations. Ce qui piège les francophones au moment de décider s’ils doivent mettre un D ou un T au bout de leur quand/t, c’est le fait que la liaison avec le mot qui suit fasse toujours entendre un T… même quand c’est un D qui est à la fin de quand : « quand T’il est là », « quand T’elle s’amuse », ce sont des quand avec un D, et pourtant la liaison est en T.

Voilà qui donne envie de creuser le sujet des liaisons surprenantes. Car naturellement, il y en a quantité d’autres. Pourtant, je ne vais vous apprendre… que des choses que vous savez déjà, ou presque – mais peut-être sans savoir que vous les savez. Parce que, ces liaisons étonnantes, les francophones les pratiquent sans y penser. En revanche, ceux qui apprennent le français s’arrachent les cheveux.

Des exemples ? Ils sont légion ! Rappelons d’abord que faire une liaison, c’est prononcer la consonne finale d’un mot qui d’ordinaire ne se prononce pas avec la voyelle initiale du mot suivant. Quand on dit premier, on n’entend pas le R final, mais on l’entend dans « mon premier R’amour ». En revanche, il disparaît quand on dit « le premier de la classe », parce qu’alors premier est suivi d’un mot, de, qui commence par une consonne – donc interdit toute liaison. Idem pour le Z final de chez par exemple. On ne l’entend pas quand on dit « je vais chez mes parents », parce qu’il est suivi d’une consonne, mais on l’entend dans « je vais chez Z’eux ».

Quand les X se prononcent « z »

Il y a des liaisons plus curieuses encore. D’abord, la lettre D finale d’un mot se prononce toujours « t », comme nous l’avons vu pour quand. « Quand T’elle viendra », « un grand T’escalier ». Aucun Français ne dirait « un grand D’escalier », mais vous avez peut-être remarqué que c’est une erreur que commettent certains étrangers.

Les lettres S et X, elles, se prononcent « z » au lieu de se prononcer « sse » ou « xe ». On dit « les Z’enfants » et non « les S’enfants » et « sers donc des nouilles aux Z’enfants » et non « aux X’enfants ». Curieux, n’est-ce pas ? Et bien sûr, ce n’est pas tout… Car, dans certains cas, les voyelles elles aussi se mettent à changer de son en cas de liaison. On dit « mon verre est plein » mais « le plein air » [plènèr], « un âge moyen » mais le « Moyen Age » [moyènage], et surtout, j’attire votre attention sur celui-là : on dit « ce gâteau est bon » mais « bon anniversaire » [bonaniversaire].

Le bon de « bon anniversaire » se prononce comme dans « bonne fête » à cause de la liaison, mais c’est bien un « bon » B.O.N. masculin, comme le mot « anniversaire ». Je ne compte plus le nombre de fois où je lis « bonne anniversaire » sur les réseaux sociaux. A chaque fois, ça me donne un bouton d’eczéma. Par pitié, sauvez ma peau : « bon anniversaire », c’est B.O.N !

Muriel Gilbert, Le Monde du 30 juillet 2021

Retour
haut de page

 

Le "ne", marque de négation en voie de disparition

« Drôle de langue » (17/17). Si la négation la plus courante à l’écrit demeure bien « ne pas », celle-ci a, en revanche, tendance à disparaître de plus en plus souvent à l’oral.

Mettons à l’honneur, pour terminer cette série sur notre drôle de langue française, un tout petit mot qu’on n’entend pas beaucoup, et de moins en moins, pour répondre à Clément, de Bar-le-Duc, qui m’écrit que « dans le langage parlé actuel, le ne ou le n’ ont pratiquement disparu des phrases négatives, et on entend des choses comme : “Vous z’avez pas de réponse” »… au lieu de « Vous n’avez pas de réponse ». Et Clément, qui affirme l’avoir entendu dans ma propre bouche à la radio (oh !), se demande s’il y a « une explication à cette évolution ».

En français, l’une des formes les plus courantes de la négation est effectivement « ne… pas ». Nous avons raconté dans un précédent épisode de cette chronique l’histoire de la négation ne. Elle nous vient du latin, bien sûr, mais au départ elle se prononçait « né », puis on s’est mis à la prononcer « ne », ou même « n ». On disait « je ne vois » ou « je n’entre », au lieu de « je ne vois pas » et « je n’entre pas » aujourd’hui. Le problème, c’est que si l’on crie « N’entrez, je suis nue ! », et que celui qui vient de frapper à la porte n’a pas entendu le « n’ »… il y a de fortes chances qu’il entre… et alors le scandale nous pend au nez. C’est pour éviter ce genre de désagrément que l’on a ajouté à ne le mot pas – au départ, quand la négation se rapportait à un verbe de déplacement, « n’entre pas » signifiant « n’entre pas même d’un pas »…

Les Belges résistent

Avec le temps, l’adverbe pas s’est progressivement appliqué à tous les verbes. Dans certaines formules figées, on utilise néanmoins encore ne sans pas (« qu’à cela ne tienne », « qui ne dit mot consent », « si je ne m’abuse »…). On peut également dire « Elle ne cesse d’y penser », « Il ne sait que faire… », mais la négation la plus courante à l’écrit demeure bien « ne pas ».

A l’oral, en revanche, le discret ne disparaît de plus en plus souvent, ce que les dictionnaires considèrent pourtant toujours comme relevant du registre familier. A noter tout de même qu’en Belgique, ce ne est beaucoup plus résistant. Quand le Français dit « J’y vais pas », son voisin d’outre-Quiévrain s’exclame bien plus volontiers « Je n’y vais pas. »

Les Belges parleraient mieux le français que les Français ? Ce n’est pas impossible. Mais finalement cette tendance à l’effacement du ne en français de France n’est que la suite logique de l’évolution qui a commencé au Moyen Age, quand l’usage a considéré que ce petit ne ne s’entendait pas assez et qu’il lui a adjoint un autre mot (pas) pour assurer une meilleure compréhension… Si maintenant le mot pas suffit à exprimer clairement la négation, il est assez naturel (sinon grammaticalement correct… pour le moment) que le ne soit en voie de disparition. Dans vingt, trente ou cinquante ans, peut-être qu’il ne sera même plus jugé comme familier d’omettre cette partie de la négation. Moi, ça me dérangerait pas !

Muriel Gilbert, Le Monde du 31 juillet 2021

Cette chronique est tirée du livre Vous reprendrez bien… Un bonbon sur la langue ? Partageons le français et ses curiosités ! (La Librairie Vuibert, 2020)

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Cuisine méditerranéenne et joie de vivre

La bonne recette pour une longue vie

La cuisine méditerranéenne est réputée excellente pour la santé, et de nombreux experts affirment que ce mode d'alimentation permet d'allonger la durée de vie. Nous avons fait quelques recherches pour en savoir plus, et Céline Van Loan, qui a pu retourner en France pour la première fois depuis le début de la pandémie de Covid-19, est allée passer quelques jours à Marseille, dans la région de nos origines familiales. Les informations que nous avons obtenues et ce que Céline a pu vérifier sur place le confirment : oui, les ingrédients et les méthodes de préparation des repas dans le sud de la France et des autres régions et pays qui entourent la Méditerranée sont la bonne recette de la longévité.

Mais pas seulement. La très intéressante découverte des "zones bleues", dont deux sont des îles méditerranéennes, nous apprend que le mode de vie joue un rôle peut-être encore plus important que la nourriture. Prendre ses repas sans se presser, en famille ou avec des amis, éviter le stress, avoir des activités physiques agréables et une vie sociale satisfaisante, savoir se détendre, ne pas penser seulement au travail, garder le sens de l'humour et une bonne humeur, et vivre de préférence dans une région ensoleillée, assurent une joie de vivre qui joue un rôle essentiel pour garder une excellente santé, et vivre très longtemps.

La pandémie a remis en question nos habitudes. Peut-être est-il temps maintenant de réfléchir à notre mode de vie et de revenir aux vraies valeurs ? 

Une alimentation qui a fait ses preuves

Quand ma mère est décédée, elle avait 96 ans. Elle n'a jamais eu de grave maladie. Jusqu'à la fin de sa vie, elle buvait au moins un verre de vin rouge ou rosé à chaque repas, et un café le matin. Et elle avait plaisir à boire un pastis en grignotant quelques olives. Née dans le sud de l'Ardèche, où elle a fini sa vie, elle avait habité en Provence quand elle était jeune, et s'y était mariée. Toute sa vie, ma mère a cuisiné comme on le fait à Marseille. C'est-à-dire à base d'huile d'olive, de légumes de son jardin aromatisés de thym, romarin ou laurier, de fruits de mer, de poisson grillé, saucisson, viande sans sauce ou omelette aux chanterelles cueillies dans la forêt, et de fromage de chèvre. Elle n'utilisait jamais de beurre ou de crème pour cuisiner. Elle adorait les fruits, surtout les fameuses pêches d'Ardèche, des melons de Cavaillon ou les raisins de sa vigne sauvage et en mangeait tous les jours, sans addition de crème, glace ou sucre. Si elle se faisait un thé, c'était avec des feuilles de menthe, de camomille et de verveine de son jardin. Toute sa vie, sans le savoir, elle avait adopté le régime méditerranéen qui a sûrement beaucoup contribué à la maintenir en bonne santé et à lui permettre de vivre si longtemps.

La doyenne de l'humanité

En août 1997, le décès de Jeanne Calment à l'âge de 122 ans à Arles, en Provence, ville de sa naissance, avait été une immense surprise. Aucun être humain n'avait jamais vécu si longtemps. En 2018, les faits ont même été contestés. Mais une enquête a confirmé que Jeanne Calment, qui avait 20 ans en 1885 sur la photo ci-dessus, était bien la doyenne de l'humanité. Elle est la seule personne au monde à avoir atteint cet âge. La Française actuellement la plus âgée, qui a eu 117 ans en février 2021, Lucile Randon, est une religieuse qui se fait appeler Sœur André. Comme Jeanne Calment, elle habite en Provence. Elle a attrapé le Covid-19 en janvier 2021 mais elle a rapidement guéri. Elle est aussi la doyenne de l'Europe et a juste un an de moins que l'actuelle doyenne de l'humanité, la Japonaise Kane Tanaka.

En 2021, 27.000 personnes sont centenaires en France. C'est le pays d'Europe qui en a le plus, avant l'Espagne et l'Italie. Une étude de l'Insee a précisé en 2018 que c'est dans la région Provence-Côte d'Azur que la longévité de la population est la plus élevée. On peut noter que c'est aussi la région de France où l'agriculture bio est la plus répandue.

Une garantie de bonne santé

Il est certain que des éléments génétiques interviennent dans la longévité. Mais il est reconnu depuis longtemps que l'alimentation joue un rôle majeur pour la santé, et cela a été surtout constaté dans les zones proches de la Méditerranée : sud de la France, Espagne, Italie, Crête, Grèce, etc. Selon diverses enquêtes qui se recoupent, la diète méditerranéenne, reconnue en 2013 par l'UNESCO, réduit le risque cardio-vasculaire de 30%, ainsi que les risques de diabète et des maladies d’Alzheimer et de Parkinson, et elle cumule tous les aliments recommandés pour prévenir les cancers. Ce qui explique que ces populations vivent plus longtemps.

Depuis mai 2021, et jusqu'à décembre 2023, se tient à Marseille dans le musée MUCEM une exposition, Le grand Mezzé*, qui porte précisément sur ce thème. Céline est allée la visiter. Les fondements et les vertus de l'alimentation méditerranéenne, régimes crétois, italien, provençaux et du monde arabe, y sont examinés en détail.

Cette exposition démontre l'importance des méthodes traditionnelles de préparation des aliments. Et elle incite à réfléchir en posant des questions telles que : Comment préserver une authenticité culinaire géographique et culturelle, tout en la partageant avec le plus grand nombre ? Comment protéger un régime alimentaire sans l’empêcher d’évoluer ?... Le fast food a commencé à faire des dégâts dans les communautés les plus pauvres des pays entourant la Méditerranée, cette expo veut donc encourager un retour à la tradition.

Heureusement, au sud de la France, de plus en plus de gens privilégient les produits locaux, la cuisine faite maison, les produits bons pour la santé. Un mouvement qui s'est accéléré depuis le début de la pandémie de Covid-19, comme l'a constaté Céline pendant son voyage à Marseille. Les étals près du port où les pêcheurs vendent la pêche du jour sont très animés tous les jours et, comme dans toutes les villes de France, c'est au marché de produits frais et régionaux que la plupart des habitants vont faire leurs courses.

*www.mucem.org

Dix principes de base

La fondation Dieta Mediterránea, à Barcelone,* donne une liste de 10 principes à adopter par les personnes qui veulent suivre un régime méditerranéen :

1. Utiliser de l’huile d’olive comme source principale de lipides.
2. Consommer beaucoup de fruits et légumes, de légumineuses (haricots, lentilles…) et de fruits à coque (noix, noisettes, amandes…).
3. Manger tous les jours du pain et des féculents (pâtes, riz ou céréales complètes).
4. Privilégier les aliments non-transformés, frais et produits localement.
5. Consommer tous les jours des produits laitiers, si possible fermentés : yaourts et fromages.
6. Savourer de la viande rouge avec modération.
7. Manger du poisson en abondance, en variant les espèces, et en privilégiant les poissons gras riches en oméga 3 (saumon, truite, anchois, sardine, maquereau).
8. Consommer des fruits en dessert. Les gâteaux et produits sucrés ne sont qu’occasionnels.
9. Boire de l’eau en abondance.
10. Être actif physiquement chaque jour.
 ____
*https://dietamediterranea.com

Vive les pâtes fraîches !

Un exemple de l'avantage de manger des produits frais : les pâtes. Elles peuvent être mauvaises pour la santé si elles sont fabriquées de manière industrielle et si on les mange avec des sauces toutes prêtes. Mais les bonnes pasta italiennes faites maison ou par de petits artisans selon la tradition sont excellentes pour éviter diabète, problèmes vasculaires, et même obésité ! Une série de photos de l'exposition au MUCEM le confirme.

"French Accent Magazine", No 82, août-septembre 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Les "zones bleues"... des gens heureux

En 2000, l'universitaire italien Gianni Pes et le démographe belge Michel Poulain ont fait une découverte très intéressante. Plusieurs villages de la province de Nuoro de l'île italienne de Sardaigne, au cœur de la Méditerranée, rassemblait la plus forte concentration au monde d’hommes centenaires : 10 fois plus que la moyenne aux États-Unis. Ils ont dessiné sur une carte à l'encre bleue la zone recouvrant ces villages qu'ils ont simplement appelée la "zone bleue".

Depuis 2002, avec le soutien de la National Geographic Society, un grand projet de recherche a été lancé pour savoir si d'autres zones bleues existaient dans le monde. À ce jour, seulement 5 sites ont été identifiés : 
- ces villages de montagne de la province de Nuoro, en Sardaigne ;
- l'île grecque d'Ikaria, dans le nord-est de la mer Égée, rattachée à la Méditerranée ;
- l'île japonaise d'Okinawa ;
- la péninsule de Nicoya, au Costa Rica, avec une population métisse d'environ 100 000 personnes ;
- Loma Linda, en Californie, communauté religieuse de 9000 adventistes, qui possèdent une espérance de vie supérieure de plus de 10 ans à la moyenne américaine.

Qu'est-ce qui lie des lieux aussi différents et éloignés ?

Les traits distinctifs de ces zones sont les suivants :
- Les habitants ont une activité physique modérée et régulière tout au long de la vie.
- Leur régime alimentaire est ce qu'on appelle un "semi-végétarisme", largement composé de végétaux, sans sucre ajouté et peu calorique.
- Ils boivent modérément de l'alcool, et privilégient le vin rouge - que tous les experts considèrent le meilleur pour la santé - et ils boivent aussi beaucoup de thé.
- Ils donnent un sens à leur vie, recherchent le bonheur avant tout.
- Ils ont un niveau de stress réduit.
- Ils sont impliqués dans la spiritualité, la religion ou autre engagement qui les unit.
- La famille est le centre de leur vie.
- Ils ont une vie sociale, sont intégrés à leur communauté.
- Ils vivent dans des zones ensoleillées et très aérées.

Les recherches se poursuivent pour identifier d'autres zones. Mais surtout, le mode de vie des habitants des zones bleues a commencé à inspirer des gens qui ont compris que leur vie actuelle n'est pas entièrement satisfaisante. Un mouvement "Blue Zones Project"* a même été lancé et se veut un encouragement à mieux manger, à améliorer son mode de vie, à privilégier le bonheur. Déjà, les communautés qui ont tenté l'expérience dans 4 régions des Etats-Unis ont constaté une amélioration de l'état de santé des habitants, qui leur permettra de vivre plus longtemps.

Un exemple à suivre !

*www.bluezones.com

"French Accent Magazine", No 82, août-septembre 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Le mode de vie des gens du sud : un atout essentiel pour la longévité

Les zones bleues démontrent ce que nous savions déjà très bien : ce n'est pas seulement la cuisine qui aide à rendre la vie meilleure, et à vivre plus longtemps, au bord de la Méditerranée. C'est aussi toute une ambiance, une atmosphère relax, un mode de vie, des relations sociales très différentes de celles des habitants du nord. Ce que les Italiens appellent la dolce vita...

C'est ce que Céline m'a rappelé, avec émotion, en rentrant de Marseille. Toute notre famille française est originaire du sud de la France : l'Ardèche méridionale ou la Provence. Nos vacances de notre jeunesse étaient parfumées au thym et à la lavande ; les sons associaient le chant des cigales au bruit des vagues se jetant sur les rochers ; nos meilleurs repas étaient les aubergines frites à la tomate de ma mère, les tellines au persil et à l'ail que nous ramassions sur les plages de Camargue, et beaucoup d'autres coquillages. Des parfums, des sons et des saveurs que Céline a retrouvés avec bonheur durant ce voyage, et qui ont fait remonter plein de souvenirs. Les courses au marché le matin après une bonne balade dès le saut du lit quand la température est la plus agréable ; les déjeuners à l'ombre dans les ruelles ou près du port ; la petite sieste l'après-midi ; les longs dîners partagés en famille où tout le monde met la main à la pâte ; les soirées à discuter ou à jouer aux cartes en buvant un dernier verre...

Comme les habitants des zones bleues, les Méridionaux savent vivre, et ils le font dans les meilleures conditions possibles. Ils ont aussi un sens de l'humour très communicatif. Ils prennent le temps de faire les choses, de les apprécier. Être en retard ne les stresse pas, la notion du temps est toute relative. S'il fait trop chaud on ne travaille pas l'après-midi. Parmi les priorités de la vie, la famille passe en premier, avant le travail. Et prendre des vacances est essentiel. Les méridionaux ont d'ailleurs ça en commun avec tous les autres Français ! Céline était très surprise de voir, même à Paris, que des patrons de bistrots qui n'avaient pas pu travailler pendant près de 2 ans à cause du Covid-19 fermaient quand même pour les vacances, après avoir réouvert pour seulement quelques jours !

Dans l'exposition sur la diète méditerranéenne à Marseille (voir plus haut), il est bien précisé que le mode de vie des habitants de ces régions, dont les activités physiques et les contacts sociaux lors des repas pris collectivement, est un atout fondamental pour la longévité. Le soleil et la bonne humeur aussi, ce qui est confirmé par de nombreux experts en alimentation. La diète méditerranéenne est donc bien plus qu'un régime alimentaire. Il faut dire que "diète" vient du mot grec "diaita" qui signifie "mode de vie"...

"French Accent Magazine", No 92, août-septembre 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Joséphine Baker au Panthéon : "la consécration d'un destin exceptionnel

Après l’annonce de la prochaine entrée au Panthéon de l’artiste, résistante et militante antiraciste, la presse internationale célèbre une femme d’exception et une décision à la portée hautement symbolique.

“C’est la consécration, lointainement posthume, d’un destin exceptionnel”annonce le quotidien suisse Le Temps. Selon les informations de la presse française, Emmanuel Macron a décidé l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker. Une cérémonie sera organisée le 30 novembre, jour anniversaire de sa naturalisation française (1937), pour célébrer l’artiste, morte en 1975. Sa dépouille devrait toutefois rester à Monaco, où elle est enterrée.

Née dans le Missouri en 1906, Joséphine Baker a connu la célébrité de l’autre côté de l’Atlantique, en France, pour ses fameuses “danses sauvages” – pour lesquelles elle arborait un costume de bananes – et pour ses chansons telles que J’ai deux amours, où elle célébrait son pays de naissance et la ville de Paris.

“La ceinture de bananes de Joséphine Baker est plus connue que son héroïsme de résistante pendant la Seconde Guerre mondiale”, rappelle La Vanguardia, soulignant son rôle d’agent du contre-espionnage, qui lui vaudra d’être décorée. “Mais la phrase qu’elle a alors prononcée (‘C’est la France qui m’a faite ce que je suis ; je suis prête à donner ma vie pour la France’) justifie la panthéonisation […] de celle qui sera ainsi la sixième femme de ce cimetière laïc destiné aux ‘grands hommes’”.

Joséphine Baker s’est par ailleurs investie dans le combat antiraciste et pour les droits civiques aux États-Unis aux côtés du pasteur Martin Luther King.

Le modèle d’intégration français

De nombreux titres de la presse internationale insistent sur son statut de “première femme noire” à entrer au Panthéon. “Un geste symbolique sur fond de tensions raciales en France”, avance le New York Times : "Le transfert de Joséphine Baker a une portée hautement symbolique dans une France secouée par une intense guerre culturelle autour de son modèle d’intégration, où les questions de genre et d’appartenance raciale divisent le long de nouvelles lignes de front politiques.”

Pour le journaliste du quotidien américain, la décision d’Emmanuel Macron vise à lui accorder du crédit sur cette question sociétale en vue de l’élection présidentielle de 2022, “mais cette annonce pourrait aussi venir jeter de l’huile sur le feu de la polémique sur le modèle d’intégration français, alimentée récemment par le gouvernement lui-même.”

“Avec d’autres artistes ou écrivains noirs américains — notamment Richard Wright et James Baldwin —, Joséphine Baker disait avoir trouvé en France une liberté qui lui était refusée aux États-Unis”, ajoute le titre.

Le 30 novembre, Joséphine Baker sera la 81e personnalité à figurer au Panthéon. Cinq autres femmes y sont déjà entrées : les scientifiques Sophie Berthelot et Marie Curie, les résistantes Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion, ainsi que la femme politique Simone Veil.

Antoine Cuny-Le Callet, Courrier International, 23 août 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Les premiers candidats en piste pour les présidentielles

Le saint Graal de la politique française est, bien sûr, le poste de président. On ne s'ennuie jamais à observer le bal des prétendants qui se bousculent dans les sondages avant de déclarer leur candidature, surtout en France où le processus d'élection d'un président diffère considérablement de celui des autres pays. La France a ce que l'on peut décrire comme un hybride de système parlementaire avec un premier ministre et un pouvoir exécutif détenu par un président qui, au titre de la Constitution, a l'autorité d'un chef d'État. Le système français a souvent été qualifié de "semi-présidentiel", et il est assez unique. Aucun autre système actuel en Europe ou en Amérique du Nord ou du Sud ne présente un tel amalgame de partage du pouvoir. Une autre particularité du mode d'élection du président français est que, contrairement aux États-Unis où c'est un collège électoral désuet et souvent dénigré qui a le dernier mot pour désigner un président lors des élections, le président français est élu par les citoyens au suffrage direct et universel.

La France a également une approche multipartite pour élire un président, dont le résultat conduit à un nombre beaucoup plus important de candidats, tant de partis de longue date que d'une myriade de petits mouvements et partis politiques en constante évolution. Lors de l'élection de 2017, par exemple, onze candidats représentant l'ensemble du spectre politique se sont qualifiés pour figurer sur le bulletin de vote pour le premier tour de scrutin. Nous pouvons nous attendre à un nombre similaire pour le premier tour qui aura lieu au printemps prochain, le 10 avril 2022.

Une autre spécificité du système français est qu'un candidat à la présidence peut en théorie être élu dès le premier tour s'il obtient plus de 50 % des suffrages exprimés, ce qui n'est jamais arrivé sous la Cinquième République. En réalité, les deux candidats ayant obtenu le plus grand pourcentage de voix au premier tour s'affrontent au second tour (24 avril).

Les spéculations vont bon train sur les candidats qui s'opposeront au second tour. Bien qu'Emmanuel Macron n'ait pas encore annoncé officiellement qu'il se représenterait, les observateurs et le public sont certains qu'il sera candidat à sa réélection et qu'il se retrouvera face à face avec un opposant au second tour. Au 1er octobre, il y avait 29 candidats officiellement annoncés, dont certains ont déjà commencé à faire campagne. Ce nombre sera largement réduit avant le premier tour, car tous les candidats potentiels doivent avoir le parrainage d'un minimum de 500 élus du pays pour que leur candidature soit officiellement validée.

Parmi les candidats qui seront intéressants à suivre, citons Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise), qui en est à sa troisième participation à l'élection présidentielle ; Xavier Bertrand (Divers droite), qui a été ministre du travail sous Nicolas Sarkozy ; Yannick Jadot (EELV), qui a récemment remporté une élection primaire des écologistes ; Fabien Roussel (PCF), le premier candidat du Parti communiste français depuis 2007 ; Nathalie Artaud (Lutte ouvrière), qui représentait le Parti ouvrier lors des deux précédentes élections ; et Michel Barnier, le négociateur de l'UE pour les négociations du Brexit, qui a annoncé qu'il participerait à un congrès du Parti républicain, sorte de primaire qui ne permettra qu'aux membres du parti (et non à tous les sympathisants comme lors des primaires traditionnelles) de désigner leur candidat. Quatre autres membres du parti se disputeront la première place, dont Valérie Pécresse, l'actuelle présidente de la région Île-de-France. Précisons que Xavier Bertrand a refusé de participer au congrès des Républicains et sera candidat quel que soit le choix du parti ; Anne Hidalgo, la maire de Paris, a été choisie comme candidate du Parti socialiste et Marine Le Pen du parti d'extrême droite, le Rassemblement national. Marine Le Pen avait affronté Macron au second tour en 2017, mais elle a adouci sa position sur plusieurs sujets pour se donner une meilleure image auprès des électeurs.

Pendant une grande partie de l'été et de l'automne, tout laissait supposer que le duel Macron-Le Pen serait un remake de l'élection 2017 et qu'ils s'affronteraient à nouveau au second tour. Jusqu'à ce qu'un autre candidat potentiel d'extrême-droite apparaisse comme un probable trouble-fête. Le journaliste et polémiste Éric Zemmour était, jusqu'à récemment, un commentateur politique à CNews, l'équivalent français de Fox News, où il étalait sans vergogne ses opinions sur l'immigration, l'islam et l'identité française dont il avait déjà fait étalage dans ses deux livres, des best-sellers en France. Il s'est taillé la place de l'idéologue d'extrême droite le plus célèbre de France et s'est rapidement constitué un solide soutien de partisans enthousiastes. Le 4 octobre dernier, il a tenu un rassemblement politique dans la salle de concerts du Palais des Congrès à Paris et, pour la première fois depuis que la salle avait affiché complet lors de la tournée d'adieu de Charles Aznavour en 2018, ses partisans ont rempli la totalité des 3 700 sièges. Son discours incendiaire et son regard hypnotique associés à ses vues très "Make France Great Again" à la Trump ont clairement un effet sur une partie de l'opinion publique, tandis qu'un nombre impressionnant d'autres Français l'abhorrent. Il marche directement sur les platebandes de Marine Le Pen, lui faisant perdre, selon des sondages récents, une partie de son électorat. Si Zemmour déclare sa candidature aux élections présidentielles, il pourrait très bien priver Le Pen de la deuxième place au premier tour du scrutin. Si tel était le cas, Macron pourrait se retrouver face à face avec à un adversaire totalement différent au second tour, ce qui, selon qui sera son challenger, pourrait s'avérer extrêmement problématique pour lui.

Roger Stevenson, "French Accent Magazine", No 93, octobre-novembre 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Marseille, une ville unique au monde

"Vous savez, ici à Marseille, nous sommes un peuple très mélangé de nationalité, de culture et de religion différentes et je peux vous dire que l’intégration se fait très bien ici !", nous raconte Kamel, notre chauffeur Uber, en agitant ses mains. En effet, Marseille est une ville aux visages très différents, un vrai melting pot de familles de générations d’immigrants (italiens, algériens, corses, marocains, tunisiens, libanais…) riches d’histoires et de passés nostalgiques. D’une rue à l’autre, on se retrouve dans un autre monde comme si on était à Alger.

Des contrastes fascinants

Les contrastes de cette ville sont fascinants ! Vous pouvez flâner dans des quartiers très chics en admirant d’impressionnants bâtiments style Haussmannien tout en faisant du lèche-vitrines de boutiques tendance et de luxes dans les rues piétonnes.

Ou bien, vous pouvez voyager dans l’exotisme en rencontrant des femmes voilées vêtues de magnifiques robes de couleurs vives. Entre elles, la communication se fait en langue arabe.

Je me souviens aussi que le chauffeur Uber nous a expliqué que les Marseillais sont les gens les plus rebelles de France. On le remarque avec les multitudes de graffitis et de tags dans toute la ville. Les Marseillais n’ont pas peur de s’exprimer. Ils sont certainement rebelles mais, pendant notre séjour de 5 jours à Marseille, nous n'avons rencontré principalement que des gens chaleureux, serviables et qui s’assuraient que nous allions aimer leur ville.

C’était la première fois que j’avais mis les pieds à Marseille et, avec Marty, nous sommes restés dans un quartier loin des touristes, à quelques arrêts de tram du grand et magnifique port, et à quelques pas du plus grand marché de France. Les Marseillais aiment utiliser les superlatifs : la plus belle ville, le plus beau port, les gens les plus accueillants, la ville la plus vivante et ensoleillée de France, la cuisine la plus fraîche et inventive et, bien sûr, la meilleure équipe de foot de France.

Ils sont fiers et ils ont raison de l’être, c’est très facile de tomber sous le charme de cette ville. Marseille profite d’une géographie exceptionnelle entre la mer Méditerranée et les collines. C’est avant tout un magnifique coin de Provence avec un port grandiose qui vous coupe le souffle.

Lorsque nous sommes arrivés au port pour la première fois, nous avons eu l’impression d’être entrés dans une scène de film. Je n’avais jamais vu autant de bateaux de plaisance rassemblés. Tout le long du port, on trouve une multitude de restaurants qui offrent de somptueux plats de fruits de mer et de poissons.

Pour ajouter encore à la beauté de la ville, le musée Mucem, à l'architecture incroyable et atypique, surplombe la mer. Et de l’autre côté du port, la Vierge Marie perchée sur la basilique Notre-Dame de la Garde veille sur la ville et grâce à elle, les Marseillais se sentent protégés.

Il y a tellement de choses à découvrir à Marseille, mais ce que j’ai préféré c'était de passer quelques jours dans l’ambiance chaleureuse provençale. Le pastis, les parties de pétanque, les hommes et les femmes assis sur les bancs en train de refaire le monde, les marchands de poissons fidèles à leur poste au port à l’aube, les cigales qui chantent et le soleil nous disent de prendre une vraie pause de notre vie intense et bousculée, et de profiter de la vie. C’est exactement ce que nous avons fait.

L'un des bonheurs de Marseille est la cuisine qui est tellement fraîche et variée. Il y a de vraies petites merveilles. Certains des restaurants sont difficiles à trouver car on ne voit pas d’enseigne ou alors elle est cachée. Grâce à cette ville multiculturelle, on se régale avec tellement de possibilités : des couscous, de la cuisine italienne, libanaise, des grands plateaux de fruits de mer et bien sûr la célèbre bouillabaisse. On a goûté une spécialité qui s’appelle les panisses à base de pois chiches, ça se mange très facilement pendant l’apéritif accompagné d’un "jaune" - c’est le mot que les gens du sud de la France utilisent pour le pastis.

Il faut rester quelques jours à Marseille rien que pour voir les points touristiques principaux. La première chose à faire est de visiter le port, puis d'aller faire un tour dans le petit train touristique qui nous amène, en premier lieu, sur la magnifique corniche, une route qui longe le bord de mer d’un côté. Et de l'autre côté, des collines où de grandioses villas surplombent la Méditerranée. C’est le Malibu de Marseille. Puis, le petit train nous conduit jusqu’en en haut de la Basilique pour découvrir un panorama époustouflant de la ville tout entière.

Un musée exceptionnel

Depuis le port, on peut marcher jusqu’au Musée Mucem, Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, créé en 2013, et y passer des heures. Même si vous n’avez pas le temps d’aller visiter toutes les expos dans le musée, il faut au moins prendre le temps de visiter les lieux et même prendre un verre sur la terrasse (voir p. 15). La vue sur la mer et le port est impressionnante et l’architecture du musée est fascinante. Pour plus d’informations sur le musée :
www.mucem.org

Une autre visite incontournable est le quartier du Panier, le plus ancien de Marseille, qui rassemble les artistes et de très bons petits restaurants. On y découvre des ruelles colorées et mythiques avec de charmantes places typiquement provinciales où les locaux se retrouvent pour jouer à la pétanque.

Les calanques

N’oublions pas les célèbres calanques : 20 kilomètres de petites criques, falaises et d’eau claire bleue turquoise. On a l’impression d’avoir pris un vol vers une île en Thaïlande.  C’est une petite aventure seulement pour y accéder ! Il faut soit marcher pendant une bonne heure pour arriver à une plage, soit y aller en bateau.

Et enfin, si vous avez lu le roman Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas, vous devez aller visiter le Château d’If qui est une forteresse sur une île qui a servi principalement de prison (comme Alcatraz) et qui est devenu célèbre grâce au roman.

Notre séjour à Marseille a été une magnifique découverte remplie de belles surprises. Mais ce qui m’a le plus marquée est la joie de vivre constante de ce peuple multiculturel. Bien sûr, la ville a aussi ses problèmes et les gens les règlent à leur façon mais on sent qu’ils se respectent entre eux et qu’ils aiment leur ville inconditionnellement. Si vous n’êtes jamais allé à Marseille, je vous conseille vivement de la rajouter à votre itinéraire lors d'un prochain voyage en France !

Céline Van Loan

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Le chic français n'est pas une question de choix de vêtements et c'est exaspérant

Le style français est moins lié aux vêtements qu’à une certaine façon de les porter, observe une chroniqueuse du Guardian. Un art du chic fondé sur la confiance en soi et la mise en scène de sa personnalité, très agaçant pour nos voisins britanniques.

Si les opinions divergent sur ce qu’est au fond le chic féminin français, tout le monde s’accorde à le trouver un peu irritant. Pour certains, cela consiste à porter simplement un blazer bleu marine discret à la coupe impeccable, avec une petite frange sexy qui tombe sur les yeux. Pour d’autres, c’est un tailleur jupe bien ajusté, un chignon et un nuage de Chanel No 5. Cela peut être aussi une jupe crayon ou un jean blanc usé, des talons aiguilles ou des bottes de motard, selon la personne interrogée. La seule chose ou presque sur laquelle tout le monde s’accorde, c’est que cette impression que donnent les Françaises de toujours faire mieux que les autres est énervante…

En fait, c’est parce que le style vestimentaire français, si difficile à cerner, n’est pas du tout une question d’habillement, mais bien davantage de confiance en soi. C’est cela qui donne aux autres, comme nous, l’impression d’être en danger et qui nous pousse à la défensive.

Une manière d’ouvrir son sac ? Pardon ?

“Le style français a trait à une certaine forme d’arrogance que j’adore”, confie la chanteuse et actrice Lou Doillon dans Vogue : Les Françaises ont un extraordinaire respect d’elles-mêmes. Les couvertures des magazines ont beau leur dire : ‘Voilà ce que vous devriez porter’, elles adoptent leur propre style.”

“Pour une Parisienne, la mode n’est pas l’expression ultime d’elle-même, mais un aspect complémentaire de son état d’esprit, de ses talents et de ses opinions. Nul besoin, par conséquent, de tomber dans l’extravagance. Ce qui est fascinant, c’est la façon dont les vêtements sont portés et la manière dont ils sont habités,” écrit Lindsey Tramuta, une auteure américaine, qui vit à Paris depuis quinze ans.

Pour Carine Roitfeld, ancienne rédactrice en chef de la version française de Vogue, le style c’est “une certaine manière d’ouvrir son sac, de croiser les jambes - des petites choses qui font toute la différence”. Une manière d’ouvrir son sac ? Que veut-elle dire par là ? Je ne sais pas, mais je suis sûre que la façon que j’ai d’ouvrir le mien (d’un coup sec, en cherchant fébrilement mes clés avec la grâce d’un renard en train de déchiqueter un sceau du KFC) ne correspond pas à ce qu’elle dit.

S’habiller comme on emballe un cadeau d’anniversaire

La confiance en soi, c’est sortir en portant des chaussures qui permettent de marcher confortablement et avec élégance, qu’importe que ce soient des Stan Smiths ou des Christian Louboutins. C’est porter du bleu quand le rose est à la mode, tout simplement parce que vous aimez cette couleur et qu’elle vous va bien. C’est apporter le même niveau d’attention aux détails, pour être correctement habillé toute la journée, qu’à l’emballage d’un cadeau d’anniversaire ou à la préparation d’un rôti le dimanche. Certes, ce sont des riens mais ce sont ces petits riens qui, en fin de compte, font les grandes choses de la vie.

La confiance en soi c’est également le point commun que partage Emily avec sa patronne Sylvie et sa copine Camille, dans la série télévisée Emily in Paris, bientôt de retour sur les écrans. C’est ce qui rend le Paris pantomime d’Emily (pain au chocolat dans une main, Chanel 2.55 dans l’autre) aussi adorable qu’exaspérant. C’est la chevelure parfaitement coiffée au réveil de Camille. C’est ce qui fait que Sylvie, avec ses robes noires toutes simples, paraît si éblouissante.

Refuser les tendances

Bien que le style français soit souvent décrit comme un cliché, c’est la façon moderne de s’habiller, le contraire de la mode éphémère (fast fashion). C’est choisir une robe de soirée qui vous flatte et vous met en valeur, et la garder dans votre garde-robe, en sachant que, grâce à elle, vous aurez le temps de vous détendre autour d’un verre au retour du travail car dix minutes vous suffiront pour vous préparer en vue d’une fête, au lieu de chercher dans la panique une tenue pour finalement vous rabattre sur quelque chose de nouveau et bien brillant. C’est aimer la mode sans se laisser dicter par les tendances.

Le style français, c’aurait été se souvenir des sages paroles de Carine avant que je ne me mette à retourner mon sac de fond en comble pour réaliser finalement que mon téléphone était dans la poche arrière de mon pantalon, comme d’habitude. Ce qui est irritant avec le style des Français, c’est qu’ils ont toujours raison !
Jess Cartner-Morley

Courrier International du 28 novembre 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Jeux Olympiques 2024 à Paris - La Seine au coeur du spectacle

JO Paris 2024 : la Seine sera le théâtre de la cérémonie d’ouverture des Jeux, devant 600 000 personnes

Les organisateurs ont dévoilé, lundi 13 décembre, leur concept de « Seine olympique » : les 10 500 athlètes défileront, le 26 juillet 2024, sur des bateaux, devant les spectateurs massés sur les quais du fleuve parisien.

La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 s’annonce spectaculaire, grandiose, unique. C’est en tout cas ce que promettent les images dévoilées lundi 13 décembre par le Comité d’organisation (COJO) de Paris 2024. Le 26 juillet 2024, pour la première fois de l’histoire olympique, une cérémonie d’ouverture se déroulera hors d’un stade. Ce n’est pas une surprise : Tony Estanguet, le patron de Paris 2024, l’avait dit début 2021, révélant alors que la Seine serait le fil conducteur de l’événement.

Emmanuel Macron avait réaffirmé l’ambition pendant l’été, lors des Jeux olympiques de Tokyo. On en sait désormais un peu plus sur les détails de la cérémonie. Le fleuve parisien sera donc le théâtre à ciel ouvert du spectacle. Sur six kilomètres, entre le pont d’Austerlitz et le pont d’Iéna, défileront 160 bateaux emmenant à bord les 10 500 athlètes des quelque 200 délégations participant aux Jeux, du 26 juillet au 11 août 2024.

Au moins 600 000 spectateurs pourront assister à cette cérémonie ; les préfectures de police et de région, la délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques, le ministère de l’intérieur, la Ville de Paris et le Comité d’organisation se sont accordés sur la « faisabilité » du projet, explique ce dernier. « Nous continuerons, dans les semaines qui viennent, à travailler avec les autorités publiques afin d’optimiser cette jauge », assure le COJO dans un communiqué.

80 écrans géants

Sur les quais bas du fleuve, où seront installées des tribunes payantes, la sécurité incombera au COJO, comme à l’intérieur de n’importe quel site olympique ; sur les quais hauts, en accès libre donc gratuit, elle relèvera des pouvoirs publics, qui pourraient faire appel à l’armée pour l’assurer.

« On a cartographié chaque mètre carré de la Seine, un document qu’on a remis aux groupes de travail », fait valoir Thierry Reboul, le directeur exécutif marques, événements et cérémonies de Paris 2024.

Si quelque 600 000 places seront accessibles pour assister à cette cérémonie – soit « dix fois le Stade de France en configuration olympique », se plaît à souligner M. Reboul –, combien d’entre elles seront payantes ? « Il y aura plus d’entrées que dans le Stade de France, et plus de places gratuites que de payantes », élude Michaël Aloïsio, le directeur de cabinet de Tony Estanguet. La précision n’est pas inutile quand la volonté des organisateurs est de « démocratiser la cérémonie d’ouverture des Jeux ».

Paris promet que la fête sera totale pour les spectateurs : 80 écrans géants seront disposés tout au long du parcours, entièrement sonorisé, qui permettra aux spectateurs de suivre le passage des délégations et les démonstrations artistiques. Fait inédit, la cérémonie commencera par le défilé des athlètes, qui pourront donc assister et participer au spectacle, contrairement aux éditions précédentes. La flamme olympique sera allumée à la nuit tombée au Trocadéro, en face de la tour Eiffel, où sont attendus 120 chefs d’Etat et de gouvernement dans les tribunes officielles.

Niveau d’ambition élevé

« Nous serons devant un patrimoine fantastique, s’enthousiasme Thierry Reboul, citant entre autres la cathédrale Notre-Dame, le Pont-Neuf, les Musées du Louvre et d’Orsay, le jardin des Tuileries. Pas besoin de reconstituer un décor comme dans un stade, on va pouvoir se concentrer sur la partie artistique. »

Les organisateurs promettent du spectacle : sur l’eau, sur les ponts, en l’air, sur des supports fixes et mobiles. Des hologrammes, un orchestre symphonique flottant, des danseurs sur les toits, des drones pour certains spectacles artistiques… Paris 2024 veut, pendant les sept heures que durera la cérémonie d’ouverture, étinceler aux yeux du monde entier – un milliard de téléspectateurs sont attendus.

Nicolas Lepeltier, Le Monde du 13 décembre 2021

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Les effets imprévus, et positifs, de la crise sanitaire

Il est inévitable qu'une crise sanitaire mondiale comme celle du Covid-19 entraîne des changements profonds dans les pays et sociétés touchés. De nombreuses conséquences du virus ont été négatives et désastreuses, et la plupart des analyses et des articles des médias grand public ont tendance à se concentrer sur la façon dont les choses ont empiré par rapport à la période pré-pandémique. Et pourtant, cette crise a donné naissance à des changements de comportement et d'attitudes étonnamment réconfortants et positifs, peut-être plus répandus et encourageants en France que dans la plupart des autres pays développés.

Il est vrai que le Covid-19 a eu de graves conséquences en matière économique et sociale, et le mécontentement du public quant à la manière dont le gouvernement français a géré la crise est un sujet de discussion et de critique majeur dans les réseaux sociaux. Le président Macron n'obtient qu'un faible taux de satisfaction générale de 40 %, et 61 % des Français n'apprécient pas la façon dont le gouvernement a géré la pandémie. Ils sont néanmoins très majoritairement satisfaits de la couverture santé (78 %) et des protections sociales (81 %) offertes par le gouvernement, qui ont joué un rôle important dans la compensation des conséquences financières de la crise sanitaire.

Le Covid-19 et les ravages qui en découlent ont fait le jeu de l'extrême droite française. Marine Le Pen et Eric Zemmour clament tous deux que la France, autrefois un grand pays, est en plein déclin et ils jurent, à la Trump, de lui rendre sa grandeur d'antan. Des sondages récents suggèrent que près de 35 % des électeurs sont prêts à voter pour l'un des candidats d'extrême droite. Le chercheur en sciences sociales Pascal Perrineau, récemment cité par le New York Times, a déclaré que la vision du monde de Zemmour s'adressait directement à un pessimisme profondément enraciné : "Nous sommes l'un des pays les plus pessimistes au monde. Ajoutez-y une aliénation de la classe politique, un nationalisme replié sur lui-même et une inclinaison française à renverser la table, et vous avez le phénomène Zemmour."

Heureusement, tous les Français, de loin, ne partagent pas la même vision. En contradiction évidente avec la rhétorique de Zemmour, une majorité probante de citoyens ont exprimé l'opinion que le Covid-19 les a rapprochés entre eux et leur a permis de prendre conscience des façons de vivre des autres habitants et du fait qu'ils sont tous, quel que soit leur lieu de naissance, fondamentalement les mêmes. Lors d'un récent séjour de trois semaines à Paris, nous avons été agréablement surpris par les changements positifs dont nous avons entendu parler, et dont nous avons été les témoins directs. Certes, les mois de confinement et de travail à distance ont, dans bien des cas, exacerbé des situations déjà ténues, mais un renforcement des valeurs et des pratiques familiales semble s'être produit. La tradition de prendre ses repas en famille et de maintenir de forts liens sociaux a, dans la plupart des cas, été renforcée. Les gens apprécient davantage les amis proches et la famille, et leur comportement a évolué dans un sens positif. Nous avons eu la nette impression que les Français sont beaucoup plus ouverts et attentifs aux autres, plus disposés à offrir un sourire à un étranger qui passe, à proposer un siège à un passager âgé dans le métro ou à entamer une conversation dans un musée ou un restaurant. Ils ont également accepté et respecté de bon cœur certaines des restrictions gouvernementales visant à freiner la propagation du virus, telles que la présentation du Pass sanitaire dans les restaurants, les musées, les cinémas, etc., et tout le monde porte un masque dans les transports publics, y compris les taxis et les voitures Uber. Il existe toujours un petit mouvement insignifiant de gens qui manifestent contre les masques et l'obligation de vaccination tous les samedis dans les grandes villes, mais le pourcentage de Français entièrement vaccinés est actuellement de 71 %, contre seulement 60 % pour les États-Unis ─ le deuxième taux le plus faible des grands pays industrialisés ─ et 70 % pour le Royaume-Uni.

La pandémie a également incité beaucoup de gens à laisser leur voiture à la maison et à se déplacer à vélo ou à trottinette électrique. Pour répondre à la demande croissante de conditions de circulation plus sûres, les municipalités ont déployé de gros efforts pour mettre en place des pistes cyclables et dévier le trafic automobile. Les résultats sont impressionnants : de plus en plus de Parisiens ont recours au transport à deux roues pour se déplacer dans la ville. Bien qu'au départ des articles de journaux avaient crié au chaos, affirmant que les piétons craignaient pour leur vie en évitant les nombreux cyclistes et les trottinettes lorsqu'ils traversaient la rue de Rivoli, nous avons eu la nette impression qu'aujourd'hui tout le monde s'est adapté et a appris à vivre avec ces changements. Il faut simplement faire un effort pour modifier légèrement sa façon de traverser la rue. Le résultat final ne peut être qu'une plus grande mobilité, moins d'embouteillages et des transports moins chers et non polluants.

On constate aussi un regain de popularité pour le bio et une réelle volonté d'acheter des aliments produits localement. Les ventes de produits bio ont explosé au cours des deux dernières années. Une autre évolution intéressante est que la coutume de commander des repas à livrer à domicile est devenue une habitude née du Covid-19. Dans tout Paris, des groupes de jeunes gens qui travaillent pour des services de livraison en ligne se rassemblent à divers endroits stratégiques de la capitale, surveillant avidement les nouvelles commandes sur leur app de smartphone tout en bavardant et en partageant leurs expériences. Le recyclage en tant que moyen de réduire les déchets et de respecter l'environnement est également très présent dans la capitale, et le recyclage des vêtements d'occasion, qui connaît un vrai boost, est une évolution intéressante dans une ville où les produits de luxe et la haute couture sont habituellement la norme. Même les grands magasins comme les Galeries Lafayette et le BHV ont mis bien en vue des rayons de vêtements "vintage chic" qui connaissent un grand succès auprès du public, surtout des jeunes - un changement remarquable.

Il est normal que la pandémie de Covid-19 ait provoqué de profondes modifications, et elle continuera d'affecter nos vies dans les mois et les années à venir. Il se peut qu'il y ait aussi des changements fondamentaux dans nos institutions politiques et dans le comportement humain qui, nous ne pouvons que l'espérer, seront positifs. Compte tenu de ce que nous avons vu en France récemment, nous croyons pouvoir prédire en toute confiance que les aspects positifs finiront par l'emporter sur les aspects négatifs.

Roger Stevenson, "French Accent Magazine", No 94, décembre 2021 - janvier 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La tradition française du juron

De l’“escadrille” de Chirac à “Casse-toi, pauv’ con”, la tradition française du juron politique

“Emmerder” est trop grossier pour qu’Emmanuel Macron l’ait laissé échapper à la légère, avance le journaliste britannique John Lichfield, en rappelant des cas de mots peu élégants lancés par ses prédécesseurs.

En 1815, c’est par le mot “Merde ! qu’un général français, Pierre Cambronne, répondit sur le champ de bataille de Waterloo à un général britannique qui lui suggérait de se rendre.

Depuis lors, des termes grossiers ou argotiques défigurent de temps à autre (mais seulement de temps à autre) ou égaient l’univers empesé du “discours officiel” en France.

Ainsi, dernièrement, le président Emmanuel Macron, dont le langage dense, académique et directif est souvent raillé, a utilisé une expression quelque peu triviale lors d’un entretien accordé à un journal, ce qui a fait hurler et se pâmer d’indignation ses opposants politiques.

“Mot de Cambronne”

Le “gros mot” employé par Emmanuel Macron est un dérivé de “merde”, ce mot utilisé à Waterloo que l’on désigne toujours en français sous l’expression de “mot de Cambronne”, pour être poli. Le président a déclaré qu’il menait une politique visant délibérément à “emmerder” les 8 % de Français qui ne sont pas vaccinés, afin de les harceler pour qu’ils se protègent, et protègent les autres, contre le Covid-19.

Il a en fait employé le terme à trois reprises dans une longue réponse faite lors d’une séance de questions-réponses avec des lecteurs du journal Le Parisien. À la question d’une employée d’une maison d’accueil pour personnes âgées, qui lui demandait comment il comptait réduire le nombre de personnes non vaccinées, qui occupent 85 % des lits en réanimation, il a répondu : “On la réduit [la petite minorité réfractaire], pardon de le dire comme ça, en l’emmerdant encore davantage. Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc, on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie.”

Une image moins “jupitérienne”

La répétition du mot laisse penser qu’il ne s’agit pas d’une erreur ni d’un accident. Des personnalités politiques et des hauts fonctionnaires proches d’Emmanuel Macron ont d’ailleurs depuis confirmé qu’il s’agissait d’un choix délibéré de la part du président d’utiliser un langage plus percutant et plus populaire. Non seulement il voulait que le message passe, mais il souhaitait aussi se donner une image plus terre à terre et moins “jupitérienne” (pour reprendre le qualificatif employé par Emmanuel Macron lui-même au début de sa présidence et qui lui avait valu de nombreuses moqueries).

Je le soupçonne aussi d’avoir utilisé ce mot pour tendre un piège à l’opposition. Si c’est le cas, on peut dire que cela a fonctionné à merveille. Ses opposants l’ont accusé de “trumpiser” le discours politique français et de se comporter comme un “petit dictateur”.

Pour de nombreux hommes politiques de l’opposition, notamment du centre droit, cette seconde accusation n’est pas cohérente avec leur position. En effet, ils soutiennent, en théorie, la décision d’Emmanuel Macron de transformer le pass sanitaire actuel (qui conditionne l’accès à de nombreuses formes de divertissement et les possibilités de voyager) en un véritable “pass vaccinal”, qui interdira les bars, les restaurants, les théâtres, les cinémas et les voyages aux non-vaccinés.

Emmerdes présidentielles

L’autre accusation – selon laquelle Macron a dévalorisé ou “trumpisé” le registre de langage qui sied à un chef d’État – est également tirée par les cheveux. Même si l’on n’imaginerait sans doute pas de tels mots dans la bouche de la reine Élisabeth, Emmanuel Macron n’est pas le premier président français à les employer.

Pour preuve, la célèbre phrase “Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille” a été prononcée lorsqu’il était président par le défunt Jacques Chirac, qui fait encore office de figure paternelle pour bon nombre des représentants du centre droit qui font aujourd’hui semblant de s’offusquer.

Quant à Georges Pompidou, alors qu’il était le Premier ministre de Charles de Gaulle, en 1966, il avait appelé son gouvernement à lutter contre la paperasserie administrative en ces termes : Il faut arrêter d’emmerder les Français.”

Lorsqu’il était président, en février 2008, Nicolas Sarkozy, une autre figure tutélaire du centre droit, a été filmé en train d’insulter une personne de l’assistance qui refusait de lui serrer la main, et à laquelle il a lancé : “Casse-toi, pauv’ con !”

Stratégie de campagne

Même Charles de Gaulle a choqué (et ravi) la nation lors d’un entretien télévisé entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1965. Certes, on n’y voit pas de Gaulle en train de jurer, mais le président, connu jusqu’alors pour sa diction auguste et austère, se lance dans une longue métaphore sur l’état du pays en employant la façon de parler d’un pilier du bar du Commerce.

Selon lui, le pays, c’est comme une maîtresse de maison, qui veut le progrès (une machine à laver, un aspirateur, et même une auto) mais pas “la pagaille” avec un mari qui “s’en aille bambocher de toutes parts”.

Par la suite, on a considéré que cette descente verbale de De Gaulle de l’Olympe avait fait partie des éléments importants qui lui avaient permis de battre le candidat socialiste, François Mitterrand, au second tour de la présidentielle, quelques jours plus tard.

Le terme grossier employé par Emmanuel Macron lui fera-t-il aussi gagner des voix en avril prochain ? Ou va-t-il emmerder plus de gens que souhaité ?

Ambiguïté

Selon moi, ni son langage ni sa stratégie de harcèlement des non-vaccinés ne devraient lui porter vraiment préjudice. Au contraire, cela va ravir les millions de Français vaccinés qui se sentent eux-mêmes “emmerdés” par les mensonges et les dissimulations des non-vaccinés.

Macron a tout de même pris un risque. Son langage “risqué” est celui de quelqu’un qui fait campagne sans se contenter de gouverner. L’équipe de Macron l’a admis en grande partie, en soulignant que le choix d’une façon de parler moins ampoulée était délibéré.

Emmanuel Macron n’est pas encore officiellement entré en lice pour l’élection [présidentielle] d’avril. Il a confié aux lecteurs du Parisien mardi qu’il était “impatient” de se représenter, mais souhaitait attendre une atténuation de la crise sanitaire pour se déclarer.

Cela fait maintenant plus d’un mois qu’il entretient l’ambiguïté. Il va d’ailleurs finir par “emmerder” les Français si cela continue !

John Lichfield, Politico Bruxelles, 5 janvier 2021

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Un nouveau master en gastronomie

A Sciences Po Lille, un master pour apprendre à « boire, manger et vivre »

Cette nouvelle formation proposée par l’institut d’études politiques lillois aborde les questions sociétales, les enjeux environnementaux et les relations internationales à travers le prisme de l’alimentation.

Benoît Lengaigne, maître de conférences en sciences économiques, aime raconter la réaction des étudiants de Sciences Po Lille lorsqu’il leur a présenté le nouveau master « boire, manger, vivre » (« BMV ») : un « éclat de rire général »… suivi d’un tonnerre d’applaudissements. Depuis, dans les couloirs de l’établissement, les 15 étudiants sélectionnés, sur les 70 candidatures pour cette première promotion, sont jalousés par leurs autres camarades de master. « On s’est lancés dans cette majeure sans savoir ce qui allait y avoir dedans, mais c’est passionnant, confie Clémence Ricart, étudiante ambassadrice du master BMV. Je mange, je dors, je bois BMV. C’est un master qui nous réunit par une passion : le monde de la gastronomie et de la food. »

Avec un enthousiasme communicatif, ses camarades ajoutent : « Avec l’urgence climatique, l’alimentation va être au cœur des enjeux mondiaux. » Les projets de mémoires des étudiants lillois sont d’ailleurs ancrés dans la société de demain : l’aquaculture comme réponse éventuelle à la surpêche, le pouvoir des labels bio, la viande végétale, etc. Au-delà de l’intitulé peu académique de ce master, c’est bien l’ADN de Sciences Po que l’on retrouve dans cette formation. Histoire de l’agriculture et de l’alimentation, sécurité alimentaire dans l’Union européenne, politiques agricoles, stratégie des industries agroalimentaires…

« BMV, ce n’est ni le guide Michelin ni le BDE [bureau des étudiants] en goguette, prévient Benoît Lengaigne, qui fut directeur de Sciences Po Lille de 2015 à 2019. J’ai voulu aborder l’alimentation comme un fait social général. » En plaçant l’alimentation au cœur de sa maquette pédagogique, cet économiste, qui a grandi dans l’entreprise familiale de négoce de vins à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), voulait aborder les thèmes liés aux nouvelles manières de produire, de consommer, de préserver et d’échanger les nourritures. Tout cela dans une perspective internationale. « Pour des élèves de 20 ans, c’est l’un des meilleurs moyens d’allumer leur flamme pour qu’ils aient envie de changer ou de sauver le monde à travers leur futur métier », avance celui qui prépare ses étudiants aux métiers du tourisme liés aux productions agricoles et viticoles, des arts gastronomes, des innovations sur les produits et la distribution de l’alimentation (foodtech), mais aussi aux fonctions de management et d’expertise dans les domaines alimentaires ou vitivinicoles.

Dans son cours sur les « nourritures terrestres », Benoît Lengaigne aborde la « gastro-diplomatie », l’aide alimentaire en France, la foodtech, ou encore le sexisme en cuisine. Mais le master BMV innove aussi sur la forme, notamment à travers le cours d’actualité. Une fois par semaine, trois débats sont organisés à l’image des plateaux de l’émission télé « C’est dans l’air », sur France 5. Sur leurs chaises à roulettes à pupitre intégré, les étudiants se rangent en cercle autour de quatre camarades. L’un joue le rôle du journaliste animateur de débat, les trois autres endossent le rôle de personnalités comme les dirigeants des plates-formes de livraisons de repas Uber Eats, Deliveroo et Just Eat. On y parle conditions de travail, entrée en bourse, modèles de société. La précarisation du marché de l’emploi dans le secteur de la livraison est un sujet éminemment politique et les étudiants, contraints de défendre les positions de leurs personnages, sont chargés d’argumenter en ce sens. Tous se sont préparés grâce à des articles, podcasts ou documents envoyés en amont par Benoît Lengaigne. Et tout est chronométré pour permettre au public – les autres étudiants – de poser des questions et enrichir la thématique abordée à la fin du débat. C’est dynamique, interactif et, surtout, cela permet aux jeunes de s’emparer avec passion d’enjeux très actuels.

Parallèlement, les étudiants invitent leurs camarades des autres masters à des conférences atypiques, comme celle de Fabrizio Bucella, professeur à l’Université libre de Bruxelles, docteur en sciences et sommelier, sur « l’umami et les secrets de cette cinquième saveur ». Ou encore celle de Dajo Aertssen, vice-champion du monde de dégustation de café et lillois d’adoption, venu décortiquer cette question : « Qu’est-ce qu’un bon café ? » « Ici, on propose de faire les choses sérieusement, sans se prendre au sérieux », plaisante Pierre Mathiot, directeur de l’établissement lillois.

En ce mois de novembre, les étudiants du master BMV approchent déjà des entreprises en vue de réaliser, l’année prochaine, leur année de master 2 en alternance (études et travail en entreprise). « Au tout début, on s’est demandé si nos futurs employeurs allaient rire en voyant l’intitulé “boire, manger, vivre” sur notre CV. Mais là, au vu des premiers retours des professionnels, on est convaincus que ça va fonctionner », explique un élève de la première promotion d’étudiants de BMV. En cette année 2021, déclarée par Emmanuel Macron « année de la gastronomie française », plusieurs grands noms de l’agroalimentaire se sont déjà positionnés pour accueillir ces étudiants.

Laurie Moniez, Le Monde du 1er décembre 2021.

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Un grand "parc à thème sur le chocolat verra le jour en Suisse

Le groupe Nestlé a annoncé la construction d’un parc à thème consacré au chocolat, qui sera situé à Broc, en Suisse. L’objectif ? Proposer une immersion totale dans l’univers de la fabrication de cet aliment.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la Gruyère sera bientôt la capitale du chocolat. C’est en effet dans ce district célèbre pour son fromage, situé en Suisse, dans le canton de Fribourg, que le groupe Nestlé a décidé de construire un parc à thème consacré à l’aliment sucré le plus populaire du monde.

“Qu’ils soient salés avec les fromages, ou sucrés avec le chocolat, le district de Gruyère deviendra la capitale des délices”, s’est félicité Olivier Curty, directeur de l’Économie du canton de Fribourg, dont les déclarations sont relayées par Le Temps.

Une satisfaction compréhensible, puisque comme l’explique le quotidien suisse, ce projet qui se chiffre “à 80 millions de francs [76 950 €]” devrait faire augmenter sensiblement le tourisme dans la région.“L’objectif est de faire passer le site gruérien, de 400 000 visiteurs annuels à 700 000, dans un premier temps, puis à un million”affirme le quotidien de Genève, qui rappelle qu’une usine de chocolat proposant des visites existe déjà sur place. Il s’agit de la Maison Cailler, un fabricant de chocolat racheté par Nestlé, dont l’usine représente le “3e musée le plus visité de Suisse”.

C’est à partir de cette structure déjà existante que les promoteurs du projet comptent créer un parc à thème, qui, à en croire Le Temps, devrait ressembler à ça : “Le projet proposera ‘une immersion complète au cœur de la production du chocolat’, abordant les thématiques du cacao, de son histoire, du chocolat en Suisse ou encore du lait de la Gruyère. ‘Ce ne sera pas un Luna Park avec un grand huit, mais un parc d’un nouveau genre’, relève Olivier Quillet, chef du projet pour Nestlé. Il évoque différents parcours à la découverte de l’histoire du produit et de sa fabrication, dont les concepts pour l’heure provisoire ont été confiés à l’équipe de scénographes ayant travaillé sur le musée Chaplin’s World de Corsier. En fin de visite, il y aura également la ‘gare du chocolat’ avec ses traditionnels ateliers, boutiques et dégustations.”

La concurrence de Lindt à battre

Concernant le financement de cet agrandissement et transformation de l’historique Maison Cailler (qui a ouvert en 1898), il sera assuré par la société Jogne Invest. “C’est elle qui aura la tâche de financer, de construire et d’exploiter le parc, précise Le Temps. Nestlé mettant à disposition ses terrains, son savoir-faire et ses droits de licence.”

L’ouverture du site est prévue pour 2025, et elle devrait permettre à la Maison Cailler de rivaliser en termes d’attractivité avec d’autres usines de chocolat suisses, et notamment la House of chocolate, ouverte par Lindt sur les rives du lac de Zurich.

Un rival de taille, selon le quotidien francophone, qui a su “marquer les esprits avec sa fontaine de chocolat de 9 mètres de haut”.

Le Temps du 26 janvier 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Molière : 400 ans, et toujours si proche de nous

Après La Fontaine, place à son ami Molière, dont on célèbre cette année le 400ème anniversaire de la naissance. Molière est extrêmement populaire auprès des Français et chaque pièce jouée a un immense succès. Il faut dire que les thèmes traités dans ses pièces sont très proches des sujets de société qui font toujours débat aujourd'hui : relations familiales et sentimentales, peurs, jeux de pouvoir, excès, abus, etc. En 2022, la France rend hommage à celui qui a inventé "la langue de Molière". Étudier une de ses pièces permet de découvrir la langue, mais aussi, et surtout, la culture française.

Brillant auteur et homme d'esprit, excellent acteur, à la fois plein d'humour et sérieux mais aussi insolent et impertinent, Molière était beau, élégant, passionné, charismatique, avait une autorité naturelle. Et il avait de grandes qualités humaines et relationnelles, était fidèle envers ses amis et attentionné pour tous, à tous les niveaux de l'échelle sociale. 

Ce qui explique l'affection que "son clan", avait pour lui. Lorsqu'il créait une pièce, il ne s'enfermait pas dans un bureau mais écrivait sur place, au théâtre, et inventait chaque personnage à l'image de l'acteur qui allait l'incarner, avec ses forces, ses faiblesses et ses traits de caractère.

Mais qui était-il vraiment ?

Très peu de traces écrites restent de Jean-Baptiste Poquelin (Molière). Il a eu 4 enfants mais seule une fille a survécu jusqu'à l'âge adulte. Peu intéressée par la vie de ses parents, elle n'a rien gardé des documents et des travaux de son père. On a donc très peu de détails sur sa vie.

On sait que Jean-Baptiste Poquelin a été baptisé le 15 janvier 1622, et qu'il est né juste avant (sa date de naissance est imprécise) d'une riche famille de marchands tapissiers qui décoraient les châteaux et maisons des aristocrates et bourgeois. Son père, Jean Poquelin, avait même la charge de "valet tapissier du roi", que Molière a rachetée plus tard dans sa vie.

Le jeune Jean-Baptiste avait seulement 21 ans quand il s'est associé avec une troupe d'amis pour créer "L'Illustre théâtre", après avoir joué dans des Jeux de Paume. Il a alors pris, selon la tradition de l'époque pour les comédiens, le surnom de Molière, qui signifiait : hameau.

Dans la troupe, la personne la plus importante était Madeleine Béjart, comédienne née d'une grande famille, qui a joué un rôle vital pour la troupe, notamment de gestion, et dont Molière a épousé la fille Armande. Devant la concurrence avec deux autres théâtres parisiens, la troupe est partie pendant 12 ans en province, où Molière a commencé à écrire ses propres pièces et a rencontré le succès. De retour à Paris, le roi Louis XIV, dont il était devenu le favori, lui a offert le théâtre du Palais-Royal, future Comédie française.

Entre vérités et et rumeurs

En l'absence de certitudes, plusieurs fausses informations ont circulé au sujet de Molière. Par exemple :

- Molière s'est-il marié à sa fille ?

Non. Il est très probable que Molière a eu une relation intime avec Madeleine Béjart au début, et il est vrai qu'il a épousé la fille de Madeleine, Armande, mais celle-ci est née d'une relation adultérine avec un autre homme. Comme sa mère, Armande a joué dans plusieurs pièces de Molière, qui a écrit pour elle le personnage de Célimène dans Le Misanthrope.

- Le père de Molière a-t-il négligé son fils ?

Non, il l'a toujours soutenu. Chaque fois que son théâtre a connu de graves problèmes financiers, ce qui est arrivé souvent car il était difficile pour un théâtre d'être rentable, Jean Poquelin a toujours payé ses dettes. Il l'a même sorti de prison quand il a été arrêté pour cette raison.

- Molière est-il mort sur scène ?

Non. Il est vrai qu'il a eu un malaise sur scène quand il jouait la 4e représentation du Malade imaginaire, sa dernière pièce. Mais il est mort chez lui, auprès d'Armande, le soir-même, des suites d'une tuberculose. C'était le 17 février 1673. Il avait 51 ans. Exactement un an plus tard, jour pour jour, Madeleine Béjart est décédée à son tour. Armande est morte en 1700.

Annick Stevenson, "French Accent Magazine", No 95, février-mars 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Ce que Molière nous enseigne

En parlant de Molière, Éric Ruf, acteur et administrateur de La Comédie Française, a déclaré : "S'il ne se moquait que des tares de son époque, on ne le jouerait plus." Voici un résumé des idées que défendait Molière :

La tolérance

Éric Ruf : "J'étais sur scène en train de jouer Le Misanthrope dans le rôle de Philinte quand un téléphone sonne dans la salle." Dès que son propriétaire l'a éteint, "le regardant directement, je reprends la suite de mon texte". Par coïncidence, il répond parfaitement à la situation :
Mon Dieu, des mœurs du temps mettons-nous moins en peine,
Et faisons un peu
grâce à la nature humaine
Ne l'examinons point dans sa grande rigueur,
Et voyons ses défauts avec quelque douceur.

"Toute la salle a applaudi. Alors j'ai pensé : Molière se serait amusé de ça s'il y avait eu des téléphones portables de son temps" !

Mathilde Levesque, professeure de français dans une banlieue difficile, a choisi Dom Juan pour ses élèves. Elle déclare que Molière "leur est familier car il traite de choses qui les touchent directement" : la place de la religion et le blasphème, la censure et les intolérances.

La libération des femmes

Hannah Bendel, étudiante, dit avoir été "énormément touchée" par Tartuffe, dont la manière de séduire les femmes lui évoque les victimes d’agressions et de harcèlement sexuel aujourd'hui. Sa partenaire Éliette ajoute que les rôles féminins sont très forts. "Ce sont elles qui font l’intrigue et font bouger les choses."

Les femmes chez Molière est le thème choisi par Marie Basuyaux, professeure de théâtre, avec ses élèves. "Quand je leur ai demandé une scénographie pour l’École des femmes, ils m’ont proposé de taguer les murs de la maison d’Arnolphe de slogans féministes." "Le courage des héroïnes de Molière est exemplaire", dit aussi Catherine Hiegel, qui a mis en scène en 2016 Les Femmes savantes, dans laquelle Philaminte, épouse du "bon bourgeois" Chrysale, jouée par Agnès Jaoui, déclame :
Je veux nous venger, toutes, tant que nous sommes,
de cette indigne classe où nous rangent les hommes...

Le courage

Shéhérazade, elle aussi étudiante à Paris, a surtout aimé le fait que Molière a lui-même fait preuve de courage en critiquant tout ce qui concernait le Roi Louis XIV et la Cour à Versailles, qu'il fréquentait pourtant tout le temps, et où il était très apprécié, souvent invité à la table du Roi. "Molière est très actuel, le fait de se moquer d'une certaine hiérarchie, de personnages qu'on peut retrouver aujourd'hui à la télé, dans des figures politiques", dit Shéhérazade.

La dénonciation de l'hypocrisie

"Cette hypocrisie qu'on voit un peu partout" dans le monde d'aujourd'hui, "ce mensonge", est "extrêmement bien jouée par Molière", ajoute Shéhérazade. L'exemple le plus typique est encore Tartuffe où Molière veut dénoncer le faux dévot qui courtise Elmire, la femme d'Orgon. Cette pièce, d'abord interdite car considérée insultante contre la religion, dénonçait les supposés dévots, qui font penser aux prêtres aujourd'hui poursuivis pour abus sexuels...

Le refus de la cruauté

Philippe Torreton, comédien à Paris, rappelle que Les Fourberies de Scapin ont connu un triomphe à la Comédie française. "C'était en 1997 et on a tous été subjugués par le succès qu'a rencontré la pièce. On le ressentait par les rires et par l'écoute du public. Molière est emblématique pour moi. C'est un best of de punchlines, comme on dirait aujourd'hui. Ce qui l'intéresse, c'est la méchanceté et la cruauté de son époque. Il s'arrange pour que ça se termine bien, mais en attendant l'humanité a morflé pendant le spectacle. On rit de nous en voyant Molière."

L'envie de partir ailleurs

Le Misanthrope évoque nettement cette envie de s'écarter des autres qui a été fortement ressentie pendant la pandémie de Covid-19. "On a une période assez misanthrope, le retour à la campagne après ce long confinement, ce désir ne plus avoir à accepter la complexité du monde", explique Éric Ruf. Mais Molière nous apprend aussi "qu'accepter une chose pour un bien futur est une nécessité".

La réconciliation

Philippe Collin, producteur des podcasts sur Molière, remarque que "jamais un acteur ne se retrouve seul sur scène à la fin" des pièces. "On se moque des comportements ridicules, on se ment, on s'invective, on triche, mais à la fin se dessine souvent une dimension de réconciliation."

La tempérance

"Molière fut le porte-parole de la modération. Alors peut-il nous être utile face aux radicalités de notre époque ?", demande Philippe Collin en se référant aux antivax aujourd'hui. Georges Forestier, professeur à La Sorbonne, répond : "Molière est là pour ça. Et plus on le jouera, plus c'est ce qu'on apprendra, parce que c'est une école de tempérance. Par la puissance avec laquelle il a joué des comportements et des valeurs des gens, il a accédé à quelque chose qui est l'éternel humain".           

AS, "French Accent Magazine", No 95, février-mars 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Trois pièces encore très actuelles

Les trois pièces ci-dessous, commentées par des acteurs, démontrent à quel point le théâtre de Molière est très proche des thématiques contemporaines.

L'École des femmes: Misogynie et violences faites aux femmes

Zélie Henock, 17 ans, étudiante en théâtre, joue la jeune Agnès, l’héroïne de L’École des femmes qui cherche à se libérer de l’emprise d’Arnolphe, un homme âgé qui l’a enfermée dans un cloître, où elle n'a eu aucune éducation, pour faire d’elle une épouse soumise et fidèle. Cette pièce est pleine de rebondissements très comiques, mais elle a une morale à la fin, quand Agnès épouse son amoureux Horace, et qu'Arnolphe est ridiculisé.

Selon Zénie, cette pièce "a absolument sa place" dans la société d’aujourd’hui, où "on est presque tous confrontés, d’une manière ou d’une autre, à une sorte d’abus psychologique ou même physique". Mais, se référant au mouvement #MeToo, elle ajoute qu'heureusement "la parole se libère par rapport aux violences faites aux femmes".

Extrait :
ARNOLPHE (M. de la Souche) quand il parle d'Agnès au début de la pièce :
Je la fis élever selon ma politique
C'est-à-dire ordonnant quels soins on emploierait
Pour la rendre idiote autant qu'il se pourrait.
Dieu merci, je l'ai vue à tel point innocente,
Que j'ai béni le Ciel d'avoir trouvé mon fait,
Pour me faire une femme au gré de mon souhait.

Le Malade imaginaire : Satire des fake news médicales

"Le fonds de cette pièce c'est le rapport à la mort", explique Éric Ruf de la Comédie française. "On fait semblant d'être mort pour découvrir ce que les autres pensent vraiment de vous. C'est un fantasme de tout le monde, pouvoir assister à son propre enterrement pour voir qui était franc et qui ne l'était pas... ça marche toujours." Un autre acteur, Pierre Chagnon, ajoute : "Ses propos ne se démodent pas." Il rappelle que cette pièce démontre une fois de plus que Molière était un avant-gardiste en ce qui concerne la condition des femmes et "dénonçait le mariage forcé."

Et évidemment, cette pièce est une satire des prétendus experts en médecine qui diffusent des fake news, comme la crise du Covid l'a démontré. Le professeur Raoult en France en est un exemple.

Dans Le Malade imaginaire, Argan est un notable qui mène ses affaires avec succès, mais il est hypocondriaque, ce qui lui coûte très cher. Une solution est de marier sa fille Angélique à un médecin. Mais elle aime un autre homme, Cléante. Pendant ce temps, la femme d'Argan attend la mort de son mari pour s'approprier son argent. Mais Argan, qui se fait passer pour mort, le découvre. Il accepte alors qu'Angélique, désespérée de le croire mort, épouse Cléante s'il étudie la médecine. Mais c'est finalement Argan qui deviendra médecin.

Extrait:
BÉLINE (la femme d'Argan), quand elle le croit mort :
Le ciel en soit loué ! Me voici délivrée d'un grand fardeau...
Quelle perte est-ce que la sienne ? Et à quoi servait-il sur terre ? Un homme incommode à tout le propre, malpropre, dégoûtant... sans esprit, ennuyeux, de mauvaise humeur...
Portons-le dans son lit, et tenons cette mort cachée jusqu'à ce que j'aie fait mon affaire. Il y a des papiers, il y a de l'argent, dont je veux me saisir...
ARGAN, se levant brusquement :
Doucement.

L'Avare : Tyrannie de l'argent et du pouvoir

Pour l'acteur Laurent Poitrenaux, qui joue L'Avare, cette pièce "résonne avec notre époque, qui fait de l'argent une sorte de nouvelle religion." Elle démontre aussi que les hommes avides d'argent et de pouvoir peuvent perdre tout humanité. Un thème toujours actuel...

Harpagon, riche vieillard, fait subir à tout son entourage sa passion tyrannique pour l'argent. Son avarice fait obstacle aux projets amoureux de ses enfants, l'incite à soupçonner ses proches, le rend odieux. Quand il apprend que son fils est son rival auprès de la belle Mariane et qu'on lui a volé sa cassette pleine d’or, il explose.

Extrait :

Cette tirade est l'une des plus célèbres de Molière :
HARPAGON, qui vient de découvrir que sa cassette a disparu :
Au voleur !Au voleur ! À l'assassin ! Au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N'est-il point là ? N'est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin... Hélas ! Mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami, on m'a privé de toi ; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde : sans toi, il m'est impossible de vivre...

AS, "French Accent Magazine", No 95, février-mars 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

Le théâtre : une passion pour les Français

Les Français entretiennent depuis longtemps une histoire d'amour avec le théâtre, et l'on ne saurait trop insister sur l'importance du théâtre dans la culture française. Bien que le roman soit certainement la forme littéraire dominante aujourd'hui, l'histoire de la littérature française est fermement ancrée dans cette relation magique et en totale symbiose entre les acteurs et les spectateurs venus s'amuser, s'émerveiller et être mis au défi de s'ouvrir à de nouvelles idées et de nouvelles façons de les exprimer.

Aristote fait remonter les racines du théâtre aux Grecs, mais, comme dans la presque toute l'Europe, le théâtre tel que nous le connaissons aujourd'hui était presque inexistant jusqu'à la fin du Moyen-âge, où les représentations théâtrales étaient surtout de nature religieuse et destinées à convaincre et à instruire les masses analphabètes. À la Renaissance, l'attention s'est détournée de l'Église en faveur des modèles littéraires de l'Antiquité et on a redécouvert les tragédies de Térence et de Sénèque ; les pièces religieuses médiévales n'ont alors plus été jouées. Le XVIIe siècle a marqué le début de l'ère classique dans la littérature française et le théâtre est devenu le genre dominant, mais en raison de l'interprétation française rigide de Poétique d'Aristote, il a fallu respecter des règles et des conventions strictes. Molière, Jean Racine et Pierre Corneille, qui étaient les principaux auteurs du théâtre classique, devaient écrire presque toutes leurs pièces en vers de 12 syllabes chacun avec une pause naturelle au milieu. C'est ce qu'on appelle un "alexandrin". Les pièces devaient également respecter les "trois unités" : le temps, le lieu et l'action. C'est également à cette époque que Richelieu a créé l'Académie française, institution de défense de la langue française et arbitre du bon goût en littérature.

Comme Annick l'a souligné dans ses articles sur Molière, le Théâtre du Palais Royal, qui allait devenir la Comédie Française, a été fondé afin que Molière dispose d'une salle qui convienne parfaitement à ses comédies. Le roi Louis XIV aimait beaucoup le théâtre et avait même exprimé l'envie d'être un acteur dans une des pièces de Molière ─ elles étaient souvent jouées à Versailles. Avec la création de la Comédie Française en 1680, le théâtre devient un élément du trésor national et un reflet du patrimoine culturel de la France. Il est intéressant de noter que la France et l'Angleterre définissent toutes deux leur langue en référence à un auteur dramatique : Molière et Shakespeare.

Le théâtre classique est resté la norme en France jusqu'au début du XIXe siècle, lorsque les règles de ce qui constitue une "bonne" pièce ont été remises en question. Deux exemples de cette période illustrent très bien comment ce qui se passe sur scène peut devenir partie intégrante du discours national : la célèbre "Bataille d'Hernani" en 1830 et l'accueil enthousiaste de Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand. À leur sortie, les pièces de Victor Hugo ont été violemment critiquées et censurées parce qu'il refusait de suivre les règles du théâtre classique. Il a même écrit plusieurs pièces en prose, comme l'a fait parfois Molière... Dans ce que l'on a appelé le triomphe du romantisme sur le classicisme, la première et les représentations suivantes d'Hernani de Hugo sont devenues un véritable champ de bataille entre les "classiques" et les "romantiques" qui s'insultaient, se jetaient des légumes, et échangeaient même parfois des coups. La presse en a fait un sujet de discussion national qui semblait avoir électrisé le pays tout entier. Hugo lui-même a compté pas moins de 148 interruptions lors d'une représentation. L'ambiance a changé en 1897 lorsque la pièce de Rostand a connu un succès inégalé. Le soir de la première, la troupe a été frénétiquement applaudie pendant 20 minutes et il y a eu 40 rappels. Hernani et Cyrano de Bergerac ont marqué le début et l'apogée d'un nouveau mouvement littéraire.

Au XXe siècle, des dramaturges d'origine étrangère ont apporté une contribution importante au théâtre français. Le théâtre de l'absurde a été une évolution naturelle des mouvements dada et surréaliste, et le Roumain Eugène Ionesco ainsi que l'Irlandais Samuel Beckett ont tous deux laissé leur empreinte avec Rhinocéros et En attendant Godot. Cette dernière est saluée dans le monde entier comme l'une des plus grandes pièces du XXe siècle. C'est aussi la toute première à être entrée au répertoire de la Comédie Française du vivant de son auteur. Et l'une des autres pièces phares de Ionesco, La Cantatrice chauve, est jouée dans le même théâtre de la rive gauche à Paris depuis 1957.

Il est difficile de mesurer l'importance du théâtre en tant que composante de la création littéraire française. Il est utile de noter que presque toujours, après les interruptions causées par les révolutions et les deux guerres mondiales, des mesures ont été prises par le gouvernement pour rétablir et redynamiser le théâtre. La manière dont le retentissement énorme de Molière est célébré durant cette année qui marque le 400e anniversaire de sa naissance est une indication claire que le théâtre est bien vivant en France. Il y a littéralement des centaines de théâtres dans tout le pays qui produisent une pièce de Molière cette année, et même dans les banlieues difficiles où l'on ne s'attendrait pas à ce que les jeunes s'amusent en étudiant une pièce en alexandrins, la réaction est plutôt positive : "C'est sûr que c'est du classique" mais "c'est super fun", assure Samuel, lycéen. "C'est hyper marrant tout ce qui est quiproquo et la manière de donner des répliques." Une autre écolière, Eliette, ajoute qu'elle adore parler en alexandrins.

Et qu'en est-il du grand public ? Aime-t-il encore voir des pièces vieilles de 400 ans ? La réputation et l'impact de Molière justifient-ils encore que l'on appelle la Comédie Française "La Maison de Molière" ? La réponse est toute donnée par le succès des plus de 20 pièces de Molière programmées à la Comédie Française entre janvier et juillet, qui affichent presque toutes complet, et pour toute la durée de la programmation !

Roger Stevenson, "French Accent Magazine", No 95, février-mars 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La Finlande, le pays qui investit dans le bonheur

Des congés parentaux partagés entre la mère et le père, un des systèmes éducatifs les plus performants du monde… L’Etat nordique fait le maximum pour garantir aux jeunes générations le meilleur départ possible dans la vie.

Quelques semaines avant la naissance d’un enfant en Finlande, il y a cet instant que tous les jeunes parents attendent : l’arrivée, par la poste, de la « baby box » offerte par l’Etat. Pour une valeur totale de 170 euros, l’édition 2022 contient un peu plus d’une quarantaine d’articles, dont une combinaison, sept bodys, trois pantalons, un pyjama, des gants, un livre, un bavoir… Le tout dans une épaisse boîte en carton colorée, de 70 centimètres sur 43, convertible en couffin.

L’histoire de la « baby box » débute en 1938. A l’époque, elle est uniquement attribuée aux familles les plus défavorisées. La boîte contient des étoffes pour confectionner des vêtements de bébé, d’une valeur équivalente à un tiers du salaire mensuel d’un ouvrier. L’objectif est triple : réduire le taux de mortalité, accroître la nativité, et venir en aide aux familles dans le besoin. A partir de 1949, toutes les familles y ont droit : le principe est que chaque enfant, quelle que soit son origine sociale, connaisse le même début dans la vie. Seule condition : se soumettre à un examen prénatal.

Au fil des ans, la « baby box » finlandaise, adoptée depuis ailleurs, est devenue le symbole d’une politique active de la santé maternelle et infantile et d’un Etat-providence qui prend soin de ses citoyens du berceau au cercueil. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le pays de 5,5 millions d’habitants, désigné quatre années d’affilée comme « le plus heureux du monde », domine aussi avec ses voisins nordiques le classement des « meilleurs pays pour élever ses enfants ».

La quarantaine, Petra, directrice des ressources humaines dans une grosse compagnie internationale spécialisée dans les équipements médicaux, a vécu huit ans aux Etats-Unis, avec son mari américain. Ses enfants y sont nés. Mais quand il a été question de reprendre le travail, « tout est devenu très compliqué : la garde des enfants coûtait cher, les journées étaient longues ». Alors la famille a décidé de venir s’installer à Helsinki. Un choix qu’elle ne regrette pas : « Il y a vraiment un équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, les écoles sont de très bonne qualité et c’est un environnement sûr pour les enfants. »

En général, les petits Finlandais entrent à la crèche entre leur premier et leur deuxième anniversaire. Avant, ils sont à la maison avec leur mère ou leur père, les jeunes parents finlandais étant ceux qui, selon une étude publiée en 2017, passent le plus de temps avec leurs enfants au sein des pays de l’OCDE. Parmi les principales réformes annoncées par le gouvernement de Sanna Marin, composé d’une coalition de cinq partis de centre-gauche, tous dirigés par des femmes : celle des congés parentaux. A partir de septembre 2022, chacun des parents aura droit à quatre-vingt-dix-sept jours de congés lui étant réservés, et à soixante-trois jours supplémentaires pouvant être transférés à l’autre parent.

Cette réforme, la ministre des affaires sociales et de la santé, Aino-Kaisa Pekonen, l’a présentée en février 2020 comme « l’investissement du gouvernement dans le futur des enfants et le bien-être des familles ». Ainsi, selon Mme Pekonen, « le partage des responsabilités parentales dans la vie quotidienne sera simplifié et la relation entre les deux parents et l’enfant renforcée dès le plus jeune âge ». Elle précise aussi qu’il s’agissait d’une mesure destinée à accroître l’égalité femme-homme, dans un pays qui arrive à la cinquième place de l’index d’égalité de genre de l’Union européenne en 2021.

Petite anecdote : depuis 2020, trois ministres femmes, dont les cheffes de file du parti Vert et de l’alliance de gauche, respectivement ministres de l’intérieur et de l’éducation, ont pris un congé maternité. Les trois ont d’ailleurs fait le choix d’avoir un enfant alors qu’elles siégeaient déjà au gouvernement et sans que cela ne provoque le moindre débat dans leur parti ou le pays.

Pour les familles, après le congé parental, le problème de la garde est vite réglé. La plupart des enfants vont à la crèche : des établissements municipaux ou privés. Le coût varie en fonction du salaire des parents, de 27 à 288 euros mensuels pour le premier enfant. Le tarif est dégressif pour les frères et sœurs. Les petits Finlandais y restent jusqu’à leur sixième anniversaire, quand ils font leur entrée dans ce système scolaire considéré comme l’un des plus performants du monde.

La collaboration plus que la compétition

Pour les habitants, c’est d’ailleurs un grand sujet de fierté que ce système éducatif, qu’ils citent fréquemment comme un des investissements les plus précieux du pays. En 2006, la Finlande avait ainsi fait sensation en se hissant à la première place des pays de l’OCDE dans l’enquête réalisée par le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). Surprise alors : le reste du monde découvrait un système éducatif misant sur la collaboration plus que sur la compétition, peu ou pas de devoirs à la maison, une autonomie pédagogique très forte et une place de choix accordée aux activités artistiques et sportives.

Selon PISA, les jeunes Finlandais sont particulièrement forts en lecture. Et comment en serait-il autrement dans un pays qui, pour le centenaire de son indépendance célébré en 2017, s’est offert… une nouvelle bibliothèque. Construite en plein cœur de Helsinki, à deux pas de la gare centrale, Oodi, immense paquebot de bois et de verre, fait une place de choix aux enfants et aux jeunes, avec une salle de lecture en forme de nid pour les plus petits, des studios de musique et des salles de jeu pour les plus grands.

Si la Finlande a légèrement reculé dans les classements PISA ces quinze dernières années, le pays nordique reste celui où les inégalités entre élèves, et d’une région à l’autre, sont parmi les plus faibles du monde – un véritable tour de force qui s’explique notamment par la qualité de la formation des enseignants mais aussi par le respect pour la profession, qui en fait un métier attirant.

Résultat : des jeunes Finlandais qui se classent à la cinquième place dans l’étude sur le bien-être des enfants réalisée par l’Unicef en 2021 ; 85 % des ados de 15 ans disent avoir un « haut niveau de satisfaction de la vie ».

Anne-Françoise Hivert (Malmö (Suède), correspondante régionale), Le Monde du 7 mars 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La fabuleuse histoire de la boîte de conserves

La boîte de conserve est loin d’être une invention banale. Comment ce cylindre en métal de notre quotidien, objet devenu planétaire, a-t-il contribué à « bouleverser » autant notre époque ?

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il était impossible de conserver certains aliments plus de quelques jours si on souhaitait y retrouver le goût et, surtout, ne pas tomber malade à cause des moisissures. Ainsi, depuis le Néolithique, les populations ont cherché des méthodes pour conserver les produits alimentaires : séchage, fumage, salaison pour la viande et le poisson, fermentation pour le fromage. 

Quand en 1795, un confiseur parisien révolutionne la conservation. Nicolas Appert trouve la recette miracle pour conserver des aliments durant plusieurs années sans modifier leur texture ni leur goût : il met dans un bocal des aliments, le ferme hermétiquement et le chauffe au bain marie. L’appertisation est née, et c’est une révolution car, à l’époque, le mot « microbe » n’existe pas et nul ne sait que la chaleur les élimine – puisque c’est Pasteur, soixante-dix ans plus tard, qui fera cette découverte. 

Nicolas Appert ne dépose pas le brevet de son invention (le titre de « bienfaiteur de l’humanité » lui est alors décerné pour sa découverte) qui est récupérée par le Britannique Peter Durand en 1810. Ce commerçant dépose un brevet sur la technique et remplace les bocaux par un cylindre en fer, moins fragile, recouvert d’une fine couche d’étain. La première boîte de conserve telle qu’on la connaît aujourd’hui voit le jour en 1813 en Angleterre. En France, il faut attendre 1824 où, à Nantes, apparaît la première boîte de sardines. La boîte de conserve conquiert rapidement l’Occident, puis le monde.

Aux États-Unis, en 1865, plus de 30 millions d’entre elles sont produites chaque année. Aujourd’hui, il s’en produit plus de 80 milliards par an aux quatre coins du globe… et la célèbre boîte de conserve se transporte jusque dans l’espace depuis une vingtaine d’années. 

Sans conserve, pas de guerres ? 

La création de la boîte de conserve va considérablement modifier le cours de l’Histoire. Les denrées ne sont plus périssables et la conserve peut rester à température ambiante entre trois et cinq ans. Grâce à cette invention, de longues expéditions peuvent être effectuées sans crainte de famines ou de maladies. Les voyageurs, les découvreurs et les colons sont séduits ; la boîte de conserve devient même la base de l’alimentation des Européens dans les colonies, un emblème, à leurs yeux, de la civilisation. 

Il en va de même du côté des expéditions militaires. Les soldats peuvent effectuer de longues missions tout en se nourrissant, sans crainte de mourir de faim ou d’être empoisonnés par des aliments pourris. Car au XVIIIe siècle, la marine britannique perd plus d’hommes du scorbut – un manque sévère de vitamine C – que lors des combats. Désormais, en consommant des boîtes, les soldats peuvent s’alimenter non seulement en viande et en poisson, mais aussi et surtout en fruits et légumes.  
La conserve devient légion chez les soldats de Napoléon sous le Ier Empire, durant la guerre de Sécession américaine, durant la Première et la Seconde Guerre mondiales, parmi les troupes franco-anglaises qui menacent la Chine et pillent le Palais d’Été en 1860. Tenir les positions, avancer, dès lors, la question se pose : sans boîte de conserve, les guerres des deux derniers siècles se seraient-elles déroulées de la même manière ? 

Un signe de classe sociale, puis de mondialisation 

Il faut attendre environ un siècle avant que la boîte de conserve séduise la planète entière. Tout d’abord, parce qu’à ses débuts, elle est considérée comme un produit de luxe. En France, par exemple, une boîte de sardines dans les années 1850 équivaut à six heures de travail pour une ouvrière. Par ailleurs, ce cylindre en métal ne met pas en confiance certains, car le consommateur ne peut voir le produit à l’intérieur de la boîte, et de mauvaises surprises peuvent apparaître, comme des aliments en putréfaction, voire des explosions de couvercles… 

Pourtant, la boîte de conserve résiste et se répand, les techniques de fabrication se mécanisent. L’ère est à l’industrialisation de l’après-guerre. Des plats locaux de différentes régions du monde intègrent des ingrédients en conserve dans leurs spécialités, à l’image du bully beef, plat traditionnel jamaïcain élaboré à partir du corned beef en conserve américain. Cheddar, pudding, saucisses en boîtes ornent les tables des Britanniques en Inde au détriment des aliments locaux. La conserve devient à la mode, et elle fait gagner du temps à la ménagère. La consommation de masse est à l’œuvre. Le musclé Popeye en fait la promotion en avalant des boîtes d’épinards. La boîte de conserve est même glorifiée par Andy Warhol dans une sérigraphie intitulée Campbell’s Soup Cans : 32 boîtes de conserve. L’histoire racontant que, quand il était enfant, Andy Warhol consommait régulièrement des soupes et faisait la collection des boîtes vides. Sa mère créait des fleurs à partir des boîtes de métal, et surtout dans les boîtes Campbell’s. 

Avec une production toujours plus forte, la boîte de conserve est aujourd’hui de plus en plus recyclée ou utilisée vide pour d’autres utilisations ; mais elle n’en est pas moins responsable de dégâts environnementaux. L’étain qui la constitue était à l’origine majoritairement produit en Malaisie et son extraction démesurée y a provoqué de nombreuses inondations et coulées de boue. D’où le nom de la capitale, Kuala Lumpur, qui signifie « estuaire boueux ». 

Plus de deux siècles après sa création, et même si les produits surgelés sont apparus, la boîte de conserve a toujours le vent en poupe. Produit généralement peu onéreux, il remplit toujours les hangars des centres de collectes alimentaires ; au début de la pandémie de Covid-19, les consommateurs du monde entier se ruaient aussi vers les boîtes de conserve. Aujourd’hui, à l’heure du survivalisme, les boîtes de conserve s’amoncèleraient dorénavant dans les abris souterrains de tous ceux qui redoutent l’apocalypse à venir.

Anne Bernas, RFI du 8 août 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

L'accessoire de l'été : l'éventail

Cet été, des chaleurs extrêmes ont frappé la France, comme de nombreux autres pays du monde. Une solution pour se protéger des fortes chaleurs dans les villes est évidemment de s'enfermer dans des lieux rafraîchis par l'air conditionné. Mais en France, où les appartements équipés de la clim sont rares, une nouvelle tendance est apparue dès le mois de juin : se servir d'un éventail. Avec la canicule, cet objet ancien, utilisé autrefois principalement par les reines, princesses et dames de la haute bourgeoisie, a fait son retour de manière spectaculaire, et est devenu l'accessoire de l'été, qu'on trouve partout.

J'étais surprise, en marchant dans les rues de Paris au milieu du mois de juin, quand la température a pour la première fois dépassé les 40° Celsius, de voir des éventails dans de nombreuses vitrines de magasins. Certains sont à vendre, par exemple dans une boutique de bijoux et objets décoratifs de la rue Mouffetard, mais la plupart sont simplement utilisés comme objets de décoration. Tous sont des éventails modernes et contemporains, simples, en bois et papier, avec des dessins originaux ou amusants. Cela démontre une relance de l'industrie de la création d'un objet longtemps oublié, ou considéré désuet, qui, cette année, s'est révélé si utile.

Le journal Le Monde, le 16 juin, a consacré un article à ce nouveau phénomène. Il note que soudainement, on trouve des éventails partout cette année en France. La chaîne de magasins Monoprix en vend à 3,99 euros pièce, et on en trouve dans pratiquement tous les supermarchés. La maison Duvelleroy, principal spécialiste français de l’éventail depuis 1827, confirme que l'intérêt du public a brutalement changé, au point que les distributeurs ont suivi, et contribué à faire de l'éventail un objet populaire, avec l'aide évidemment d'un marketing très ciblé par la publicité.

Et c'est ainsi qu'un peu partout dans Paris, nous avons vu plusieurs personnes utilisant un éventail : dans une file d'attente d'un spectacle pendant la Fête de la musique du 21 juin, dans la rue, à la terrasse d'un café, dans le métro... Parfois, c'est un homme qui l'utilise, chose très nouvelle et surprenante pour cet accessoire censé être principalement féminin. Il est écrit dans l'article du Monde que l'éventail se "dégenrise". Parmi les hommes que nous avons vus avec un éventail, deux spectateurs d'environ 50 ans dans le bar de la petite boîte de Jazz Le Bal Blomet dans le 14e arrondissement de Paris qui se sont éventés pendant tout le spectacle. Il faut dire que la chaleur était étouffante...

Et comme les Français n'oublient jamais leur sens de l'humour et sont toujours un peu rebelles, on retrouve cet esprit dans de nouveaux éventails, qui deviennent des porteurs de messages !
   
Et en anglais ?

Il est intéressant de noter que le mot éventail, qui veut dire "objet qui fait du vent" n'a pas de bon équivalent en anglais. "Fan" veut dire à la fois :
─ un appareil électrique qui crée du vent, un "ventilateur" en français ;
─ une personne admirative d'un artiste, qu'en français on appelle aussi un "fan" (prononcé à l'anglaise) ;
─ et un éventail, qu'on appelle parfois "hand fan" en anglais ; mais une confusion est possible, parce que ce mot est aussi utilisé pour un mini appareil électrique à poser sur son bureau pour diriger l'air vers son visage...

Annick Stevenson, "French Accent Magazine" No 98, août-septembre 2022

Retour
haut de page

Des objets de séduction et de communication, dans la vie et dans l'art

Autrefois, la raison d'être de l'éventail n'était pas seulement d'aider à supporter la chaleur. Il était aussi, et même avant tout, un objet de parure, de coquetterie, de séduction, et même de communication. Les femmes se servaient surtout de leurs éventails pour exprimer quelque chose, attirer discrètement l'attention d'un homme, manifester leur satisfaction ou leur mécontentement, simplement par la manière dont elles le tenaient. Il n'était pas rare que des femmes de chambre travaillant pour des bourgeoises ou des aristocrates reçoivent un coup d'éventail fermé sur les mains quand leur maîtresse n'était pas satisfaite de leur service...

Mais l'éventail est avant tout un bel objet. Il se retrouve donc dans un grand nombre d'œuvres d'art, partout dans le monde.

L'une des femmes peintres célèbres en France était Berthe Morisot. Dans plusieurs de ses tableaux on peut voir une femme tenant un éventail à la main, comme dans Femme à l'éventail, ou dans Jeune fille au bal. Dans ce portrait, l'éventail prend une part importante, et confirme qu'il est certainement un moyen de communication. Il semble venir à l'appui de ce que veut exprimer la jeune fille. Elle est au bal, et assise. On peut donc supposer qu'elle est prête à danser avec un jeune homme qui l'invitera. Est-ce qu'elle veut signifier, par son regard et cet éventail grand ouvert qui lui sert presque de bouclier, qu'elle n'est pas disposée à danser avec celui qui essaie de l'inviter ? Ou est-ce une façon d'essayer d'attirer son attention et de le séduire ?

Les éventails peuvent exprimer aussi bien la pudeur ou la timidité que la confiance en soi ou l'audace, la crainte ou le plaisir, l'ennui ou la joie, le doute ou l'espoir. C'est certainement au cinéma, dans des films sur l'histoire de France, que ces sentiments sont exprimés de la manière la plus flagrante selon comment les femmes portent leur éventail. Un parfait exemple est le film Marie Antoinette, de Sofia Coppola, où il est un accessoire essentiel ! 

AS, "French Accent Magazine" No 98, août-septembre 2022                           

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Musée du vin en Chine

En Chine, le vieil homme, sa cabane et son musée du vin

Du côté de Yinchuan, la capitale du Ningxia, Gao Lin, 78 ans, supervise la construction d’un bâtiment de 3 500 mètres carrés dévolu à sa passion et à celle de sa fille.

A 78 ans, Gao Lin pourrait se contenter de cultiver son jardin situé en bordure de Yinchuan, la capitale du Ningxia, une petite province du nord-ouest de la Chine. Mais cet ancien ouvrier textile qui vit dans une cabane aménagée, une pièce unique, modeste mais impeccablement tenue, a mieux à faire. Il supervise la construction d’un musée privé attenant à son cabanon, 3 500 mètres carrés dévolus à sa passion et à celle de sa fille : le vin.

L’ouverture est prévue pour 2024. Une aventure dans laquelle la France a joué un rôle non négligeable et qui, bien que microscopique, est révélatrice des rapports entre la Chine et le reste du monde ces trente dernières années.
Dans les années 1970, Gao Lin, alors jeune ouvrier, est repéré par ses patrons pour ses talents scripturaires. Promu « dans les bureaux », il est chargé de vendre les stocks de vêtements à Pékin et à Harbin, puis, ouverture de la Chine aidant, en Russie et en Hongrie.

Nommé en 1991 à Saint-Pétersbourg, il observe l’effondrement de l’Union soviétique. Cet homme qui, dans son enfance, a connu la famine et mangé des écorces d’arbre, constate que, pendant que la Chine se perdait dans des luttes fratricides, le reste du monde avançait. Il fait alors venir sa fille en Russie. « Je voulais faire du théâtre. J’ai étudié le russe et l’économie », résume aujourd’hui Emma, sourire aux lèvres.

Plusieurs reconnaissances internationales

De retour dans le Ningxia, Gao Lin décide d’y planter des vignes. Le climat sec et semi-montagneux y est favorable et la Chine qui s’ouvre sur le monde va forcément succomber aux charmes de cette boisson, anticipe-t-il. Surtout, celle-ci lui permet de voyager à nouveau. L’Allemagne, l’Italie, la France d’où il ramène plusieurs cépages : sauvignon, merlot, riesling…
A 50 ans passés, il effectue même un stage au lycée horticole d’Orange (Vaucluse). Et découvre que, contrairement à ce qu’on lui a appris, le capitalisme n’est pas que l’appât du gain. « J’ai été frappé par le professionnalisme des gens et une certaine tranquillité d’esprit », explique cet homme posé, entre deux gorgées de cognac maison.

Impossible de garder cette découverte pour lui. Une nouvelle fois, Gao Lin pousse sa fille à marcher sur ses traces. « J’ai eu quatre mois pour apprendre le français et intégrer en 1999 la faculté d’œnologie de Bordeaux », raconte-t-elle, au milieu de ses vignes.

Après quatre années au bord de la Garonne, un mariage avec un jeune vigneron, Thierry Courtade, puis une première expérience au Xinjiang, Emma rejoint son père au Ningxia. Le trio produira son premier millésime en 2007. Très vite, leur marque, Silver Heights, obtient plusieurs reconnaissances internationales.

Mais, en 2013, la municipalité de Yinchuan a des vues sur des parcelles louées par Gao Lin. Situées naguère à la périphérie de la ville, celles-ci se trouvent désormais menacées par le développement de la ville. De fait, aujourd’hui, le cabanon de M. Gao est situé au pied d’un superbe complexe résidentiel. Par leurs baies vitrées, les résidents ont une vue directe sur le futur musée, mais aussi sur le jardin de M. Gao et les W.-C. « à l’ancienne » qui trônent au milieu du verger.

Des vins servis à Emmanuel Macron et Xi Jinping

Or, sans l’ambassade de France, ce terrain de 1,3 hectare n’aurait sans doute pas échappé aux bulldozers. « En 2013, l’ambassadeur, Mme Sylvie Bermann, était venue nous voir. Quand elle a su que nous étions menacés d’expulsion, elle a écrit une lettre à la mairie », témoigne Emma. « Le maintien sur son site actuel de cette très belle exploitation, emblématique d’une coopération particulièrement fructueuse entre la France et la Chine (…), contribue activement à l’image de la ville, celle d’un lieu de production locale de vins de très grande qualité », plaide Sylvie Bermann. Avec succès. Le domaine est sauvé.

Entre-temps, il s’est même considérablement développé. Silver Heights s’étend désormais sur 70 hectares, bien au-delà de Yinchuan. Et ses vins, qui ont été servis lors d’une rencontre entre Emmanuel Macron et Xi Jinping, peuvent désormais être achetés dans plusieurs pays européens, en Asie et en Amérique du Nord. Le lopin de terre initial ne joue plus qu’un rôle secondaire dans l’exploitation familiale, mais Gao Lin tient à son terrain et à son musée.

C’est que sa fille, elle aussi, innove. Emma Gao a en effet décidé de faire de Silver Heights un des tout premiers vignobles biodynamiques du pays. Sachant les labels verts chinois peu crédibles à l’étranger, elle espère obtenir la certification Demeter, sans doute la norme la plus exigeante au monde en matière d’agriculture durable. « Nous avons fait la demande en 2019, espérons obtenir une première certification européenne cette année et Demeter deux ans plus tard », explique Emma, au milieu des paons et des oies qui contribuent à « biodynamiser » ses terres. Un combat pas gagné d’avance : Emma est en procès avec ses voisins qui utilisent des drones pour répandre des pesticides sur leurs champs.

« C’est parce qu’il est organique que notre vin a du succès à l’export. De plus, le réchauffement climatique ne nous laisse pas le choix. La viticulture doit être durable », affirme cette écologiste militante. Selon Emma Gao, Silver Heights est tout juste rentable mais le fait que, malgré sa taille encore modeste, le domaine représente à lui seul 50 % des exportations viticoles de la province, prouve que la famille est sur la bonne voie.

Frédéric Lemaître, Le Monde du 28 septembre 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Hommage à Sempé

Hommage à Sempé, un dessinateur exceptionnel, à l'humour subtil et tendre

Le 11 août dernier, le dessinateur Jean-Jacques Sempé (que tout le monde appelle simplement Sempé), est mort, à l'âge de 89 ans. "La tendre ironie, la délicatesse de l'intelligence, le jazz : nous ne pourrons pas oublier Jean-Jacques Sempé. Son regard et son crayon vont cruellement nous manquer... Il avait l'élégance de toujours rester léger sans que rien ne lui échappe", a déclaré le président Macron en apprenant son décès. Un sentiment partagé par tous les Français. Rarement un dessinateur a fait autant l'unanimité.

Né en Gironde, près de Bordeaux, dans une famille très pauvre, il avait 12 ans quand il a commencé à dessiner, dans l'espoir de gagner sa vie et d'aider son père adoptif (il était enfant naturel) et sa mère à survivre. Il a quitté l'école à 14 ans et a commencé à travailler comme livreur à bicyclette. Il avait 19 ans quand il a publié ses premiers dessins dans un journal régional. Peu après, il a déménagé à Paris, et 4 ans plus tard, il a rencontré le scénariste de bande dessinée René Goscinny, qui était déjà très célèbre.

Le Petit Nicolas

Sempé et Goscinny sont devenus tout de suite des amis très proches, et le sont restés jusqu'à la mort de Goscinny en 1977. Ensemble, dès 1956, ils ont créé les aventures du Petit Nicolas, une série de livres écrits par Goscinny jusqu'à 1965 et illustrés par Sempé. Destinés aux jeunes, ces livres rassemblent de courtes histoires, qui racontent la vie de tous les jours d'un petit garçon, Nicolas (dessin ci-dessus) : à l'école, avec ses camarades, en famille, etc.  Le succès a été immédiat. Le Petit Nicolas est aujourd'hui considéré être un chef-d'œuvre de littérature jeunesse. Tous les Français le connaissent et les livres ont été régulièrement réédités, et adaptés au cinéma. Plus de 15 millions de livres ont été vendus, et ils ont été traduits en 45 langues.

Si le Petit Nicolas est en principe une série de livres pour les jeunes, ils sont aussi très lus par les adultes, et nous les recommandons souvent aux étudiants de Learn French at Home comme excellent moyen d'améliorer leur vocabulaire et leur connaissance de la culture française !

Le dessinateur-philosophe

Mais la carrière de Sempé est allée bien au-delà du Petit Nicolas. Toute sa vie, il a illustré de nombreux journaux et magazines, français et étrangers, dont The New Yorker. Il est surtout connu pour son humour subtil et tendre, sa délicatesse, et le mélange de romantisme, de nostalgie et d'ironie qu'expriment ses superbes dessins. La manière dont il décrit ainsi le monde qui l'entoure l'ont fait qualifier de dessinateur-philosophe. On a dit aussi qu'il était un vrai poète.

Comme on peut le voir dans les dessins illustrant cet article, Sempé exprimait dans ses œuvres tout ce qu'il ressentait et qu'il aimait. Il était passionné de musique, mais aussi de vélo. Il a expliqué que quand il est arrivé à Paris, il a été tout de suite "enchanté par le métro, les autobus, la fièvre de la ville. Et surtout j'ai fait beaucoup de vélo. Pendant trente ans, je suis allé partout à bicyclette". Et le soir il fréquentait souvent les clubs de jazz, et retrouvait des amis, dont le poète Jacques Prévert.

Ses dessins ont été publiés dans plus de 50 livres, entre 1958 et 2022. Nous ne pouvons qu'encourager nos lecteurs de partir à la découverte de ce dessinateur exceptionnel.

Pourquoi avoir choisi le prénom de Nicolas ?

Nos lecteurs connaissent sûrement la chaîne de marchands de vins Nicolas (plus de 500 magasins en France). En 1955, Sempé et Goscinny étaient assis à une terrasse de café à Paris. Sempé a montré à Goscinny ses premiers dessins de ce petit garçon qui allait devenir son personnage le plus célèbre. Goscinny lui a demandé comment il pensait l'appeler. À ce moment, un bus est passé dans la rue. Sur le côté du bus, il y avait une publicité pour Nicolas, déjà très connu car le premier magasin a été ouvert en 1822 par le caviste Louis Nicolas. Sempé lui a répondu "Il va s'appeler Nicolas" ! Un an plus tard, Sempé a eu son premier enfant, un garçon, qu'il a appelé Jean-Nicolas...

AS, "French Accent Magazine" No 99, octobre-novembre 2022       

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Victor Hugo : L'amour paternel, en poèmes

Victor Hugo avait 20 ans quand il a épousé son amie d'enfance, Adèle Foucher, en 1822. Elle-même avait 19 ans. Cela faisait deux ans que leur amour s'était déclaré, mais les parents d'Adèle, et la mère de Victor, s'opposaient à cette relation. C'est seulement après la mort de sa mère qu'ils ont pu se marier. Le couple a eu cinq enfants :  Léopold, né en 1823, qui a vécu seulement quelques mois, Léopoldine en 1824, Charles en 1926, François-Victor en 1828 et Adèle en 1830. Ces enfants ont certainement été l'un des plus grands bonheurs, mais aussi la grande tragédie, de la vie de Victor Hugo, car ils sont tous, sauf Adèle, morts avant lui.

Victor Hugo adorait ses enfants et petits-enfants. Au point que, contrairement aux mœurs de l'époque dans les grandes familles bourgeoises, ils étaient souvent assis avec les adultes à table pour le dîner quand il y avait des invités à la maison. Certains de ces invités lui ont même reproché d'accorder autant de place aux enfants !

Il est tout à fait naturel qu'un père de famille aime ses enfants. Mais quand cet homme est l'un des plus grands poètes au monde, cet amour peut donner lieu à des poésies à valeur universelle. Le poète Hubert Juin, dans un livre "Hugo et ses enfants", note que Hugo était un père de famille tellement exemplaire qu'il a été "le premier à faire paraître réellement l'enfant dans la poésie française". Il précise encore que pour Victor Hugo, "l'enfant c'était la promesse d'une vie meilleure".

Beaucoup de Français connaissent certaines de ses poésies par cœur, dont la plus célèbre est Lorsque l'enfant paraît (publiée en 1830 dans Les Feuilles d'Automne). Ma mère, quand j'étais petite fille, me récitait souvent la première strophe :

Lorsque l'enfant paraît, le cercle de   famille
Applaudit à grands cris.

Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Victor Hugo pensait tout le temps à ses enfants, auxquels il avait donné des surnoms. Il appelait Léopoldine ma Poupée, ou Didine, Charles était Charlot, François-Victor Toto et Adèle Dédé. Lorsqu'il voyageait, il écrivait de nombreuses lettres à toute sa famille, sa femme, et ses enfants individuellement. Il illustrait souvent ses lettres de dessins décrivant les sites qu'il traversait.

Il exprime cet amour de manière très poétique dans une lettre envoyée à Léopoldine, alors âgée de 10 ans, en 1834 :

Bonjour, ma Poupée, bonjour, mon cher petit ange.
Je t’ai promis de t’écrire. Tu vois que je suis de parole.
J’ai vu la mer, j’ai vu de belles églises, j’ai vu de jolies campagnes. La mer est grande, les églises sont belles, les campagnes sont jolies ; mais les campagnes sont moins jolies que toi, les églises sont moins belles que ta maman, la mer est moins grande que mon amour pour vous tous. [...]
Encore quelques heures, et je t’embrasserai sur tes deux bonnes petites joues, et mon gros Charlot, et ma petite Dédé qui me sourira, j’espère, et mon pauvre Toto l’exilé.

La tragédie

L'immense chagrin de Victor Hugo est que tous ses enfants sont morts trop tôt, Charles en 1871 (à 44 ans), François-Victor en 1873 (à 45 ans), tandis qu'Adèle a passé sa vie en maisons de santé parce qu'elle a souffert de dépression puis de graves problèmes psychiatriques dès l'âge de 13 ans après la mort tragique de sa sœur. Cette catastrophe a bouleversé Victor Hugo : Léopoldine est morte à l'âge de 19 ans, alors qu'elle venait juste de se marier et qu'elle était enceinte. Le canot sur lequel son mari l'avait invitée à le rejoindre pour une sortie sur la Seine a chaviré suite à un coup de vent violent. Les quatre passagers sont morts, dont le mari de Léopoldine, qui avait tenté de la sauver.

Le 25 août 1843, Victor Hugo s'adressait à Léopoldine pour la dernière fois, 10 jours avant sa noyade, dans une lettre illustrée, destinée à sa mère :

J'écris à ta mère, ma fille chérie, la tournée que je fais dans ces montagnes. Je t'envoie au dos de cette lettre un petit gribouillis qui te donnera une idée des choses que je vois tous les jours, qui me paraissent bien belles, et qui me sembleraient plus belles encore, chère enfant, si je les voyais avec toi. [...] Rayonne, mon enfant...

Cette terrible tragédie a eu une grande influence sur l'œuvre et la personnalité de Victor Hugo, qui s'est engagé de manière plus intense, à la fois en politique et dans la défense des enfants et des personnes démunies.

En parallèle, il a continué d'écrire d'autres poèmes sur Léopoldine, longtemps après sa mort, dans Les Contemplations. Ce poème est le plus célèbre et le plus émouvant :

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Le poème ci-dessous, également publié dans Les Contemplations, démontre le plaisir que Victor Hugo ressentait lorsqu'il avait des enfants autour de lui :

Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin ;
Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère ;
Elle entrait, et disait : Bonjour, mon petit père ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s’asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s’en allait comme un oiseau qui passe.

Il retrouvera ce plaisir des années plus tard, avec ses petits-enfants.

Annick Stevenson, "French Accent Magazine" No 99, octobre-novembre 2022     

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Victor Hugo : L'art d'être grand-père

Suite à la mort par apoplexie de son fils Charles Hugo en 1871, alors qu'il avait 44 ans, Victor Hugo, qui avait déjà 71 ans, a décidé qu'il était de son devoir de se charger lui-même de l'éducation de ses deux petits-enfants, Georges et Jeanne. Ils avaient déjà perdu leur grand-mère, Adèle Foucher, décédée en 1968 et, leur père étant disparu, ils n'avaient plus que leur maman, Alice Lehaene, pour s'occuper d'eux.

Six ans plus tard, Alice s'est remariée avec un homme politique, un mariage que Victor Hugo a fortement réprouvé. Il a donc obtenu la garde de ses petits-enfants, et les a installés dans un appartement juste en face du sien à Paris.

Il les a amenés partout, comme à Guernesey quand il y est retourné après ses périodes d'exil. Il avait besoin de leur présence.

Papapa, un "vrai" père pour les deux petits-enfants

Georges avait 4 ans et Jeanne 2 ans quand leur père est mort. Très vite, leur grand-père, Victor, est devenu leur deuxième papa, qu'ils ont toujours appelé "papapa". Dès leur naissance, Victor Hugo a été fasciné par ses petits-enfants. Il les a adorés spontanément et ils ont été sa grande consolation d'avoir perdu trop vite ses propres enfants. Les côtoyer de près, et les observer, lui a inspiré un magnifique recueil de poèmes, L'Art d'être grand-père, qui, sans vouloir donner la moindre leçon, exprime une infinie tendresse pour ces deux enfants. En voici un extrait :

Moi qu'un petit enfant rend tout à fait stupide,
J'en ai deux ; Georges et Jeanne ; et je prends l'un pour guide
Et l'autre pour lumière, et j'accours à leur voix,
Vu que Georges a deux ans et que Jeanne a dix mois.
Leurs essais d'exister sont divinement gauches ;
On croit, dans leur parole où tremblent des ébauches,
Voir un reste de ciel qui se dissipe et fuit ;
Et moi qui suis le soir, et moi qui suis la nuit,
Moi dont le destin pâle et froid se décolore,
J'ai l'attendrissement de dire : Ils sont l'aurore.
[...]
Je les regarde, et puis je les écoute, et puis
Je suis bon, et mon cœur s'apaise en leur présence ;
J'accepte les conseils sacrés de l'innocence [...]
Le soir je vais les voir dormir. [...]
Et je me dis : À quoi peuvent-ils donc rêver ?
Georges songe aux gâteaux, aux beaux jouets étranges,
Au chien, au coq, au chat ; et Jeanne pense aux anges.
Puis, au réveil, leurs yeux s'ouvrent, pleins de rayons...

En 1902, tout juste 100 ans après la naissance de Victor Hugo, son petit-fils Georges, devenu peintre, a publié un très beau et émouvant livre de souvenirs, Mon grand-père. Il parle de "cet amour, cette affection qui se fait enfantine pour parler aux enfants, pour toucher leur cœur d'enfant". Et il décrit ce "Papapa qui, après avoir joué comme un petit avec les tout-petits, cause avec l'adolescent, conseille le jeune homme." Il parle aussi de "sa gaîté malgré les tourments et la fin de la vie, cette gaîté qu'il nous conservera toujours", et de "ce rire aux belles dents qu'il faisait, pour nous, plus clair et étincelant". Une anecdote est particulièrement touchante :

Voici les premiers instants de bonheur de ma vie, alors que Papapa joue avec nous, et comme nous. Il se donne à notre âge, parle notre langue, aime ce que nous aimons. Il court, il rit, il est exubérant. Nous nous cachons derrière de grands fauteuils ; il nous y découvre, car il est encore plus grand qu'eux. Comme il est immense, tout noir en bas, avec, très haut, sa riante face blanche ! On joue à tout déplacer, à tout casser ; et nous formons des forêts avec les chaises, des cavernes avec les tables, forêts qu'il nous fait parcourir et qu'il rend vraies, cavernes où il se cache en rugissant comme un vrai lion. Nous avons peur, notre peur nous enchante, et Papapa, heureux, triomphant, emporte ses petits et les embrasse, tout essoufflé.

À la fin de sa vie, Victor Hugo a donné cette importante recommandation à son petit-fils Georges :

L'amour !... Cherche l'amour ! L'amour rend l'homme meilleur !... Donne de la joie, et prends-en en aimant, tant que tu le pourras... Il faut aimer, mon fils, aimer bien... toute la vie.

AS, "French Accent Magazine" No 99, octobre-novembre 2022     

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Mais qui était donc Victor Hugo ?

Poète, écrivain, dramaturge, artiste, homme politique actif, défenseur passionné des droits humains, et bien plus... Peu de célébrités françaises ont eu une personnalité aussi multiple que l'auteur des Misérables.

"Ce siècle avait deux ans." Avec ce vers, le commencement d’un poème qui chante les exploits de Napoléon, Victor Hugo nous annonce sa propre naissance. C’était non seulement un éloge à l’empereur qu’il admirait tant, mais également un reflet de l’égo irrépressible de l’écrivain qui a laissé une marque indélébile sur le XIXe siècle en France.

Son immense œuvre littéraire et son influence politique et sociale à travers sa longue vie nous révèlent un géant de créativité et d’humanité : Hugo fut poète, dramaturge, romancier, chroniqueur, artiste, dessinateur, ébéniste, député à l’Assemblée nationale, sénateur, défenseur passionné des droits humains, protecteur des travailleurs – ces "Misérables" de la société –, et partisan du suffrage universel.

Enfant précoce, fils d’un général dans l’armée de Napoléon, le jeune Victor commence très jeune à écrire de la poésie et à monter des pièces de théâtre avec ses deux frères. En effet, c’est par ses pièces de théâtre qu’il devient, à l’âge de 28 ans, le chef du mouvement romantique en France. La Préface de Cromwel, sa première pièce publiée en 1827, est considérée aujourd’hui comme le manifeste du mouvement naissant. Trois ans plus tard, sa pièce Hernani déclenche une véritable bataille entre les "modernes" et les "anciens" à chaque représentation à La Comédie Française. Malgré l’échec de sa pièce Les Burgraves en 1843, ses autres pièces connaissent un grand succès dans les années 1870 lorsque les principaux rôles sont repris par de grandes actrices comme Sarah Bernhardt.

Si Les Burgraves marque un tournant dans la carrière du jeune écrivain, et pour certains la fin du théâtre romantique, c’est plutôt un événement familial tragique qui le réduit au silence pendant plusieurs années : la mort de sa fille Léopoldine, sa préférée. Hugo apprend la mort de Léopoldine en lisant le journal quelques jours plus tard alors qu'il rentrait de vacances en Espagne avec sa maîtresse Juliette Drouet. Au milieu de son recueil de poésie, Les Contemplations, Hugo écrit quatre chiffres, seuls, centrés sur une page blanche :  "1843", et avec le poème Demain dès l’aube, Hugo décrit ses pèlerinages au cimetière où elle est enterrée.

Malgré l’énorme succès de ses œuvres, et l’admiration quasi générale qu'elles suscitent, Hugo a ses détracteurs, dont Émile Zola et Paul Verlaine, et même André Gide qui, lors du centenaire de Victor Hugo et pour répondre à la question, "Quel est selon vous le plus grand poète français ?" a dit d’un air moqueur, "Hugo, hélas !". Mais les réactions d’autres poètes, comme Baudelaire et Louis Aragon, et d'un public d’admirateurs, sont le revers de la médaille.

Après avoir vécu des révolutions, aussi bien littéraires que politiques, après avoir ému ses spectateurs et lecteurs par ses romans, pièces, poèmes, déclarations, etc., Hugo est mort le 22 mai 1885. Sa femme, presque toutes ses maîtresses, et tous ses enfants sauf Adèle, sont tous décédés avant lui.

Les deux jours de souffrances qui précèdent sa mort sont suivis depuis les bas-fonds de la société jusqu’aux bureaux ministériels. Son enterrement est grandiose et attire plus d’un million de gens – du jamais vu à Paris. Mais le gouvernement craint des émeutes populaires et le cortège funèbre à travers les rues de Paris a lieu un lundi, quand les travailleurs sont à l'usine, et le cortège ne passe pas par les quartiers ouvriers.

Victor Hugo repose aujourd’hui au Panthéon parmi les autres grands écrivains et écrivaines de la France. L’énorme succès mondial du spectacle musical Les Misérables n’est qu’un dernier hommage à ce grand poète.
  
Roger Stevenson, auteur d'une thèse de doctorat sur Victor Hugo, intitulée : La structure thématique du théâtre de Victor Hugo
"French Accent Magazine" No 99, octobre-novembre 2022    

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Annie Ernaux Prix Nobel de littérature

La Française Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022 

Le prix Nobel de littérature a couronné jeudi la Française Annie Ernaux et le « courage » de son œuvre autobiographique qui en a fait une figure féministe. Elle est récompensée pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle », a expliqué le jury Nobel.

Prix Renaudot en 1984 pour La Place et finaliste du prestigieux prix Booker international en 2019, cette professeure de littérature à l’université de Cergy-Pontoise a écrit une vingtaine de récits dans lesquels elle analyse et dénonce le poids de la domination de classes et la passion amoureuse, deux thèmes ayant marqué son itinéraire de femme aux origines populaires.

Ecrivaine revendiquée de gauche, Annie Ernaux identifie le « mal-être social » qui la ronge dès son entrée dans une école privée dans les années 50. Depuis Les armoires vides (1974) jusqu'à Les Années (2008), cette grande et belle femme blonde va suivre une trajectoire d’écriture qui la conduit d’un premier petit roman âpre et violent à cette généreuse autobiographie historique.

Dans Les armoires vides, l'héroïne décrit avec rage les deux mondes incompatibles dans lesquels elle évolue lors de son adolescence : d’un côté, l’ignorance, la crasse, la vulgarité des clients ivrognes, les petites habitudes minables de ses épiciers de parents et de l’autre « la facilité, la légèreté des filles de l’école libre » issues de la petite bourgeoisie.

Ses origines populaires ont influencé son style

Née en 1940, elle vit jusqu’à ses 18 ans dans le café-épicerie de ses parents à Yvetot en Haute-Normandie, dont elle va s’extraire grâce à une agrégation de lettres modernes obtenue à force d’un travail intellectuel intense. Au fil des récits tous publiés chez Gallimard, l’auteure va réparer la trahison qu’elle estime avoir commise envers ses parents en leur consacrant un portrait réconcilié dans La Place et Une femme (1988).

Son style clinique, dénué de tout lyrisme fait l’objet de nombreuses thèses. Par cette « écriture plate », elle convoque l’universel dans le récit singulier de son existence. Abandonnant très rapidement le roman, elle renouvelle le récit de filiation et invente l’« autobiographie impersonnelle ».

La condition féminine est au cœur de ses écrits

Son écriture est ainsi un moyen d’atteindre et de dire avec authenticité l’expérience intime de sa condition féminine inspirée par Simone de Beauvoir : son dépucelage raté dans La Honte (1997) puis dans Mémoire de filles (2018), son avortement illégal vécu en 1963 comme une émancipation sociale dans L’Evénement (2000), l’échec de son mariage dans La femme gelée (1981) ou encore son cancer du sein dans L’usage de la photo (2005).

Jugée par ses détracteurs comme une écrivaine obscène et misérabiliste, elle choque par la description crue de l’aliénation amoureuse dans Passion simple (1992). De l’écriture d’Annie Ernaux, on pourrait dire qu’elle est l’écriture du scandale. Scandale des prétentions d’une femme à l’affranchissement social, à la liberté matérielle, à l’ambition intellectuelle. Scandale d’une femme qui écrit ce qu’elle devrait taire, et qui encourage ainsi d'autres femmes à ne plus avoir à se taire. Scandale d’une écriture qui s’empare effrontément du politique et du sexuel, semblant oublier qu’il s’agit de chasses gardées des écrivains masculins. Ecrire sur le social et sur le désir est « doublement obscène », comme le dit l’autrice elle-même dans l’Ecriture comme un couteau. Elle a été condamnée par ses récits impudiques, on lui a reproché de ne pas écrire de « romance » comme une femme est censée le faire. Mais c’est bien l’histoire des femmes que raconte cette œuvre singulière.

Adaptation d'un article paru le 6 octobre 2022 dans Ouest France

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Pénurie de moutarde

Grâce à la pénurie, la France réinvente sa moutarde

De mauvaises récoltes au Canada et la guerre en Ukraine ont vidé les rayons français de leurs pots de moutarde. Une situation dont les producteurs locaux pourraient tirer profit en réorganisant leurs cultures, suggère The Christian Science Monitor.

Une demi-douzaine de touristes se pressent autour d’un zinc à la moutarderie Edmond Fallot, où l’employée Martine Dupin présente toutes sortes de moutardes sur de petites cuillères en bois. On compte parmi les saveurs le pain d’épices, le cassis et les variétés dites “à l’ancienne”. Les visages grimacent à chaque fois que le piquant monte au nez.

“Je vais acheter de la moutarde aujourd’hui, c’est certain, affirme Élisabeth Soulier, venue de Poitiers. C’est délicieux avec du lapin ou dans une vinaigrette. On trouve difficilement de la moutarde où que ce soit ces temps-ci, et celle de Dijon est vraiment meilleure que les autres.

Comme les autres visiteurs du groupe, elle pourra acheter un pot de moutarde à la boutique, mais pas plus. La France traverse une longue pénurie de moutarde qui a vidé de 21 % les stocks du condiment chéri en supermarché. Edmond Fallot et ses concurrents ont dû limiter les achats en magasin afin de se prémunir contre les réserves déraisonnables de certains.

Un “produit emblématique”

La demande de graines de moutarde étant à son paroxysme à cause de la sécheresse et de la guerre, les agriculteurs français cherchent aujourd’hui à innover et à reconquérir des parts de marché, pour assurer l’héritage gastronomique français. Ils se disent prêts à surmonter les pénuries et à trouver des perspectives de croissance.

“Les graines canadiennes de moutarde sont très bien, mais la moutarde est un produit emblématique de la France, explique Patrice Boudignat, qui cultive ces graines sur près de 5 hectares près de Provins. Si nous voulons réduire les coûts et les problèmes de transport, et fonctionner en circuit court, alors nous devons faire plus de place au produit local. C’est notre patrimoine que nous cherchons à préserver au quotidien.

La moutarde est le condiment le plus populaire de France, après le sel et le poivre, et les Français en sont les premiers consommateurs en Europe, soit environ un kilo par an et par personne.

La Bourgogne et plus particulièrement Dijon sont le cœur de cette production depuis le Moyen Âge. Ces dernières années, la Bourgogne recensait environ 300 producteurs pour environ 10 000 tonnes de graines par an. Mais les cultures ont été frappées par des insectes ravageurs, que les agriculteurs n’ont pas réussi à freiner en raison de l’interdiction de certains insecticides en France depuis 2019. La production régionale a ainsi été réduite de deux tiers en cinq ans, de 12 000 tonnes en 2017 à 4 000 tonnes en 2021.

Pénurie globale

Même les bonnes années, la filière bourguignonne ne suffit pourtant pas à subvenir à la demande française, qui demande environ 30 000 tonnes de graines chaque année. Les grandes marques se sont largement appuyées sur le marché canadien pour pallier ce manque, mais la sécheresse qui a sévi tout au long de 2021 – imputée en grande partie au dérèglement climatique – a soudainement divisé par deux les récoltes.

La guerre en Ukraine signifie aussi que la France ne peut acheter ni à la Russie ni à l’Ukraine de graines de moutarde (qui donnent une version plus douce de la moutarde jaune) pour abonder les stocks – à supposer que les Français consomment ce produit. Tous ces facteurs renforcent la pression exercée sur les producteurs locaux afin qu’ils répondent à la demande.

C’est une situation qui touche le monde entier, a déclaré un porte-parolede MailleC’est provisoire et ça échappe à notre contrôle.

Edmond Fallot, qui occupe 5 % du marché français, a augmenté sa production de 20-25 % au début de 2022, mais ne peut faire plus. “Nous sommes une petite structure. Nos graines sont encore broyées à la meule en pierre, une méthode que les grands distributeurs ont abandonnée depuis longtemps, souligne Marc Désarménien, aux commandes de cette entreprise restée familiale depuis 1840 et qui utilise uniquement des graines cultivées en Bourgogne. Ils veulent produire rapidement, mais ils perdent en qualité. Je suis le dirigeant de troisième génération de cette entreprise et nous avons toujours fait primer la qualité sur la quantité.

Replanter en France

La demande exceptionnelle a fait flamber les prix de la récolte 2023 des graines de moutarde, mais aussi encouragé les producteurs locaux à accroître les surfaces cultivées et à convertir de nouveaux agriculteurs, en vue de rapatrier la moutarde et de réduire la dépendance française au Canada.

L'Association Moutarde de Bourgogne indique que le prix de la graine bourguignonne devrait passer de 900 euros la tonne en 2021 à 2 000 euros la tonne en 2023. Et la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or précise que le nombre de producteurs est passé de 160 à 500, avec l’objectif de produire 15 000 tonnes de graines en 2023, soit 40 % des besoins.

Le défi consiste maintenant à rendre cette nouvelle manne durable et résistante face à tous les facteurs qui ont créé la pénurie en 2022, notamment les insectes et la sécheresse.

“Les périodes de crise sont des chances à saisir, mais nous craignons que ces nouvelles méthodes [de culture] ne soient pas préservées à long terme, détaille Stéphane Fournier, qui enseigne l’innovation et le développement durable à l’Institut Agro Montpellier. Nous tous – citoyens, associations et les autres acteurs – devons continuer à mettre au point des méthodes alternatives.

Les producteurs locaux de graines de moutarde ont entendu cet appel à innover. Certains testent de nouvelles variétés plus résistantes aux conditions météorologiques imprévisibles qui sont le lot du dérèglement climatique. De petites exploitations s’implantent dans des régions qui ne sont pas traditionnellement celles de la moutarde.

Et les producteurs cherchent à élargir leurs gammes. En Seine-et-Marne, Patrice Boudignat a conçu une huile de graines de moutarde et du chocolat à la moutarde, en plus des saveurs plus classiques. Edmond Fallot vend maintenant une moutarde au goût pain d’épices, grâce à une collaboration avec Mulot & Petitjean, fabrique familiale implantée à Dijon depuis 1796. Et cette maison a commencé à intégrer la moutarde Fallot à ses pains d'épices.

Nous sommes toujours en quête d’innovation et le consommateur aussi, résume Catherine Petitjean, qui est la neuvième génération à diriger Mulot & Petitjean. Nous voulons rester ancrés dans la tradition, mais nous sommes au XXIe siècle. Nous devons poursuivre le développement sans quoi nous n’avancerons pas.

Les producteurs locaux sont convaincus que les consommateurs les suivront. Les Français aiment savoir d’où vient leur nourriture et apprécient plus que jamais les produits qui contournent la grande distribution, notamment depuis la pandémie de Covid. La provenance des aliments est leur premier critère à l’achat de fruits et légumes, selon un sondage Ipsos de 2020, dans lequel 63 % des personnes interrogées disaient acheter local le plus possible.

Nous voyons bien que les gens sont de plus en plus attentifs à ce qu’ils consomment, pour savoir non seulement où [leur nourriture] est produite, mais aussi comment, affirme Marc de Nale, directeur général de Demain la Terre, une association qui travaille avec des producteurs de fruits et légumes afin de promouvoir le développement durable. Ils veulent des agriculteurs engagés, qui ont en tête le progrès pour produire mieux mais aussi pour protéger l’environnement.

Ruser face aux rayons vides

En attendant que se résorbe la pénurie, certains Français assouvissent leurs envies grâce à des produits comparables qui viennent d’Algérie et de Pologne et remplissent actuellement les rayonnages des supermarchés. Il est arrivé que certains aillent en train jusqu’en Bourgogne dans l’espoir de trouver un pot chez des producteurs locaux, ou que d’autres paient une fortune sur Amazon. Ils sont bien plus nombreux à faire tenir le plus longtemps possible leur dernier pot de moutarde de Dijon, jusqu’au réassort de cette héroïne culinaire nationale dans les magasins.

J’utilise toujours de la moutarde quand je cuisine, ça fait tout simplement partie de notre gastronomie traditionnelle, souligne Guy Benoît, qui est originaire de Beaune, pendant la dégustation chez Edmond Fallot. J’ai encore une petite réserve de deux pots à la maison, car à moins d’aller au supermarché à 8 heures du matin, on ne trouve rien. Mais je sais que ça reviendra.

Colette Davidson
Courrier International du 23 octobre 2022
Article original en anglais publié le 7 octobre 2022 dans The Christian Science Monitor.

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La baguette au patrimoine de l'UNESCO

La baguette de pain française inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco

Tous les jours, quelque douze millions de consommateurs français poussent la porte d’une boulangerie, et plus de six milliards de baguettes sortent des fournils chaque année.

Elle est un emblème dans le monde, désormais reconnu, de la vie quotidienne des Français. La baguette de pain a été inscrite, mercredi 30 novembre, au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. L’organisation, qui honore avant tout les traditions à sauvegarder plus que les produits eux-mêmes, a distingué les savoir-faire artisanaux et la culture entourant cet élément incontournable des tables françaises.

Avec sa croûte croustillante et sa mie moelleuse, la baguette, apparue au début du XXe siècle à Paris, est aujourd’hui le premier pain consommé dans le pays. Tous les jours, douze millions de consommateurs français poussent la porte d’une boulangerie et plus de six milliards de baguettes sortent des fournils chaque année. Acheter du pain est ainsi une véritable habitude sociale et conviviale qui rythme la vie des Français.

Sur Twitter, le président Emmanuel Macron a salué « 250 grammes de magie et de perfection dans nos quotidiens. Un art de vivre à la française », ajoutant : « Nous nous battions depuis des années avec les boulangers et le monde de la gastronomie pour sa reconnaissance. La baguette est désormais au patrimoine immatériel de l’Unesco ! »

« C’est une reconnaissance pour la communauté des artisans boulangers-pâtissiers. (…) La baguette, c’est de la farine, de l’eau, du sel, de la levure et le savoir-faire de l’artisan », s’est félicité le président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, Dominique Anract, dans un communiqué.

« C’est effectivement une sorte de consécration, se réjouit Priscilla Hayertz, boulangère à Paris. C’est un produit de base qui touche toutes les catégories socioculturelles, que l’on soit riche, pauvre… peu importe, tout le monde mange de la baguette. » « Belle reconnaissance pour nos artisans et ces lieux fédérateurs que sont nos boulangeries ! », a abondé la ministre de la culture, Rima Abdul Malak. Avec cette inscription, « l’Unesco souligne qu’une pratique alimentaire peut constituer un patrimoine à part entière, qui nous aide à faire société », a déclaré Audrey Azoulay, directrice générale de cette agence des Nations unies.

La baguette « tradition » encadrée par décret depuis 1993

Le choix de présenter la candidature de la baguette de pain avait été effectué au début de 2021 par la France, qui l’avait préférée aux toits de zinc de Paris et à une fête vinicole jurassienne.

Cette reconnaissance est particulièrement importante compte tenu des menaces qui pèsent sur ce savoir-faire, comme l’industrialisation et la baisse du nombre de boulangeries-pâtisseries, surtout dans les communes rurales. En 1970, on comptait quelque 55 000 boulangeries artisanales (une boulangerie pour 790 habitants) contre 35 000 aujourd’hui (une pour 2 000 habitants), soit une disparition de quatre cents boulangeries par an en moyenne depuis une cinquantaine d’années.
En constante évolution, la baguette « de tradition » est strictement encadrée par un décret de 1993, qui vise à protéger les artisans boulangers et leur impose en même temps des exigences très strictes, comme l’interdiction des additifs. Elle fait aussi l’objet de concours nationaux, lors desquels les candidates sont tranchées en longueur pour permettre au jury d’évaluer l’alvéolage et la couleur de la mie, « crème » dans l’idéal.

Il peut y avoir un alvéolage régulier, dit « nid d’abeilles », avec des petits trous identiques, ou des trous moyens, plus gros, plus petits, selon le choix de chaque boulanger. S’il n’y a pas d’alvéoles « partout », le jury est formel : le pain a été mal façonné. Les compétiteurs travaillent à partir des mêmes produits, mais les baguettes sont toutes différentes. Chacun a sa petite touche particulière, par exemple sur le coup de lame, signature du boulanger.

La consommation de la baguette en déclin

Il est facile de rater une baguette, même pour les plus aguerris. « On est très dépendant de la météo. On doit prendre [en compte] la température des pâtes, de l’eau, du fournil », expliquait en 2019 à l’Agence France-Presse (AFP) le boulanger parisien Jean-Yves Boullier. « Idéalement, il faudrait qu’il fasse chaud, mais pas plus de 22 °C, humide mais pas trop. Sinon, les pâtes relâchent et le pain se ramollit », ajoutait-il. Outre les gestes indispensables comme un pétrissage lent, une longue fermentation, un façonnage à la main et une cuisson dans un four à sole, tout repose sur un savoir-faire, expliquent les professionnels.

Le mot baguette apparaît au début du XXe siècle et ce n’est qu’entre les deux guerres qu’il se banalise, souligne Loïc Bienassis, de l’Institut européen de l’histoire et des cultures de l’alimentation, qui a fait partie du comité scientifique ayant préparé le dossier pour l’Unesco. « Au départ, la baguette est considérée comme un produit de luxe. Les classes populaires mangent des pains rustiques qui se conservent mieux. Puis la consommation se généralise, les campagnes sont gagnées dans les années 1960-1970 », explique-t-il

Désormais, la consommation de la baguette décline, surtout dans les classes aisées urbaines qui optent pour les pains au levain, plus intéressants du point de vue nutritionnel, selon M. Bienassis. De plus, « les céréales ont remplacé les tartines, les hamburgers supplantent le jambon-beurre », conclut-il.

Le Monde du 30 novembre 2022

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

French Accent Magazine : 100ème numéro !

Que le temps passe vite ! C’est avec joie que nous fêtons, ce mois-ci, la 100ème parution de French Accent Magazine. Cette publication, qui est née de notre école de langues Learn French at Home, existe depuis décembre 2006. Notre équipe du magazine qui consiste de 5 personnes : Annick Stevenson, Roger Stevenson, Vincent Anthonioz, Alexandra Anthonioz et moi-même a, dès le numéro 1, toujours pris beaucoup de plaisir à rédiger les articles pour nos chers étudiants ainsi que pour tous les lecteurs en général. Aujourd’hui, notre petite équipe se retrouve à La Rochelle en France pour fêter les fêtes de fin d’année et pour trinquer à la santé de French Accent Magazine avec une belle bouteille de champagne !

Il y a 16 ans, French Accent Magazine est né. Pourquoi et comment ? En 2006, il existait très peu de matériel d’apprentissage de français sur le net. Nous cherchions en vain des articles qui pourraient être intéressants et ludiques pour nos étudiants et il n’y avait pas grand-chose. Cependant, créer un magazine n’est pas si simple et demande de l’expertise. Mais grâce à Annick Stevenson (ma mère), journaliste et ancienne rédactrice en chef du magazine Réfugiés à l’ONU, qui avait l’expérience et de bonnes connaissances dans la matière, nous avons pu réaliser ce projet. Annick savait comment mettre en pages tout un magazine en ligne en un coup de baguette magique. 

Afin d’apporter de l’information intéressante et à jour à nos étudiants, nous avons alors décidé de créer plusieurs rubriques différentes englobant la culture et la société françaises, des expressions de tous les jours, des astuces pour apprendre la langue, ainsi que des points de grammaire. L’avantage d’un eMagazine est que nous pouvions inclure des liens audio. C’était un point très important, nous voulions donner l’occasion aux apprenants d’écouter (tous les experts linguistiques disent qu’il faut s’exposer à des centaines d’heures d’écoute).

Les rubriques ont été réparties selon les motivations de chaque personne dans notre petite équipe, et aujourd’hui rien n’a changé : Annick Stevenson écrit très souvent le dossier principal du magazine sur un thème culturel, de société ou sur un personnage français connu, et une petite histoire. Et son mari Roger Stevenson, professeur de français et passionné de la langue, rédige des articles sur la politique ou la société françaises, la page littéraire, et crée aussi des jeux comme des mots croisés. Puis Vincent Anthonioz, un des 2 fondateurs de Learn French at Home, qui est très branché sur la musique et les films français, écrit des articles sur la scène française. Notre adorable fille, Alexandra Anthonioz, qui est une grande amoureuse de la lecture en général, a voulu contribuer en écrivant de jolis poèmes. Et une de mes motivations (un travail à vie je pense) est de clarifier et rendre la grammaire française moins intimidante au travers d'explications simples et non académiques, que nos étudiants regrettent ne pas trouver dans des livres de grammaire. Et pour qu'ils soient accessibles à tous, ce que je considère essentiel, j'écris ces articles en anglais. 

French Accent Magazine est aussi un moyen pour nous de transmettre à nos étudiants des informations bien d'actualité sur les événements dans la société en France. Entre autres exemples, nous avions rédigé un dossier sur "Je suis Charlie" après l’attentat contre le magazine Charlie Hebdo en 2015, nous avons examiné dans quelle mesure la révolution #MeToo pouvait influencer l'image de la France romantique, et nous avons essayé de vous distraire pendant la pandémie de Covid-19 avec des jeux et des témoignages.

Nous suivons toujours de près les élections présidentielles, les avancées des actions contre le réchauffement climatique, nous vous présentons parfois une région de France ou un quartier que nous connaissons et aimons bien. Et nous observons constamment pour vous les changements d'habitudes des Français dans la vie de tous les jours, la cuisine, les comportements, l'évolution constante du langage courant, etc. L’idée est de continuer à encourager nos étudiants et à améliorer leur français au travers de thèmes actuels et éducatifs.

Au fil des années, le format de French Accent Magazine a évolué, et à la demande de nos lecteurs nous écrivons davantage en français, mais le choix des sujets, et la volonté de vous informer de la manière la plus précise et juste possible, sont restés inchangés.

Et voilà, depuis 16 ans, notre petite équipe de 5 personnes a publié sans répit ce magazine en ligne, et nous planifions de continuer à le publier 4 fois par an à partir de 2023.

La "librairie" de Learn French at Home

Nous ne sommes pas arrêtés à la création d’un magazine en ligne. En 2004, lorsque nous avions créé Learn French at Home, nous donnions les leçons par téléphone (avant que Skype arrive sur le net) et nous envoyions les notes des leçons ainsi que les devoirs par email. Nos premiers étudiants étaient principalement des Britanniques qui s’installaient dans des villages en France pour retaper de belles maisons, et qui avaient besoin de communiquer en français avec le plombier, l’électricien, le maire, etc. Puisqu’ils habitaient loin d’une librairie pour acheter des livres d’apprentissage du français, nous avons dû concevoir du matériel en ligne pour eux, et c’est ainsi que nous avons créé une série de livres*, diffusés à la fois en format papier et eBook (pdf) :
Grammar Basics and Beyond, qui est un livre qui rassemble mes articles de grammaire avec des explications en anglais pour les rendre plus faciles à comprendre, accompagnés de nombreux exercices. J'ai déjà déjà mis à jour 2 fois la première version de livre. Une 4ème édition, comportant de nouveaux chapitres et beaucoup plus d'exercices, sortira début 2023.
─ Un autre livre mettant la grammaire en contexte sous forme de scénarios, avec des liens audio, que j'ai écrit pour compléter et illustrer avec des exemples le Grammar Basics : Say It with a French Accent.
─ Un livre qui s’appelle Traveling in Francedans lequel je donne du langage pratique pour communiquer dans les situations typiques touristiques.
─ Une série de 5 livres de petites histoires en français, Short Stories, avec des liens audio pour écouter en entier chaque histoire, écrites par Annick. Un 6ème paraîtra en 2023.
─ Un livre de motivation, écrit en anglais par Annick et Roger, qui a pour objectif d'encourager toutes les personnes qui ont envie d'apprendre le français, et de leur donner beaucoup de conseils et de tuyaux, avec des témoignages d'étudiants : Learning French ? How to Make Il Happen.
─ Et plus récemment, Annick a publié un livre très apprécié auprès des étudiants et des professeurs qui est un recueil d’histoires vécues avec des exercices : D’un Pays à l’Autre. Un 2ème tome est en préparation.

Une remarquable équipe de professeurs

Learn French at Home est une belle histoire qui travaille avec une magnifique équipe de professeurs. Leur nombre a augmenté au cours des années, ils sont aujourd'hui plus de 30, répartis sur toute la planète. Non seulement ils sont tous qualifiés pour enseigner le français, mais ils ont tous en commun une passion pour leur travail, le plaisir de communiquer ce qu'ils aiment, d'encourager les étudiants, de faciliter leur apprentissage le plus possible en personnifiant entièrement les leçons, dans le pur esprit de Learn French at Home. En plus, ils ont tous leur propre spécialisation, et un parcours personnel riche et intéressant. La plupart ont vécu dans plusieurs pays du monde, faisant eux-mêmes l'expérience de s'initier à une autre langue et à une autre culture.

Par exemple, Marion et Alexis, qui sont 2 professeurs très actifs dans l’école, ont vécu en Chine. Prisca qui est aussi une professeure clé et qui propose des immersions dans les Pyrénées, a parcouru le monde pendant 4 ans en voilier avec sa famille (les étudiants sont enchantés par les immersions de Prisca**). La plupart des professeurs ont un esprit aventureux et profitent de ce travail pour vivre une autre expérience à l’étranger.

Nos étudiants :  une belle rencontre

Quand je dis que Learn French at Home est une "belle histoire", c'est aussi parce que nous faisons sans cesse de superbes rencontres avec nos étudiants. Un des plus beaux cadeaux dans l’enseignement est de voir progresser un étudiant qui a démarré avec presque rien et qui arrive aujourd’hui à s’exprimer dans la plupart des situations en français. Immédiatement, je pense à quelques étudiants comme Jim Merical qui était avec nous au tout début de la création de Learn French at Home et que nous avons eu la chance d'accompagner dans son apprentissage pendant plusieurs années. Jim est un francophile, il apprenait avec beaucoup de plaisir, et continue d'écouter des émissions de radio tous les jours. Je pense aussi à une étudiante qui s’appelle Laverne, qui est à la retraite, et qui a fait de grands pas vers l’avant et peut lire et s’exprimer dans beaucoup de domaines. Je pense également à Steven qui habite à Los Angeles, qui s’est lancé à apprendre avec passion et persévérance et que nous voyions progresser. Et maintenant il lit Harry Potter en français ! Il y a aussi Ann à Lyon qui a déménagé de New York pour réaliser son rêve de venir s’installer en France et qui a fait sans cesse de grands sauts dans sa progression. Il y a des centaines d’autres exemples d'étudiants, dont la plupart résident dans des pays très différents et sont de tous horizons professionnels. Grâce à nos étudiants qui ont besoin d'acquérir une bonne maîtrise de français pour leur profession, nous avons la chance de travailler sur des thèmes très différents tels que la médecine, la culture en Afrique via des ONG qui envoient leurs employés en mission, les films (quelques-uns de nos étudiants sont producteurs de films), le sport à haut niveau, l’art, le droit, etc. En tant que professeurs, c’est notre plus grande fierté et joie d’accompagner ces étudiants.

Nos ateliers d'immersion

 Nous avons aussi la grande chance de rencontrer, de temps en temps, quelques-uns de nos étudiants à un des ateliers que nous animons une ou deux fois par an. Certains étudiants fidèles comme Hrant, qui nous suit depuis quelques années et qui a toujours été passionné par la culture et la langue, ainsi que Chad qui habite à New York, Jacquie à Los Angeles, Paul en Idaho et bien d’autres. C’est très touchant de voir que des étudiants viennent de si loin pour passer quelques jours avec nous. A ce sujet, notre prochain atelier se passera en France. Du 1er au 4 juin, nous serons à La Rochelle. Il reste quelques places si jamais vous avez envie de combiner des vacances avec 4 jours d’apprentissage !***

Avec notre chaleureuse équipe de professeurs, nous restons proches les uns des autres, nous partageons nos idées et nous nous entraidons sans cesse. Notre objectif est de trouver les meilleures motivations et moyens qui peuvent aider nos étudiants. Apprendre le français n’est pas une tâche facile et c’est aussi notre mission de la rendre agréable, amusante et encourageante. Nous espérons que nos étudiants se réjouissent pendant leurs leçons et y prennent du plaisir. C’est primordial pour les étudiants comme pour les professeurs. Des liens forts se tissent très souvent en classe et c’est magnifique lorsque la relation dure longtemps.

Je suis convaincue que la personnalisation est la clé pour avancer positivement. Avec l’expérience que nous avons aujourd’hui, nous pouvons donner quelques petits tuyaux avec confiance. Par exemple, la répétition est cruciale pour aider à la mémorisation des mots mais il faut qu’elle arrive d’angles différents ; apprendre la grammaire en contexte est bien plus efficace pour la retenir ; faire de l’écoute chaque jour aide beaucoup à la maîtrise de la compréhension ; et placer l’étudiant en situation comme s’il était en France permet de mettre en pratique tout ce qu’il apprend. French Accent Magazine est un support qui donne l’opportunité d’exercer tous ces points et nous espérons que vous en profitez tous pleinement.

Nous levons un verre à notre magazine et merci à tous ceux qui le suivent depuis toutes ces années.

Tous les membres de notre équipe chez French Accent Magazine et Learn French at Home vous souhaitent une belle année 2023 en perspective !!

Céline Van Loan

*Pour plus de détails sur chacun des livres :
www.learnfrenchathome.com/french-audio-books
**Immersion dans les Pyrénées, chez Prisca :
learnfrenchathome.com/french-immersion-france
***Notre prochain atelier :
www.learnfrenchathome.com/event/french-immersion-workshop-france

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La baguette mise à l'honneur par l'UNESCO

Ce symbole emblématique, omniprésent, de la culture française, la baguette, est désormais officiellement reconnue par l'UNESCO comme faisant partie du patrimoine culturel immatériel mondial. L'annonce du 30 novembre a fait suite à 6 années d'efforts de la part du Gouvernement français et de la Fédération nationale de la boulangerie et de la pâtisserie françaises. Le président Emmanuel Macron, en visite d'État à Washington, n'a pas tardé à saluer le succès de cette requête et, bien sûr, à s'en attribuer une grande partie du mérite. Après s'être fait photographier une baguette à la main lors d'une réception à l'ambassade de France à Washington, il a tweeté : "250 grammes de magie et de perfection dans nos quotidiens. Un art de vivre à la française. Nous nous battions depuis des années avec les boulangers et le monde de la gastronomie pour sa reconnaissance. La baguette est désormais au patrimoine immatériel de l’Unesco !"

Alors que le nombre de boulangeries en France est en constante diminution, surtout dans les zones rurales ─ on estime que 400 boulangeries ferment chaque année ─ la disponibilité de ce miracle de farine, d'eau, de sel et de levure, avec sa croûte dorée et croustillante et sa savoureuse mie à l'intérieur, est étonnante, et les files d'attente qui se forment, surtout les matins de week-end, de clients attendant d'acheter leur baguette, sont une indication de l'importance qu'elle revêt dans leur vie quotidienne. La France produit, et consomme, environ 6 milliards de baguettes par an.

Les origines de la baguette font l'objet d'un débat considérable, et plusieurs théories et légendes urbaines existent : Napoléon, qui inspectait régulièrement les fours utilisés par les boulangers pour son armée pendant le tristement célèbre siège de Moscou, leur aurait ordonné de produire un pain long et fin qui serait beaucoup plus facile à transporter pour les soldats ; d'autres affirment que les pains longs étaient déjà très répandus au XVIIIe siècle ; une autre légende veut que ce soit l'introduction des fours à vapeur à Paris par un boulanger autrichien nommé August Zang dans les années 1830 qui ait conduit à sa forme et à sa consistance populaires ; une autre légende populaire raconte que les baguettes ont été introduites pendant la construction du métro parisien. Il était plus facile pour les ouvriers de les déchirer à mains nues pour de les partager, limitant ainsi les disputes et le besoin de couteaux pour couper le pain... En réalité, la baguette est née, et devenue un élément incontournable de la vie quotidienne, dans l'entre-deux-guerres. À l'origine, elle était consommée par les membres de la couche supérieure de la société, tandis que le prolétariat et la classe ouvrière mangeaient de grosses miches rustiques, plus faciles à conserver pendant plusieurs jours. La consommation généralisée de la baguette est apparue dans les années 1960 et 1970.

La dévotion que les Français ont pour leur baguette a même conduit à un concours annuel à Paris, le Grand prix de la baguette, pour couronner le meilleur boulanger. Le gagnant est annoncé avec beaucoup de faste et sa boulangerie a non seulement l'honneur d'afficher une grande plaque dans son commerce mais aussi le privilège, pendant un an, de fournir le palais de l'Élysée en pain.

Mais il y a baguette et baguette. La qualité du pain français en général a considérablement souffert ces derniers temps en raison des forces du marché et de ce que l'on appelle le "pain industriel" qui est produit dans d'énormes boulangeries pour approvisionner les supermarchés et les chaînes de boulangeries dans tout le pays. L'utilisation d'additifs, la réduction du temps de fermentation, les sources de farine douteuses et d'autres mesures de réduction des coûts font que pas toutes les baguettes que l'on trouve dans une boulangerie ou que l'on sert dans un restaurant ont la même croûte, la même mie et le même goût. En fait, l'historien franco-américain Steven Kaplan, qui est sans doute l'expert et le défenseur le plus compétent de la baguette, a déploré le fait que l'UNESCO ait choisi d'honorer un produit générique plutôt que la véritable baguette, nommée à juste titre "baguette traditionnelle" (la baguette tradition). Cette baguette est définie et protégée par le décret gouvernemental de 1993, qui énumère les ingrédients précis, le poids, et les méthodes de préparation à utiliser pour être qualifié de baguette tradition. Le fait de mettre ce pain supérieur dans le même panier que la baguette de farine blanche qui, selon Kaplan, "est un produit paradoxalement terne, sans attrait et sans goût", diminue l'importance de l'annonce de l'UNESCO. Heureusement, il y a de plus en plus de boulangeries artisanales qui vendent d'excellentes baguettes traditionnelles créées et cuites sur place et qui se vendent au prix étonnant d'environ 1,10€.

Toute l'excitation suscitée par l'inscription de la baguette sur la liste de l'UNESCO entraînera certainement une augmentation de l'intérêt et des ventes de cet aliment national emblématique, mais la pléthore d'articles exubérants sur la baguette a presque complètement éclipsé l'annonce, un jour plus tard, de l'ajout à la liste du patrimoine culturel immatériel du savoir-faire et des pratiques culinaires tunisiens qui produisent la merveilleuse épice à base de piments forts : la harissa. Même si la baguette et la harissa ne partagent pas normalement la table d'un restaurant de couscous typique, elles sont des partenaires culinaires tout aussi méritantes au menu du patrimoine culturel mondial.

Roger Stevenson, "French Accent Magazine" No 100, Décembre 2022-Janvier 2023

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

La coiffeuse "inretraitable"

Dans le Gard, Paulette, la coiffeuse « inretraitable » : « Mon salon, c’est ce qui me maintient vivante »

Paulette Barbusse, 86 ans, officie comme coiffeuse pour hommes à Sommières, depuis l’âge de 14 ans. Déterminée à travailler jusqu’au bout, la doyenne reste indifférente aux débats sur la réforme des retraites.

Il suffit de pousser la vieille porte en bois de cette maison fondée en 1936 qui rappelle les épiceries d’antan. Tant qu’il fait jour, Madame Paulette accepte tous les clients. Dans son salon à Sommières (Gard), la coiffeuse, 86 ans, prend sans ­rendez-vous.
Et, ce 1er février, Paulette Barbusse est à son poste, comme toujours du mardi au samedi. Les hommes se succèdent dans la boutique. Pas le temps de faire une pause, la maîtresse des lieux enchaîne les coupes et les conversations avec son inépuisable bagout.

Dans cette petite ville de moins de 5 000 habitants à mi-chemin entre Montpellier et Nîmes, la doyenne des commerçants est un peu devenue la mascotte de la rue Antonin-Paris et même de la commune. Fille de coiffeur, elle a grandi dans ce salon et a embrassé la profession à l’âge de 14 ans comme on entre en religion. Elle s’est formée dans une école de ­coiffure à Nîmes et n’a depuis quasiment jamais quitté sa ville ni fermé son établissement, à une exception près : « Avec le Covid, je n’ai pas eu le choix. Si vous aviez vu comme j’étais triste. J’ai cru devenir folle. Et j’ai trouvé ça tellement long. J’ai beaucoup pleuré. »
Cheveux blancs, coupe garçonne, une blouse avec son prénom brodé à l’ancienne et des bottines noires en cuir, Paulette Barbusse n’évoque la retraite que lorsqu’il s’agit de commenter l’actualité. « Ce qu’il se passe dans la rue ne me concerne pas, justifie-t-elle. Le travail, ça maintient en santé. Pourquoi ne pas imaginer un modèle pour les métiers difficiles et un autre pour ceux qui passent leur journée au bureau ? »

Pour elle, en tout cas, pas question. « Mon salon, c’est ce qui me maintient vivante. Je n’en partirai qu’allongée, les deux pieds devant. Moi, je ne suis pas intraitable, mais inretraitable », dit-elle en rigolant. Son fils, Hervé Barbusse, confirme : « Ici, c’est du Pagnol en vrai. Cette boutique, c’est son élixir de jouvence. »

Un commerçant, ça ne prend pas de congés

La professionnelle du cheveu, qui ne coiffe que les hommes, cumule soixante-douze années de travail. Même si elle a diminué le rythme (elle touche une partie de la retraite de son mari, décédé), elle revient tous les jours, sauf le lundi, ouvrir son magasin. Elle assume pleinement son choix. « J’ai une vie heureuse, je ne me vois pas faire autre chose. Regardez-moi ! Je suis dans un salon où il y a tout le temps du passage et, même si ce n’est pas pour faire une coupe, on vient chez moi pour parler. »
Sa longévité au travail interroge comme elle amuse ses clients. « Mais, quand même, vous ne voudriez pas vous reposer un petit peu », s’aventure un quadragénaire, premier passage chez Paulette. Elle n’a qu’un conseil : « Si vous choisissez de faire quelque chose que vous aimez, vous ne vous lasserez pas. Je me donne encore à 100 % pour ­chacune de mes coupes. » « Ah ! ben, j’espère », lui répond, caustique, le nouveau client.

Mère de trois garçons et grand-mère de sept petits-fils, Paulette Barbusse n’est jamais vraiment partie en vacances. La Grande-Motte, cette cité aux pyramides de béton située à moins d’une demi-heure de route, elle l’a découverte il y a quelques années seulement.

Son mari, enseignant, s’occupait de la fratrie durant les vacances pendant qu’elle, avec sa sœur Ginette – surnommée Ninette –, spécialiste des coupes féminines, tenait le salon. Chez les Fiorenzano, du nom de leur père, un commerçant ne prend pas de congés. Les deux sœurs n’ont qu’un seul petit péché mignon : chaque samedi, elles s’en vont boire un kir « ou deux » sur la place du marché.

Un salon resté dans son jus

Sur la porte, le « L » de Styl’Mod a disparu. L’établissement, où ni le téléphone portable, ni l’ordinateur n’ont fait leur apparition, est resté dans son jus des années 1970. A l’intérieur, sous les voûtes, deux vieux fauteuils en cuir se répondent, à côté d’une petite console en rotin. Dans un cadre, une photo en noir et blanc où pose Joseph, le père de Paulette.
« Je n’ai jamais investi dans la décoration », reconnaît pudiquement la coiffeuse, qui avoue aussi : « Les nouvelles coupes rasées, je ne sais pas faire, mais ceux qui viennent ici le savent bien. Je ne comprends pas cette mode de raser le crâne. »
Un habitué vient d’entrer, elle lève les yeux au ciel. « C’est bon, je peux vous prendre, mais il va falloir attendre ! » Sans broncher, l’homme patiente sur un petit banc en similicuir. « C’est un sacré personnage ! J’adore venir ici, elle me redonne le sourire avec ses histoires. »

Ici, face aux murs tapissés de cartes postales venues du monde entier que les clients continuent d’envoyer, on refait le monde autant qu’on se fait rafraîchir la nuque. Lorsque la conversation aborde les manifestations, certains soutiennent le mouvement. Imperturbable, le ciseau en main, la coiffeuse commente : « Si vous voyez le magasin fermé, c’est que Paulette est morte. »

Agathe Beaudouin, Le Monde du 9 février 2023

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Le Paris qu'on aime

Chaque fois que j’atterris à Paris, je ressens beaucoup d’émotion et d’excitation en pensant à tout ce que je vais faire, voir et goûter dans une des plus belles villes au monde.  Je ne suis pas la seule, tous les membres de l’équipe de French Accent Magazine, c’est-à-dire ma famille, nous aimons tous la Ville des Lumières, on ne s’en lasse jamais. À la fin du séjour, on part le cœur un peu serré mais aussi avec de superbes souvenirs en tête. Paris est si riche en activités culturelles que nous pourrions y rester des mois sans nous ennuyer pendant une seule seconde. Et lorsque nous sommes fatigués de marcher ou de visiter, il y a toujours le plaisir de se retrouver dans un café ou une brasserie dans l’objectif de ne rien faire mais de tout simplement regarder le monde passer sous nos yeux. Comme disait Jules Renard (écrivain français dans les années 1800) : ajoutez 2 lettres à Paris, c’est le paradis – c’est le sentiment que j’ai à chaque fois que je séjourne dans cette belle ville.

Plusieurs étudiants de notre école, Learn French at Home, nous demandent régulièrement des recommandations. Après tant de passages à Paris avec ma famille, j’ai décidé de rassembler une liste de nos lieux et adresses préférés afin de les partager avec vous, nos lecteurs. Vous trouverez nos quartiers, restaurants, musées et activités préférés, ainsi que quelques tuyaux pour bien profiter de la ville.

Pour commencer, dès que nous arrivons à Paris, nous achetons un petit magazine qui s’appelle L’Officiel du Spectacle afin de découvrir les expositions, films et pièces de théâtres du moment. Il est très utile et vous pouvez facilement l’acheter à un des jolis kiosques à journaux de Paris. Il existe également en ligne :
www.offi.fr

Chaque arrondissement a son charme, son ambiance et son histoire. Il y a des quartiers très chic comme ceux de Saint-Germain-des-Prés, Luxembourg, St-Michel, la Sorbonne, Port-Royal, les Champs-Elysées, la Tour Eiffel, et quel plaisir d’aller s'y balader. Mais ils sont de plus en plus dépourvus de "vrais" parisiens (ceux qui y sont nés) car beaucoup d’entre eux ne peuvent plus s’offrir un logement dans ces quartiers.

Par conséquent, nous privilégions rester dans des arrondissements plus mélangés, mais qui sont également rapidement accessibles aux principaux monuments et visites de Paris.

Nos quartiers préférés

Durant ces dernières années, nous avons loué des appartements principalement dans les arrondissements du 9ème, de Montmartre (le 18ème), et du 14ème.

Le 9ème arrondissement est situé entre Montmartre et l’Opéra. Nous aimons le côté vivant de ce quartier où les travailleurs parisiens et les touristes se confondent. Le coût des logements reste raisonnable (pour le moment !) et le quartier regorge de théâtres et de bistrots où les menus sont écrits sur des ardoises et restent bon marché. Vous y trouverez de très bonnes fromageries, charcuteries et traiteurs, boulangeries et pâtisseries du côté de la fameuse rue des Martyrs. Depuis ce quartier, on peut facilement marcher vers Montmartre ou descendre vers l’Opéra, et les grands magasins comme les Galeries Lafayette et Le Printemps. On ne s’ennuie jamais dans ce quartier.

Montmartre a une grande place dans mon cœur. C’est un quartier romantique, certains vont dire que c’est un peu surfait mais je trouve qu’il n’a pas perdu son charme ! Malgré ses hordes de touristes, on peut se perdre dans de charmantes petites ruelles sans rencontrer trop de monde. Montmartre est le premier quartier des artistes, et aujourd’hui, on continue à voir des peintres, des écrivains et des acteurs qui traînent dans les bistrots. Nous aimons rester vers la rue Lepic qui part du Moulin Rouge et qui arrive près du Sacré Cœur. Si vous prenez cette rue, vous passerez devant le fameux Café où le film Le fabuleux destin d'Amélie Poulain (Amélie en anglais) a été tourné, ainsi que l’appartement que Van Gogh a habité. En général, j’évite d’aller dans les restaurants trop touristiques. Je cherche les petits bistrots où l’expérience sera bien plus intéressante (voir ma sélection plus loin).

Le 14ème arrondissement est composé de petits villages autour de la gare Montparnasse. Si vous devez prendre le train et vous voulez résider près de la gare, je vous conseille vivement de rester dans la rue de la Gaîté qui est très animée avec ses nombreux petits théâtres et restaurants. Elle est située à quelques minutes de la gare. Une autre partie du 14ème que ma famille aime bien est le village Pernety autour de la station de métro du même nom. C'est un quartier populaire et animé, avec beaucoup de petits commerces.

Dans les pages qui suivent, je vous emmène à la découverte de nos "bonnes adresses" !

Céline Van Loan, French Accent No 101, Mars-Mai 2023

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

Les restaurants et bistrots où nous avons plaisir à aller

Connaissez-vous l’application La Fourchette (The Fork) ? Elle rassemble les restaurants de Paris par arrondissement et propose souvent des réductions ainsi que des commentaires de la part des clients. Je vous conseille de le télécharger sur votre smartphone, elle est très utile pour trouver un restaurant et aussi pour faire des réservations :
www.thefork.fr

Trouver un bon restaurant à Paris n’est pas difficile mais nous allons partager avec vous ces quelques restaurants où le service est chaleureux et la cuisine est excellente ou originale. Nous avons tendance à privilégier les bistrots et les brasseries, principalement pour leur ambiance. 

Certains bistrots, qui entrent dans une catégorie qu'on appelle "bistronomie", proposent des plats dans un style haute cuisine avec des prix qui restent généralement raisonnables. Ce sont les restaurants auxquels nous retournons à chaque fois que nous séjournons à Paris.

Dans le 9ème arrondissement

Le Bistrot Jamat Vivant (1), 33 rue de Navarin : c’est une belle petite trouvaille, un tout petit bistrot avec seulement un chef et une serveuse.  Le menu propose 3 hors d’œuvres et 3 plats principaux, les plats sont exquis et d’une très bonne qualité. Le chef a beaucoup de talent et la serveuse est très sympathique. Il y a quelques tables à l’intérieur et à l’extérieur. C’est un endroit parfait pour un couple.

Pojo restaurant (2), 38 rue de Douai : un autre très petit restaurant. La serveuse a du punch et est très communicative. Les plats sont raffinés et les produits sont très frais. L’ambiance est extrêmement conviviale, la serveuse connaît tout le monde et si vous y alliez pour la première fois, elle ne vous oubliera pas la seconde fois !

Le bergerac (3), 13 rue Notre Dame de Lorette : sur le menu, il y a quelques plats basques comme la délicieuse piperade (un plat de tomates et de poivrons cuits avec des oignons, mêlés à des œufs brouillés). Le service est très convivial et dynamique. Le serveur aime parler avec ses clients et vous pouvez goûter le vin avant de décider de le commander, ce qui n'est pas très souvent le cas en France.

Poni Restaurant (4), 24 rue Saint-Lazare : c’est un restaurant qui a la cote. Le menu propose une grande variété de plats français mais aussi quelques influences asiatiques et libanaises. Il y a également un superbe choix de salades. C’est un restaurant très apprécié, il vaut mieux réserver.

À Montmartre

Je commence avec notre restaurant préféré de tout Paris : Le Piano Perché (5), 8 rue Aristide Bruant. Il est situé en plein cœur de Montmartre dans une charmante petite ruelle. Le chef, Hugues, est un magicien. Les plats qu’il crée sont visuellement magnifiques et notre palais prend énormément de plaisir à déguster chaque plat. Hugues est un homme très modeste et gentil. Mon plat préféré est les coquilles Saint-Jacques sur une mousse de légumes et riz noir (toujours accompagné avec une sauce et d’autres légumes croquants). Il travaille dans une toute petite cuisine et on se demande comment il fait pour sortir des plats si exquis. L’autre question que nous avons : quand est-ce qu’il va recevoir sa première étoile Michelin ?  À ne pas manquer !

Le Chantoiseau (6), 63 rue Lepic. Vous trouverez plusieurs restaurants dans cette rue qui sont attractifs. Nous avons mangé dans ce restaurant deux fois, qui est de style bistronomique. Le chef propose des fruits de mer, des plats de poissons et de viande, il utilise toujours des produits frais du marché et saisonniers. Le service est très professionnel et aux petits soins. Le menu est écrit sur une ardoise qui change chaque jour.
 
Café LE Nazir (7), 56 rue des Abbesses. On voit un mélange d'habitants locaux très réguliers et de touristes qui viennent passer un bon moment dans ce café à l'ambiance de village où des artistes se retrouvent aussi pour boire un verre. En général, on aime y aller pour boire un apéritif mais on y a dîné et déjeuné à plusieurs reprises. La cuisine est française traditionnelle, bien satisfaisante.

Dans le 14ème arrondissement

Restaurant Augustin (8), 79 rue Daguerre. Voici un exemple d’un resto bistronomique avec une magnifique décoration intérieure et de belles casseroles en cuivre. Les plats sont beaux et raffinés. C’est une cuisine bien française mais avec une pointe d’originalité. Quelques exemples du menu sont du filet de rascasse, du risotto aux champignons, du veau au sautoir et des légumes de saison. Il est situé non loin de de la gare Montparnasse. La clientèle est très parisienne.

Restaurant Vin et Marée (9), 108 avenue du Maine. Si vous aimez le poisson, nous vous conseillons ce restaurant. Un de nos plats préférés est la choucroute de mer. Pour le dessert, les clients aiment commander le fameux baba au rhum car le serveur laisse la bouteille sur la table et vous pouvez arroser votre dessert à volonté ! Bonne ambiance, excellent service et plats de poissons très frais. Il y a trois autres restaurants Vin et Marée à Paris mais nous aimons le charme de celui de Montparnasse.

Brasserie Le Zeyer (10), 62 rue d’Alesia. Nous avons essayé cette brasserie pour la première fois en janvier et nous avons été enchantés par le superbe Art déco des années 1900, l’excellent service et la cuisine classique française. Par exemple, vous pouvez y trouver des œufs mayonnaise, ce qui est rare de nos jours (voir notre article littéraire page 25). Tout était délicieux et parfait.

Des restaurants plus chic :

Si vous voulez vous faire plaisir avec des restaurants mythiques et de haut de gamme, nous vous conseillons ces 3 établissements :

La Closerie des Lilas (11), 171 boulevard du Montparnasse, dans le 6ème arrondissement. Créé en 1847, ce restaurant a toujours accueilli les intellectuels et artistes de Paris comme Emile Zola, Pablo Picasso, Ernest Hemingway, Jean-Paul Sartre. Aujourd’hui il continue à attirer des acteurs et chanteurs contemporains français dont Renaud (voir page 9) ainsi que de grands noms américains comme Tim Burton et Johny Depp. Le service au bar est remarquable.

L’intérieur est chic avec ses banquettes rouges et l’ambiance est très cosy et conviviale. La brasserie propose une cuisine gastronomique délicieuse favorisant les poissons et les fruits de mer.

Café de la Rotonde (12), 105 boulevard du Montparnasse, 6ème arrondissement. C'est la "cantine" du président Emmanuel Macron qui y va très souvent ! Le décor de cette brasserie est superbe avec des copies de peintures de Modigliani (qui était un bon client autrefois comme Picasso ou F. Scott Fitzgerald). La cuisine est excellente et le service particulièrement aimable et attentionné. Et les prix ne sont pas excessifs pour la qualité, toujours parfaite.

Le Drugstore Publicis (13), 133 avenue des Champs Elysées, 8ème arrondissement. En 1958, le Publicis a été le premier à adapter en France le concept américain de drugstore. Mais celui-ci a un restaurant renommé, et il a la particularité de rester ouvert très tard dans la nuit. Vous pouvez y aller pour un repas, ou juste pour manger un morceau, un dessert, ou prendre un verre. Ils font également de très bons petits déjeuners. J’aime bien y aller car l’ambiance est vivante, pleine d’énergie, et la situation géographique est incroyable – à 2 pas de l’Arc de Triomphe. Vous pouvez aussi profiter des boutiques qui sont attachées au restaurant avec une librairie, des souvenirs, des pâtisseries, des produits gourmets et aussi d’une pharmacie (et oui !).

Un fabuleux restaurant étoilé

Alan Geaam (14), 19 rue Lauriston, 16ème arrondissement. Ce chef avec des origines libanaises a décroché une étoile Michelin en 2022. Avec ma famille, nous nous nous sommes offerts une soirée remarquable. Le menu était en 5 séquences et chaque plat avait un élément de surprise, une vraie mise en scène. Les assiettes étaient clairement inspirées par la cuisine méditerranéenne ou libanaise. Le zaatar maison était une merveille. Nous avons goûté du vin libanais pour la première fois, c’était une belle découverte. Si vous voulez une expérience et soirée inoubliables avec des mets surprenants et somptueux ainsi qu’un service qui atteint la perfection, n’hésitez pas !

Une croisière restaurant sur la Seine

Le Calife (15), port des Saints-Pères, 6ème arrondissement. Une belle croisière sur la Seine avec un excellent dîner. Découvrir les plus beaux bâtiments de Paris en dégustant de bons plats français classiques, nous vous le recommandons sans hésitation ! Le bateau est joliment décoré avec son salon en bois exotique et son magnifique piano, ainsi que sa terrasse panoramique.

Le moment magique de la soirée est lorsque le bateau se positionne au-dessous de la tour Eiffel lorsqu’elle commence à scintiller. C’est une expérience inoubliable et vous reviendrez avec de magnifiques photos, comme celles-ci dessous.

Trois pâtisseries à noter

Les pâtisseries sont innombrables à Paris et elles sont toutes magnifiques à l’œil. La définition d’une bonne pâtisserie, selon moi, est la légèreté et l’équilibre en sucre dans une crème. En général, je goûte un éclair au chocolat ou un petit Saint-Honoré pour tester. Voici trois de nos pâtisseries préférées que nous trouvons hors norme :

Pain Pain (16) , 88 rue des Martyrs, à Montmartre. C’est un vrai régal aux yeux et au palais ! J’ai testé plusieurs gâteaux différents et chacun d’entre eux était une expérience unique. La pâtisserie est située sur la fameuse rue des Martyrs, une rue que je recommande pour les fans de gastronomie.

Pâtisserie Mulot (17), 76 rue de Seine, Saint-Germain des Prés, 6ème arrondissement. Nous avons eu la chance de rencontrer et de parler avec le chef, M. Mulot, de cette pâtisserie à grand succès. Nous avons immédiatement compris que c’est un homme très modeste et gentil et qui effectue son travail avec passion et amour. Non seulement c’est une pâtisserie exquise mais aussi, c’est un excellent traiteur. La prochaine fois que vous êtes dans ce quartier, allez-y !

Aux Merveilleux de Fred (18). Frédéric Vaucamps a 3 pâtisseries à Paris (dont une rue Lepic à Montmartre et une dans le Marais) où ses équipes de pâtissiers préparent ces délicats et délicieux gâteaux meringués recouverts de crème chantilly, appelés "merveilleux" (voir aussi notre petite histoire page 24). Une curiosité très ancienne, à essayer au moins une fois !

Prendre un verre dans un lieu mythique

Est-ce que votre habitude est de prendre un apéritif avant d’aller dîner ? Ou de boire un digestif après le repas ? À Paris, on se pose facilement n’importe où pour boire un kir, un verre de vin, un cocktail ou une liqueur, comme nous le faisons régulièrement, en famille ou avec quelques-uns de nos professeurs et étudiants.

Je voudrais juste attirer votre attention sur un bar unique et d’une beauté incroyable qui raconte une histoire fascinante au sujet de son rôle à la fin de la seconde guerre mondiale :

Le Bar Joséphine (19) dans l’hôtel Lutetia, 45 boulevard Raspail, 6ème arrondissement, que vous pouvez voir dans la photo ci-dessus. Ce bar fait partie du magnifique hôtel Lutétia, 5 étoiles, qui a ouvert ses portes en décembre 1910. L’hôtel attirait les clients fortunés qui faisaient leur shopping en face de celui-ci, dans le grand et chic magasin, Le Bon Marché (qui est toujours là, et toujours chic)...

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’hôtel fut réquisitionné par les services des renseignements et de contre-espionnage allemands. À la fin de la guerre, en 1945, cet hôtel de luxe est devenu le principal centre d'accueil des rescapés des camps de concentration.

Joséphine Baker (voir aussi Coin des branchés), comme d’autres artistes célèbres de l’époque, a marqué l’endroit. Le bar est d’une beauté exceptionnelle aux dimensions impressionnantes et le plafond est orné d’une fresque Art déco. N’hésitez pas à y prendre un cocktail, vous ne serez pas déçu de la qualité des boissons.

Céline Van Loan, French Accent No 101, Mars-Mai 2023

Liens internet des restaurants et autres lieux cités

(1)  www.tripadvisor.fr/Restaurant_Review-g187147-d23863546-Reviews-Jamat-Paris_Ile_de_France.html
(2)  https://restaurantguru.com/POJO-Paris
(3)  www.thefork.com/restaurant/le-bergerac-r637983
(4)www.tripadvisor.com/Restaurant_Review-g187147-d4419580-Reviews-Poni-Paris_Ile_de_France.html
(5) www.thefork.com/restaurant/le-piano-perche-r289711
(6) www.chantoiseau-paris.fr
(7) www.thefork.com/restaurant/le-nazir-r513393
(8) www.augustin-bistrot.fr
(9) https://vin-et-maree.restaurant
(10) https://brasserielezeyer.com
(11) www.closeriedeslilas.fr
(12)  https://larotonde-montparnasse.fr/restaurant
(13)  www.publicisdrugstore.com/fr/le-drugstore
(14)  www.alangeaam.fr
(15)  https://calife.com
(16)  www.pain-pain.fr
(17)  www.maison-mulot.com
(18)  https://auxmerveilleux.com
(19)  www.hotellutetia.com/fr/eat-drink/bar-josephine

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour
haut de page

 

Nos autres "bonnes adresses"

Deux clubs de jazz

Aimez-vous le jazz ? Vous avez le choix à Paris mais nous voulons mettre en avant ces deux clubs que nous connaissons bien :

Le Bal Blomet
A chaque passage à Paris, avec mon mari qui est un fan de jazz, nous essayons de réserver une soirée pour aller voir un concert dans ce très beau cabaret historique situé 33 rue Blomet dans le 15ème arrondissement. Le Bal Blomet est le plus ancien club de jazz de Paris, l’intérieur est très charmant avec de petites tables rondes et un bar. Les spectacles musicaux sont de très bonne qualité et les musiciens ne sont pas seulement français, mais aussi américains ou d’autres nationalités. On arrive au club à l’ouverture pour choisir une table et boire un verre avant que le spectacle commence. On y passe toujours une excellente soirée !
www.balblomet.fr

38 Riv
Une authentique vieille cave souterraine comme celle des clubs de jazz traditionnels, 38 rue de Rivoli, dans le 4ème arrondissement (Marais). De très bons groupes viennent y jouer du jazz. Il y a un bar, mais la salle est petite, avec peu de places assises, on a intérêt à réserver, et à venir à l'avance.
www.38riv.com

Magnifiques points de vue sur Paris

On aime regarder Paris d’en bas et d’en haut. Il y a plusieurs points de vue, à part ceux de la tour Eiffel et de l’Arc de Triomphe, qui vous coupent le souffle. Les endroits que nous conseillons sont les suivants :

Beaubourg (Centre Georges Pompidou), place George-Pompidou, 4ème arrondissement.
Ce musée à l’architecture originale avec ses tuyaux, et qui avait causé beaucoup de débats à sa création, a une des plus belles vues sur Paris au 6ème étage. Personnellement, j’adore y aller ! Et j’aime prendre ces escalators qui se trouvent sur la façade extérieure du musée. Vous découvrirez une superbe vue sur Paris. Cette vue panoramique n’est ni trop élevée, ni trop proche. Juste ce qu’il faut pour voir les détails et faire de magnifiques photos. C'est ce que je fais chaque fois que j'y vais, comme peut le voir dans la photo ci-dessus ! L’accès à la vue est gratuit tous les premiers dimanches du mois. Sinon, vous y avez accès avec un billet d’entrée pour aller voir le musée, ou une exposition.

La terrasse des Galeries Lafayette, 40 boulevard Haussmann, 9ème arrondissement.
Le célèbre bâtiment des Galeries Lafayette a profité de sa fermeture pendant la pandémie pour refaire entièrement sa terrasse. Maintenant, la vue est exceptionnelle sur l’Opéra et tout Paris depuis le 7ème étage. La terrasse est immense et vous pouvez y rester le temps que vous voulez dans un des sièges mis à disposition des visiteurs. Vous avez plusieurs points de vue différents pour faire de superbes photos.

Terrass’ Roof top bar, 12 rue Joseph de Maistre, Montmartre.
Une vue sur les toits de Paris et sur la Tour Eiffel dans un roof top bar sans "cover charge", qui dit mieux ? En effet, Il y a plusieurs roof top bars à Paris mais l’entrée est souvent coûteuse. Terrass est un hôtel mais le bar/lounge est ouvert à tout le monde. Vous n’avez pas besoin d’être un client de l’hôtel pour y accéder. Cette terrasse a une excellente situation géographique, la vue est magnifique. Allez-y avant que ce lieu devienne trop connu !
 www.terrass-hotel.com/bar-rooftop

Nos musées préférés 

J’aimerais vous amener vers des musées de tailles petites et moyennes qui sont peut-être moins fréquentés que les très grands musées comme le Louvre et le Musée d’Orsay. Ce sont des musées très accessibles, et pour la plupart, vous n’avez pas toujours besoin de réserver.

Musée Rodin, 77 rue de Varennes, 7ème arrondissement.
Je pense que c’est mon musée préféré, j’ai toujours eu un faible pour le musée Rodin qui détient la plus belle collection de ses œuvres mais aussi quelques-unes de sa maîtresse et talentueuse sculptrice, Camille Claudel. Le musée est une magnifique maison sur 2 étages et entourée d’un superbe jardin où vous pouvez admirer d’autres sculptures, dont le célèbre penseur. Vous pouvez aussi déjeuner dans la petite cafétéria du jardin.
www.musee-rodin.fr

Musée de Montmartre, 12 rue Cortot, Montmartre.
À quelques pas du Sacré-Cœur, ce musée est l’une des bâtisses les plus anciennes de Montmartre. C’était avant tout un lieu de rencontres et il attirait de nombreux artistes comme Renoir, ainsi que Suzanne Valadon, qui y avaient leur atelier.

 Dans le jardin du musée, vous pourrez prendre un verre dans le charmant Café Renoir. Entre le jardin et le bâtiment, c’est une petite oasis de paix ! Le jardin est une bouffée d’air frais à Paris et au bout de celui-ci, vous verrez le seul vignoble de la ville ! Dans la collection permanente, vous découvrirez l’histoire de la Butte de Montmartre, et l’ambiance de ses célèbres cabarets, du French cancan, et bien plus.
https://museedemontmartre.fr

Musée Carnavalet, 23 rue de Sévigné, 3ème arrondissement.
L’histoire de Paris est fascinante et vous pouvez la découvrir au Musée Carnavalet. Il est situé dans le quartier du Marais, et il occupe 2 hôtels particuliers (du XVe et XVIe siècles). Vous imaginez la beauté de ces bâtiments ! La collection permanente comprend un fonds archéologique gallo-romain et médiéval, des souvenirs de la Révolution française, des peintures, sculptures, du mobilier et des objets d’art. Très éducatif, et l’entrée est gratuite.
www.carnavalet.paris.fr

Musée DE Cluny, 28 Rue du Sommerard, 5ème arrondissement.
J’aime ce musée qui nous transporte dans un univers médiéval où on peut visiter des thermes gallo-romains qui sont les plus importants vestiges de l’Antiquité conservés à Paris. Parmi les objets les plus prisés dans ce musée sont quelques vitraux, armes, reliquaires ou encore des boucliers. Toutefois, la pièce phare de ce musée est la tapisserie de La Dame à la licorne datant du XVe siècle. Vous y trouverez des expositions originales comme celle que j’ai vue qui présentait les croyances sur l’animal imaginaire, l’unicorne, à l'époque médiévale.
www.musee-moyenage.fr

Maison Européenne de la Photographie, 5-7 rue de Fourcy, dans le Marais (4ème arrondissement).
Cet institut est très dynamique dans son choix d’expositions de photos tant avec des œuvres de photographes de renommée internationale qu’avec celles d'artistes émergents. J’aime y faire un tour à chaque fois que je suis à Paris.
www.mep-fr.org/en/homepage

Les galeries d’art de La place des Vosges, dans le Marais (4ème arrondissement).
Il y a plusieurs bonnes raisons d’aller passer quelques heures sur la magnifique place des Vosges. Vous pouvez prendre le temps de visiter toutes les galeries d’art sous les arcades qui bordent la plupart du square en faisant une pause dans un des cafés pour admirer cette ancienne place royale (construite par le Roi Henri IV). Si vous avez déjà lu une œuvre de Victor Hugo, vous devriez également visiter sa maison qui est située dans le square.  C’était toujours un régal d’aller faire un tour dans une des plus belles places de Paris !

Musée des Arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, 1er arrondissement.
Les voyageurs qui vont visiter le Louvre ne savent pas toujours qu’il y a un autre musée attaché aux grands bâtiments principaux qui propose des expositions innovantes et très intéressantes. J’ai déjà vu plusieurs expositions originales et très belles dans ce magnifique lieu, la plupart sont axées sur les grands couturiers, la mode, et la société. Le musée installe ses collections avec originalité, extravagance, et jeux de lumières. Un étage est consacré à une exposition permanente qui conserve l’une des plus importantes collections d’arts décoratifs et de design au monde, que vous pouvez découvrir selon un parcours chronologique et thématique.
https://madparis.fr

Le Palais Garnier (l’Opéra de Paris)
Ce n'est pas un musée mais ce bâtiment a une architecture magnifique. Savez-vous que vous pouvez visiter individuellement ou en groupe le fameux Palais Garnier ? Si vous n’avez pas le temps d’aller voir un superbe spectacle d'opéra ou de danse mais que vous avez envie de découvrir le bâtiment, alors allez-y durant la journée et vous ne serez pas déçu. Vous pourrez admirer le plafond de la salle principale peint par Marc Chagall !
www.operadeparis.fr/visites/palais-garnier

Le shopping à Paris

Pour terminer cet article, je voudrais vous donner quelques adresses pour ceux qui ont envie de se faire une nouvelle garde-robe à Paris ! Bien sûr, tout dépend de votre budget, mais je pars sur le critère de prix moyens.

Si vous préférez les grands espaces qui rassemblent plusieurs couturiers différents comme les Galeries Lafayette, je conseillerais d’aller faire un tour dans son grand concurrent Le Printemps Haussmann qui est situé juste à côté. On a remarqué que l’accueil et le service par les vendeurs et vendeuses du Printemps sont bien plus chaleureux. 

Un autre grand magasin que je recommande est le BHV (Bazar de l'Hôtel de Ville), situé dans le Marais, en face de la place de l’Hôtel de Ville. C’est un des plus anciens magasins, construit en 1856. Il fait maintenant partie du groupe des Galeries Lafayette mais l’accueil nous semble également plus agréable. Il y a un étage avec une très belle section papeterie.    

Personnellement, je trouve que l’expérience de faire du shopping à Paris est plus satisfaisante dans les petites boutiques. En général, j’aime bien aller faire du lèche vitrines dans deux rues principales qui regorgent toutes sortes de petits magasins de vêtements et de chaussures : la rue de Rennes et la rue du Four dans le 6ème arrondissement. Il y a aussi beaucoup de boutiques originales dans le Marais, qui ont la particularité d'être ouvertes le dimanche. Rien de tel que de prendre le temps d'entrer dans ces petites boutiques pour pratiquer son français !

Il y a tellement d’autres merveilles à citer mais je m’arrête là. La ville est comme un énorme coffre rempli de riches trésors. J’espère que ces recommandations vous seront utiles et nous vous souhaitons de pleinement vivre la magie de Paris !

Céline Van Loan, French Accent No 101, Mars-Mai 2023